Actes du colloque
La Communication Médiatisée par Ordinateur : un carrefour de problématiques
Université de Sherbrooke, 15 et 16 mai 2001

PsyberMentor:Un programme de cybermentorat vocationnel pour les étudiants en psychologie

Jean-François Trudeau, Jacques Lajoie, Catherine Légaré et Alexandre Simard
Département de psychologie
Université du Québec à Montréal

Qu'est-ce que PsyberMentor?


PsyberMentor (http://www.psybermentor.ca/) est un programme de cybermentorat vocationnel qui s'adresse aux étudiants et étudiantes en psychologie des universités du Québec. Il vise à faciliter le choix de carrière, la poursuite des études et l'insertion au marché du travail de ces derniers en leur permettant d'entrer en contact avec des professionnels de la psychologie passionnés par leur métier, désireux de communiquer leur expérience et qui ont tous déjà vécu les difficultés du cheminement universitaire.

De plus, en rassemblant professionnels et étudiants de psychologie en un même endroit, PsyberMentor se veut une agora du monde de la psychologie sur Internet. Le site de PsyberMentor est réservé aux professionnels (et futurs professionnels!) de la psychologie. C'est un endroit où ces derniers peuvent se rencontrer, s'informer, discuter et partager sur la profession et sur leurs intérêts avec leurs pairs; une véritable «communauté virtuelle». Il est important de préciser que tous les services offerts par PsyberMentor sont gratuits.

Le projet PsyberMentor a été développé grâce à une subvention de recherche FODAR provenant du siège social de l'Université du Québec. Le recrutement des mentors se fait entre autres avec la collaboration de l'Ordre des psychologues du Québec.


Pourquoi du mentorat pour les étudiants en psychologie?


La période durant laquelle les étudiants explorent, précisent et confirment leur choix de carrière s'étend bien au-delà du Cégep et continue pour un grand nombre d'entre eux durant les études de premier cycle universitaire, même dans des programmes contingentés comme en psychologie. Par ailleurs, même lorsque l'orientation de l'étudiant se confirme dans le vaste domaine de la psychologie, la variété des approches et des modes d'intervention et de recherche est tellement grande qu'il est difficile pour l'étudiant de réduire l'éventail des chemins qu'il pourrait prendre. Même après s'être engagé dans un programme d'étude spécifique, 35,9 % des étudiants ont une idée peu précise de la profession qu'ils veulent exercer lors de leur première inscription universitaire (Sales, Simard & Maheu, 1996). Dans les faits, cette indécision a des conséquences : on constate que 32,5 % des étudiants changent de programme au moins une fois pendant leurs études de premier cycle. Parmi les raisons mentionnées, la seconde en importance est la “réorientation des choix professionnels” (18,3 %). De plus, 62 % de ces mêmes étudiants ont interrompu leur projet d'étude universitaire au moins une fois. Pour 10,4 % d'entre eux, l'interruption est due à une réorientation des choix professionnels (Sales & al., 1996). L'indécision professionnelle est aussi une des causes de l'abandon des études universitaires, un phénomène de plus en plus médiatisé (Crespo & Houle, 1995).

De plus, il est reconnu qu'un moyen efficace d'intervenir auprès de l'étudiant est de lui permettre d'entrer en contact avec des personnes actives dans le milieu du travail afin d'obtenir des renseignements pratiques plus spécifiques à la vie professionnelle et les chemins privilégiés qui y conduisent (Hamilton & Darling, 1996 ; Cuerrier, 1998).


Quelques données


Depuis le lancement du site le 9 février 2001:

165 membres se sont inscrits à PsyberMentor.

115 se sont inscrits au mentorat (62 mentors et 53 étudiants).

315 messages ont été envoyés via la messagerie.



Comment fonctionne PsyberMentor?


Comme le projet PsyberMentor se déroule entièrement sur Internet, l'équipe a développé des mesures particulières pour assurer la confidentialité des informations circulant sur le site. Dans un premier temps, tous les usagers doivent s'inscrire à PsyberMentor avant d'avoir accès au site. À chaque visite, ils doivent réinscrire leur code d'accès et leur mot de passe. Ensuite, les mentors, qui ont une responsabilité particulière envers les mentorés, sont tous contactés par téléphone avant de pouvoir participer au mentorat. Nous pouvons ainsi nous assurer qu'ils ont bien compris le projet et que les informations qu'ils ont fournies lors de leur inscription sont véridiques.


Il existe trois façons de participer à PsyberMentor. Le premier niveau d'inscription est celui de Membre de la communauté. Ceux-ci ont accès à des forums de discussion, à des nouvelles sur des questions concernant le milieu de la psychologie, ainsi qu'à des liens à des ressources traitant de la psychologie sur Internet. Mais plus encore, la communauté de PsyberMentor, comme toute communauté, compte sur une participation dynamique de ses membres. Ceux-ci sont donc invités à contribuer au site pour y partager leurs réflexions, leurs trouvailles, leurs compositions, etc.

Toute personne qui s'inscrit à PsyberMentor est automatiquement membre de la communauté. Toutefois, ceux qui le veulent ont aussi le choix de participer au cybermentorat en tant que mentor ou mentoré.

Une fois inscrits au cybermentorat, des options s'ajoutent au menu de navigation selon le statut de l'usager. Ainsi, les mentorés ont accès à un outil de recherche de mentors où ils peuvent choisir un ou plusieurs mentors. Ensuite, pour communiquer avec un mentor, le mentoré lui envoie un message à l'aide du système de courrier interne. Notez que seuls les mentorés peuvent initier une relation avec un mentor. Une fois la conversation établie entre un mentor et un mentoré, tous deux peuvent s'envoyer des messages pour poursuivre la discussion. Les mentorés ont aussi à leur disposition le Guide du mentoré, qui leur donne plusieurs conseils pour rendre plus agréable leur relations de mentorat.


Les mentors appartiennent à l'un des groupes suivants:


Une fois inscrits et validés, les mentors ont accès au Salon des mentors, un forum de discussion où ils peuvent échanger à propos de leur expérience de mentorat et au Guide du mentor, qui a les mêmes objectifs que le Guide du mentoré.


Pourquoi faire du mentorat sur Internet?


Selon Catherine Légaré (2000), le cybermentorat exploite un nouveau médium et il tente de minimiser des difficultés couramment rencontrées dans un contexte traditionnel, les plus importantes étant :


Forcément un changement de moyen de communication entraîne des différences :

L'asynchronie caractéristique des communications électroniques permet la création d'un environnement de communication flexible et indépendant du temps et de l'espace. Le rapport au temps change également à cause de l'asynchronie. Contrairement au mentorat traditionnel où les rencontres ont lieu à intervalles réguliers, on remarque que la fréquence et la durée des relations de cybermentorat sont variables. Ainsi, certaines dyades échangent 12 messages à l'intérieur de la même journée, ... d'autres en 12 semaines.

Le cybermentorat profite des avantages associés à l'anonymat des communications électroniques. On note une atténuation des différences perçues liées à des facteurs tels le statut social, la race, la situation socio-économique ou l'âge avec l'utilisation du cybermentorat. En dissimulant ces différences, qui lorsque plus évidentes, risquent gêner la communication entre le mentor et le mentoré, le cybermentorat permettrait, dans certains cas, de faciliter les premiers contacts.

Les échanges se déroulent par écrit. Malgré que la communication écrite soit souvent décrite comme appauvrie comparativement aux rencontres en personne ou au téléphone, il semble qu'à moyen terme cela ait peu d'impact. Sur Internet, les relations interpersonnelles sont communes et elles évoluent naturellement en fonction du temps et de l'expérience des individus dans un environnement virtuel. Lors d'études sur le terrain portant sur des communautés d'entraide virtuelles, on a observé des commentaires servant à exprimer le soutien, l'empathie, l'acceptation, de l'aide à la résolution de problème et des sentiments positifs, soit des éléments que l'on retrouve habituellement dans les groupes de soutien.


La recherche


Le cybermentorat:

Le cybermentorat étant un domaine d'étude nouveau, son efficacité et les variables qui y sont en jeu sont encore mal définies. Dans le cadre de PsyberMentor, l'étude, menée par Jean-François Trudeau, candidat au doctorat en psychologie à l'Université du Québec à Montréal sous la supervision de Jacques Lajoie, a les objectifs suivants :

  1. Évaluer les effets du projet PsyberMentor sur le choix de carrière et l'orientation des mentorés qui en feront usage;
  2. Identifier les variables qui sont en jeu dans le succès ou les difficultés rencontrées dans PsyberMentor;
  3. Dresser un portrait des communications de mentorat sur PsyberMentor en terme de leurs fonctions, de leur fréquence et de leur direction.



Les communautés virtuelles:

La communauté virtuelle est un autre phénomène émergent du développement de l'Internet encore bien peu étudié. Dans le cadre de PsyberMentor, Alexandre Simard, candidat au doctorat en psychologie à l'Université du Québec à Montréal sous la supervision de Jacques Lajoie, s'intéresse principalement aux éléments suivants :

  1. Développer des méthodes et des interventions susceptibles de favoriser l'implication des usagers et le développement de la communauté.
  2. Évaluer le rôle des différents facteurs en jeu dans l'élaboration et la gestion d'une communauté virtuelle.
  3. Étudier le profil d'utilisation du médium en fonction du niveau d'implication dans la communauté.
  4. Évaluer l'impact de la communauté virtuelle sur le vécu professionnel de ses usagers.


Références


Cuerrier, C. (1998). Programme de mentorat professionnel: À l'heure du bilan 1998. Rapport d'évaluation – Université du Québec à Montréal.

Crespo, M. & Houle, R. (1995).La persévérance aux études dans les programmes de premier cycle à l'université de Montréal. Rapport de recherche - Université de Montréal.

Hamilton, S. F, & Darling, N. (1996). Mentors in adolescents' lives. Dans Hurrelmann, K., & Hamilton, S.F, et al. (Eds) Social problems and social contexts in adolescence: Perpectives across boundaries. New York: Aldine De Gruyter, p.199-215

Légaré, C. (2000). Internet, une nouvelle tribune pour des rapports sociaux déjà existants: illustration à partir du cybermentorat. Présentation au premier colloque du CIRASI – Collectif interdisciplinaire de recherche sur les aspects sociaux de Internet. Montréal, le 20 octobre 2000. (http://cirasi.teluq.uquebec.ca/).

Ministère de l'éducation du Québec (2000). Politique québécoise à l'égard des universités: Pour mieux assurer notre avenir collectif. Gouvernement du Québec. Disponible sur le Web: http://www.meq.gouv.qc.ca/ens-sup/ENS-UNIV/1410-28f.pdf

Sales, A., Simard, G, & Maheu, L. (Eds) (1996). Le monde étudiant à la fin du XXe siècle: rapport final sur les conditions de vie des étudiants universitaires dans les années quatre-vingt-dix. Montréal : Université de Montréal, Département de sociologie.