Formation des enseignants :
une audience au cabinet de Luc Chatel

Enseignement de spécialité
« Informatique et sciences du numérique en Terminale S »
 

   Le lundi 22 mars 2010, au nom de l'EPI (Association Enseignement Public et Informatique) et du groupe ITIC de l'ASTI (Association Française des Sciences et Technologies de l'Information et de la Communication), Jean-Pierre Archambault, Président de l'EPI, Gérard Berry, Membre de l'Académie des Sciences et Professeur au Collège de France, Gilles Dowek, Professeur d'informatique à l'École Polytechnique, et Maurice Nivat, Membre correspondant de l'Académie des Sciences, ont été reçus au cabinet du Ministre de l'Éducation nationale Luc Chatel par Érick Roser, Conseiller du Ministre de l'Éducation nationale pour les affaires pédagogiques et Benoît Labrousse, Conseiller technique (nouvelles technologies, éditeurs, multimédia)  [1].

   L'audience a essentiellement porté sur la formation des professeurs qui assureront l'enseignement de spécialité optionnel « Informatique et sciences du numérique » en Terminale S à la rentrée 2012. Elle a été l'occasion de rappeler que l'EPI et le groupe ITIC de l'ASTI se sont félicités de la création de cet enseignement de spécialité, première phase du processus de développement de l'enseignement de l'informatique au lycée. Les échanges, approfondis et constructifs, ont montré des points de convergence.

   Le Ministère de l'Éducation nationale a fait le choix d'une certification complémentaire, à l'instar de ce qui se fait pour les langues vivantes, qui donnera un statut officiel aux formations dispensées à l'intention des enseignants. Une telle certification implique une double évaluation, universitaire et pédagogique, par des jurys académiques. Elle nécessite un cadrage national définissant les contenus de la discipline informatique que doivent s'approprier les élèves pour acquérir une solide culture générale scientifique dans le domaine, les contenus scientifiques universitaires que les professeurs doivent maîtriser pour dispenser leur enseignement, les modalités pédagogiques et la didactique correspondant à l'enseignement de l'informatique au lycée. Il s'agit d'expliciter des passages obligés, aussi bien pour les élèves que pour les enseignants.

   Les dispositifs de formation pourront être mixtes, associant présentiel (à raison par exemple d'une journée par semaine pendant deux ans) et en ligne. Dans la perspective de la rentrée 2012, ils seront mis en place dès la prochaine année scolaire 2010-2011 dans un certain nombre d'académies. Érick Roser a proposé à l'EPI et au groupe ITIC de l'ASTI, dans le cadre de la poursuite de leur réflexion, de faire des propositions sur les trois thématiques du cadrage national. Les deux organisations transmettront les premières pistes de réflexion avant mai.

   La création de cet enseignement de spécialité est une contribution à la culture scientifique des lycéens. Il s'agit là d'un enjeu essentiel de par la crise de recrutement qui frappe les métiers scientifiques. « Culture scientifique et culture informatique », tel était le thème d'une table ronde que j'ai animée aux Rencontres de l'Orme 2010  [2].

   Gérard Berry y a indiqué que « si l'informatique représentait 30 % de la R&D au plan mondial, en Europe le pourcentage n'était que de 18 %. Google va bientôt devenir plus important qu'Airbus. Mais nous ne jouons pas dans cette cour. Ceux qui créent le numérique (qui est "gouverné" par l'informatique) ne sont pas en France. » Il a également rappelé que « les débats sur la loi Hadopi avaient montré le préjudiciable déficit de culture informatique de tous ceux qui ne connaissaient pas le sujet. » Et de fixer à l'enseignement de l'informatique « l'objectif de compréhension du paysage qui s'installe devant nos yeux mais que beaucoup encore ne voient pas »  [3].

   Gilles Dowek s'est intéressé aux autres sciences, notamment la biologie qui « modélise ses objets en insistant sur leur caractère algorithmique ». Les nouveaux déploiements de la démarche scientifique accordent une place importante au choix du langage utilisé pour décrire les objets. « Le séquençage du génome, par exemple, repose sur une abstraction nouvelle de ce qu'est un brin d'ADN ou d'ARN : une suite finie à valeur dans un ensemble à quatre éléments – les informaticiens disent "un mot dans un alphabet de quatre lettres". Cette question de la représentation informationnelle des objets est une question récurrente en informatique ».

   Maurice Nivat a invité à dépasser cette fallacieuse et stérile opposition science/technique : « l'informatique est la science de l'outil, la discipline dont les finalités sont de bien comprendre, reproduire et maîtriser les phénomènes de calcul (toute suite d'opérations élémentaires qu'il faut exécuter pour obtenir un certain résultat) dans leur incroyable diversité. » Science et technique se nourrissent mutuellement : « les informaticiens sont amenés à travailler en collaboration avec des gens de tous les corps de métiers, de toutes les disciplines scientifiques et non scientifiques. »

   Savoir se servir d'une souris ne suffit pas : il faut aussi pouvoir se constituer un modèle mental de ce qu'est l'informatique pour comprendre la mutation sociale qu'elle induit et être dans le monde qui conçoit et fabrique les outils de demain. Cet enseignement de spécialité en Terminale S qui a été créé, première étape d'un processus de culture générale pour tous, est donc le bienvenu.

Le 15 avril 2010

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

NOTES

[1] Communiqué de l'EPI, le 27 mars 2010
http://www.epi.asso.fr/revue/docu/d1004a.htm.
Demande d'audience auprès de Monsieur le Ministre de l'Éducation nationale :
http://www.epi.asso.fr/revue/docu/d1004b.htm.

[2] http://www.orme-multimedia.org/r2010/index.php ?option=com_content&view=category&id=15&Itemid=12.

[3] Les grandes masses de l'enseignement de l'informatique correspondent aux quatre concepts essentiels de cette science : algorithme, langage, information et machine.

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Association EPI
Avril 2010

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