Didapro

Actes en ligne des premières journées francophones 
de didactique des progiciels
(10 et 11 juillet 2003)

Éditeurs

Bernard André
Georges-Louis Baron
Éric Bruillard

© INRP/GEDIAPS

Didapro@inrp.fr

Mis en ligne le 2 octobre 2003
Dernière mise à jour le 15 octobre 2003

La formation à la production
d'artefact multimédia en EPS

De la planification didactique à l'exploitation en situation pédagogique : approche Technologique

Barthès Didier

Résumé

La formation à la production d'artefact multimédia en EPS.
De la planification didactique à l'exploitation en situation pédagogique : Approche Technologique

Le recours à la réalisation un artefact en formation programmée au PAF permet d'estimer en quoi les savoirs en jeu sont transformés par la situation impliquant un artefact vidéo.

Autour du projet technique (création vidéo informatique), des notions sont discutées et formalisées selon 3 étapes (Analyse didactique, Mise en œuvre technique et Exploitation pédagogique), illustrée par les contenus de formation (Fiches-guide définissant les objectifs, connaissances et procédures), jusqu’au produit final (Film d’autoscopie et auto évaluation en Badminton).

Préambule.

La communication présentée ci-dessous s’inscrit dans le cadre d’une approche technologique à visée didactique. Aussi, au delà de l’abord didactique des progiciels et de leur apprentissage, c’est l’ensemble d’un projet de formation qui est ici considéré. Le recours au progiciel constitue un des moyens de formalisation et de réalisation du projet dans lequel sont impliqués les formés : au delà des savoir-faire liés à la maîtrise de l’objet logiciel, c’est l’utilisation de l’artefact conçu comme une réponse aux besoins de formation, qui fait de l’objet progiciel un instrument cognitif au service de l’intention de formation.

Introduction

L’approche technologique constitue le moyen d'aborder les faits naturels en les investiguant dans leur complexité en vue de produire des outils de lecture, de compréhension ou de transformation des productions, permettant ainsi d'établir les registres de technicité du domaine abordé. Ainsi, les artefacts développés dans le domaine scolaire revêtent un statut d’instrument cognitif facilitant, lors de leur mise en œuvre, la computation en langage naturel auprès des élèves. En d’autres termes, ce type d’instrument constitue un intermédiaire entre les contenus d’intervention planifiés par l’enseignant ou le formateur et les productions motrices des pratiquants, intermédiaire à visée d’explicitation ou de comparaison.

Le recours à la réalisation un artefact lors de formations programmées au PAF permet d'estimer en quoi et comment les savoirs en jeu sont transformés par la situation impliquant l'usage d’un artefact de type logiciel en EPS. Trois axes définissent une telle démarche :

Tout d'abord, la mise en projet qui constitue un prétexte à convocation de savoirs et savoirs-faire chez les stagiaires, impliquant des objets techniques qui seront vecteurs de conception et de diffusion;

D’autre part, la nécessaire formalisation des savoirs en jeu dans la mise en œuvre du projet de formation; qui passe chez les stagiaires, par la recherche d'adéquation entre les projets de diffusion de connaissances formalisées et transposés et les outils techniques mis en jeu en tant qu'intermédiaires;

Enfin, l’évolution du statut de l’objet technologique dans les représentations des stagiaires par l’intégration de l’outil au rang d’instrument cognitif au service du projet : cela relève de la traduction des intentions pédagogiques liées au projet de formation.

Ainsi, L’approche technologique constitue une des réponses à la nécessité d’articuler les besoins de formation des enseignants et la formalisation des contenus et procédures de formation destinés aux élèves. Par ailleurs, elle crée les conditions d’une investigation des procédures d’exploitation et de transformation des contenus en situation d’enseignement tant chez l’élève que chez l’enseignant.

Problématique générale et démarche.

L'hypothèse générale repose sur le pari de formation qui consiste à mettre les formés en projet par l’intermédiaire d’un artefact à concevoir en fonction d’une intention et une stratégie de formation : ou comment l’intermédiaire graphique joue un rôle structurant dans la planification et la mise en œuvre des contenus.

Niveau d’implication de l’artefact dans la démarche de formation.

Ce rôle est assuré à 3 niveaux d'implication de l'artefact :

Le premier niveau concerne l'Effet structurant de l'artefact sur l'activité didactique et pédagogique :

La médiation de l'artefact amène l'enseignant à formaliser son raisonnement et son discours à travers ses intentions, à caractériser et isoler les notions en jeu dans sa stratégie de formation.

Celles-ci favorisent le recours à différents niveaux de représentation et facilitent la décentration par rapport à l'objet même et ramènent aux notions en jeu.

Elles favorisent un transcodage une ré-interprétation du discours associé à la production motrice.

Elle favorise les analogies par les formalismes qu'elle suscite ; elle met également l'enseignant et l'élève sur le même registre représentationnel et sémantique.

Le projet présenté vise à travers la maîtrise de l’outil vidéo-informatique, à assurer chez l’enseignant le passage d’un outil à un intermédiaire (un artefact) assurant le rôle d’instrument cognitif au service de l’intention didactique et de la stratégie pédagogique. Ce passage est conditionné par la formalisation des savoirs et des procédures : Pour cela, l’analyse préalable des constituants du système socio-technique en jeu dans le processus d’interaction est nécessaire (en amont comme pendant la formation même). Il s’agira d’identifier et de formaliser les savoirs en jeu et les procédures à mettre en œuvre. Ainsi, l’étude du fonctionnement du système de formation (projet de formation de l’élève), est indissociable de celle de ses transformations, et réciproquement : qu’est-ce que l’artefact proposé est susceptible de solliciter chez l’élève, ou de provoquer chez lui comme réaction. C’est en cheminant (ou en agissant) dans l’interaction même, qu’il se transforme (ou apprend) et c’est en se transformant (ou en apprenant) qu’il fonctionne (ou qu’il agit).

La deuxième caractéristique a trait au Caractère ouvert de l'artefact

La formalisation de choix didactiques constitue une étape nécessaire à la conception du projet dans ses aspects généraux. Les choix sont assumés car explicités dans la démarche d'élaboration et d'exposition (ce qui est donné à voir au travers et avec l'artefact)

La connaissance de ces contraintes permet la conduite « raisonnée » des conditions d'exploitation et de transformation. Cela correspond à ce que Rabardel (1986) définit comme les contraintes de fonctionnement (au niveau de modalités d'existence, de finalisation et structuration de l'action)

La troisième caractéristique tient à la structure même de l'artéfact dans ce que Woods (86) nomme par métaphore «  la boîte de verre »

Le système de représentations qu'élaborent l'enseignant, l'élève, repose sur les analogies entre ce qui est donné à voir et les outils qui explicitent et transforment la représentation en produisant une représentation formalisée par l'intermédiaire graphique (ou vidéo) et à travers les choix opérés par l'enseignant.

Cette visibilité définit la transparence opérative comme la garantie de la cohérence conceptuelle entre la production motrice, sa représentation et sa conceptualisation.

Exemple de mise en œuvre lors d’une formation programmée en EPS.

Les principes de la démarche étant présentés, un exemple de projet en formation continue vient illustrer cette approche technologique :

La modélisation du projet permet d’envisager l'ensemble des éléments du système sociotechnique. Le fait de proposer de créer un artefact de type vidéo, conduit les stagiaires à développer les moyens et procédures de mise en cohérence entre les contenus à transmettre et les contraintes techniques et pédagogiques. De la même manière, les différents progiciels qui seront utilisés vont être considérés dans leur maîtrise, non pas comme une fin en soi mais comme des intermédiaires utiles à la réalisation du projet. De ce point de vue, le rôle des formateurs sera défini en tant que personne ressource fournissant la réponse aux besoins du projet ; réponse qui sera élargie aux aspects plus généraux ou spécifiques de l’utilisation du progiciel.

Ainsi, Cette formalisation passe non pas par la seule connaissance de l’objet (les contenusdisciplinaires ou bien ceux liés aux progiciels utilisés), mais par la connaissance du projet de formation et de l’ensemble des éléments constituant le système en jeu dans le processus de formation.

La première phase concerne les aspects conceptuels, logiques et physiques.

Cette première phase permet de préciser les intentions , les moyens à mettre en œuvre et les modalités d'exploitation. Cela conduit à envisager de façon combinée les aspects sociotechniques, didactiques et pédagogiques du projet.

Les phases d'élaboration du projet, présentent chacune à leur niveau, des aspects aussi bien de l'ordre de la "philosophie " du projet i.e. la façon de concevoir et de formaliser les différentes computations ayant amené l'idée du projet, que des aspects plus méthodologiques et techniques de l'opérationnalisation et de l'élaboration. Il est ainsi possible de formaliser le projet en s’inspirant de la méthode Merise :

Ainsi, Le niveau conceptuel correspond aux finalités du projet. En faisant abstraction des aspects organisationnels et techniques, il vise à élaborer le Modèle Conceptuel des Données (MCD) décrivant les objets impliqués, leurs propriétés et les relations qu'ils entretiennent entre-eux.

Le niveau logique ou organisationnel correspond aux choix de fonctionnement du projet. Ce que sera l'organisation générale des informations et donc la façon dont elles seront traitées.

Le niveau physique ou opérationnel correspond aux choix techniques, à la description physique des informations, aux aspects dynamiques du traitement des informations.

Cette formalisation est assurée par la proposition d’un script de formation, un document fourni à chacun des stagiaires décrivant pas à pas les différentes étapes d’élaboration du projet.

Les modalités générales de la formation proposée, à savoir :

La définition d’un thème de travail lié à une question professionnelle (dans l’exemple illustrant l’article, la question professionnelle est de savoir comment faire prendre conscience aux élèves de l’importance stratégique de la zone centrale et des conséquences positives que cela peut avoir sur la maîtrise des déplacements de joueurs, des trajectoires de volant et de maîtrise du rythme de jeu).

Objectif de chacune des phases (en quoi la phase vient répondre à un des aspects du projet et à quelle se situe cette phase.

Procédures à mettre en œuvre : Créer la fiche guide avec un traitement de texte ou un tableur ou la compléter (si manque de temps).

Les outils et les techniques utilisées : les connaissances de base à maîtriser, les règles de mise en œuvre et d’utilisation du matériel.

Pour chacune de ces phases un exemple est fourni sous forme de fiche guide ou d’illustration (une copie d’écran)

Fiche guide n°1 : Grille d’analyse de l’activité et des productions élèves

L’étape didactique présente les différentes phases de formalisation du projet correspondant au passage de l'explicitation en langage naturel du projet à la formalisation des différentes étapes.

L'analyse didactique permet donc de formaliser les choix à travers le traitement de l'activité et la prise en compte des caractéristiques et besoins de formation des élèves. Cela débouche sur l'opérationnalisation des variables didactiques sur lesquelles repose le projet.

Ces étapes permettent dès lors d'envisager les aspects généraux des étapes techniques et pédagogiques.

Fiche guide n°2 : Grille de conception du scénario intégrant l’analyse didactique de l’activité.

Fiche guide n°3 : Plan de filmage.

L'étape technique envisage les aspects liés au scénario à mettre en œuvre sur la base du script didactique.

Le plan de filmage est défini et le script précise les différentes étapes du plan de filmage.

Fiche guide n°4 : Grille de conception du script intégrant le scénario.

Description des phases de développement et d'exploitation du projet :

L'étape pédagogique envisage l'exploitation de l'artefact en situation: comment dans le déroulement du script didactique, le produit sera utilisé et investi par les élèves, comment dans le cours de l'action, l'enseignant construira avec et autour de l'artefact proposé. À ce niveau, par le caractère dynamique qu'il prend en situation de confrontation, l'artefact prend valeur d'instrument cognitif dans la mesure où l’enseignant va l’utiliser pour appuyer, étayer sa démarche de formation. Par ailleurs, il pourra exploiter les réactions et commentaires élèves à la fois pour identifier et caractériser leurs représentations et estimer l’écart avec son projet de formation.

Fiche guide n°5 : Modélisation de l’exploitation pédagogique de l’artefact.

L’investigation permet de cerner le degré de traduction opérée par l’enseignant dans le processus de mise en œuvre sur le terrain. À ce titre, l’outil logiciel prend un statut d’instrument cognitif (Rabardel 1995), présentant une double caractéristique : Celle de structurer et guider l’enseignant dans son intervention, celle de faciliter la lecture et la compréhension des productions tout en plaçant l’enseignant et ses élèves sur un même registre de compréhension.

À ce titre l’artefact devient matière d’œuvre en situation d’exploitation, il prend un caractère dynamique intégrant à la fois le projet de formation issu de l’analyse didactique et sociotechnique mais également l’ensemble des représentations qui s’élaborent individuellement et collectivement chez les élèves.

« La tête et les jambes : ou comment, en changeant le rythme de jeu on inverse les rôles.

Le script étant réalisé, le plan de tournage est mis en œuvre et les différents plans sont filmés. À l’aide d’un logiciel de montage vidéo numérique, le dérushage et le montage sont réalisés selon le scénario défini à l’étape technique. Différents aspects et spécification du progiciel sont alors abordés de façon pragmatique et répondant aux besoins du projet (insertion de bancs-titre, d’effets spéciaux visuels et sonores etc.) ; dans cette situation, les formateurs sont toujours des personnes ressources qui vont fournir la solution, mais également vont pouvoir élargir leur réponse à des aspects plus généraux de savoir-faire liés au progiciel, mais également aux aspects didactiques et pédagogiques du recours au progiciel et à son utilisation en situation d’enseignement.

Copies d’écran des plans montés sous forme de fichier vidéo au format mpg.

Les conséquences au niveau de la formation continue, s’envisagent en termes de réflexions autour des moyens d’explicitation des productions et des savoirs en jeu, plus particulièrement autour des procédures (techniques et pédagogiques) venant enrichir l’intervention dans sa temporalité et mettant enseignant et élèves sur un même registre notionnel, le pôle technique venant proposer un transcodage des aspects sémantiques et pragmatiques des savoirs mis en jeu dans la planification de l’enseignant.

Le produit étant présenté, les stagiaires sont sensibilisés aux différents types de production, aux différents moments et contextes d'utilisation. L'intérêt et les limites de leur mise en œuvre sont discutés.


Références bibliographiques.

Barthès D. (2000).Sémiographie des sports collectifs. Approche technologique des données positionnelles des joueurs en rugby. Démonstration du logiciel Sémiographe. Communication en Atelier technologique. Colloque ARIS, Grenoble 14-16 décembre

Barthès D. (2003). Approche technologique des productions motrices en EPS et formation des enseignants. Vingt ans de recherche en didactique de l’Éducation Physique et Sportive à l’INRP (1983-2003). Bilan et perspectives. Journées d’études INRP-GÉDIAPS. 20 et 21 mars.

Bouthier D. (1999). Quelles compétences pour l'intervention éducative dans les pratiques sportives ? Analyse de situations professionnelles et d'activités de formation d'entraîneurs et d'enseignants. Besançon. Conférence au Congrès de l'A.I.E.S.E.P., 7-9 avril.

Bouthier D.(2000). « l’intervention en eps, panorama des axes et des types de recherches Conduites ces dernières années ». Colloque ARIS, Grenoble 14-16 décembre.

Bouthier D., Durey A.(1994). La technologie des APS. In Impulsions, Paris, INRP, 95-124.

Rabardel P. (1995). Les hommes et les technologies. Approche cognitive des instruments. Paris. A. Colin.

Woods D. D.(1986). Paradigms for intelligent decision support. In Hollnagell, Mancini & Woods ed., Intelligent decision supports in process environment, NATO ASI series n°21, 153-173.


Barthès Didier
IUFM Midi-Pyrénées - Toulouse

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