L'informatique au collège

Maurice Nivat
 

   L'informatique est une discipline qui a pris une part considérable dans la vie de chacun d'entre nous et qui est aujourd'hui un des principaux moteurs de l'innovation technologique, des transformations de la société et des progrès de la connaissance dans tous les domaines.

   Elle a un double aspect scientifique et technologique :

  • en tant que science, elle étudie les mécanismes de collecte et représentation de l'information ainsi que les mécanismes de la programmation que nous définissons comme la fixation d'un but et la recherche des informations et des actions pouvant mener à ce but.

  • en tant que technique, elle offre des outils nombreux et de plus en plus puissants pour traiter l'information, la communiquer et la diffuser et elle entre dans la composition de la plupart des outils, des machines et des systèmes industriels modernes, tant au niveau des opérations effectuées que de la surveillance et du contrôle.

   Ces deux aspects scientifique et technologique sont si intimement liés que tenter de distinguer ce qui est la part de l'un et la part de l'autre est un exercice assez vain.

   Elle est l'héritière de millénaires de recherches et de découvertes qui depuis le néolithique ont permis à l'homme de s'exprimer et de fabriquer des objets. Ce sont tous les domaines de la pensée et de l'action qui sont touchés par l'informatique aussi bien par ses concepts que par ses outils.

   Il semble nécessaire que progressivement les élèves de notre enseignement secondaire soient familiarisés avec les principales manifestations de l'informatique, pratiques comme scientifiques.

   Dans les deux premières années du collège, sixième et cinquième, il s'agirait de présenter aux élèves, à partir d'exemples empruntés à leur univers, les idées principales qui toutes sous-tendent l'informatique. Ces exemples devraient être empruntés à toutes les matières qui leur sont enseignées, à la vie quotidienne et à l'univers du jeu. Ce n'est pas un hasard si les jeux ont joué et continuent à jouer un grand rôle dans la constitution de la science informatique : l'arbitraire des situations et des coups autorisés, la précision de la règle, la nécessité d'une stratégie sont assez semblables dans l'univers du jeu et dans l'univers informatique.

   On mettra ainsi en lumière :

  • la nécessité de disposer de l'information pour agir, quel que soit le type d'action et la nécessité de représenter cette information sous une forme ou sous une autre, le choix de la représentation n'étant pas innocent (problèmes de sécurité et de cryptage). On rapprochera la recherche d'information des notions de mesure en physique ou d'analyse en chimie qui sont des moyens d'obtenir des informations qui ne se voient pas.

  • les problèmes liés à la collecte de cette information, à son rangement, à la vérification de sa validité ou de sa pertinence, ceci incluant l'usage d'internet comme source d'information et la constitution de bases de données contenant les informations historiques ou géographiques que les élèves sont amenés à utiliser dans ces deux disciplines.

  • la notion d'algorithme séquentiel ou suite d'opérations à effectuer pour obtenir un résultat souhaité en insistant sur les algorithmes de recherche dans des tables, dictionnaires ou bases de données et les stratégies pour les jeux à un et deux joueurs. Les algorithmes seront présentés en français. Certains, de tri de cartes ou de placement de pions sur une grille, devront être effectués à la main. On utilisera des formes simples d'organigramme ou logigramme pour résoudre des énigmes, ce qui permettra aussi de donner des idées intuitives de logique et de dépendance et indépendance des données.

  • la notion de programme ou écriture d'un algorithme dans un langage plus ou moins approprié : on utilisera des langages tels que LOGO ne présentant pas de difficulté syntaxique et possédant une sémantique intuitive suffisante. Ces algorithmes seront des algorithmes de déplacement et de commande, que ce soit d'une tortue ou d'un robot.

  • la notion de réseau et d'algorithme multi-acteurs pouvant réaliser des opérations simultanées, et les actions collectives par exemple empruntées au monde des sports collectifs. Témoins de passage de relais et sémaphores ferroviaires donneront un aspect très concret à ces notions de partage des tâches ou des ressources et d'échange de signaux entre acteurs, hommes ou machines, coopérant dans un même but.

   On terminera par des considérations sociétales sur les règles qui peuvent et /ou doivent régir l'utilisation d'un réseau : la liberté de chacun s'arrête là où elle entrave celle de l'autre.

   L'enseignement d'informatique au collège a sa place dans le cours de technologie. La création d'une option informatique en quatrième ou en troisième serait bienvenue. Par ailleurs, des concepts de base de l'informatique se rencontrant partout, tous les enseignants étant amenés à enseigner des méthodes qui de fait sont des algorithmes ou programmes d'actions plus ou moins explicites, il est souhaitable qu'ils puissent le faire en s'appuyant sur une discipline scolaire existant en tant que telle. Le but de l'enseignement préconisé est bien de rendre complètement explicites et précis les innombrables algorithmes utilisés dans toutes les activités humaines, y compris les présupposés, le contexte, tout ce qui n'est généralement pas dit ou laissé dans le flou.

Maurice Nivat
Membre correspondant de l'Académie des Sciences
Membre d'honneur de l'EPI
Groupe ITIC-SPECIF-EPI

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Association EPI
Octobre 2011

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