Les outils de la CMO dans une expérience de
séminaire en vidéoconférence : concurrence ou complémentarité ?
La technologie remplace t-elle l'enseignement en présentiel
ou ajoute-t-elle au contexte éducatif ?De nouveaux modèles se
mettent-ils en place (reconnaissant les apports technologiques)
?Précisément, y-a-t-il enrichissement de l'offre pédagogique
avec l'usage de la CMO ?Nous tenterons de répondre à ces
questions sans toutefois conclure sur l'objet de cette problématique ; celui-ci
nécessitant tout un ensemble de données que cette étude ne prétend pas avoir
déterminées. Une réponse trop générale ne situerait pas bien les enjeux. Suite à
l'évaluation du séminaire GPB[1], nous préciserons les rôles joués par les
dispositifs techniques utilisés dans cette situation précise.
Dans un premier temps, nous ferons état de différents
cas d'usage de la vidéoconférence[2]. Deuxièmement, nous préciserons le
fonctionnement des choix technologiques expérimentés durant le séminaire GPB.
Ensuite, nous constaterons certains usages de ceux-ci par les professeurs et les
étudiants. Vérifiant au-delà d'une complémentarité possible, ces dispositifs
participent-ils à concurrencer l'enseignement traditionnel ou font-ils présence
plutôt d'un regard différent sur l'enseignement ?
Trois cas[3] en éducation: Variations sur
un même thème (la vidéoconférence) :
Premier cas : Un professeur
externe, un site. Ce cas se rapproche d'une situation de campus virtuel où aucun
professeur n'est présent en classe avec les étudiants. Les étudiants sont dans
une salle et le professeur, à l'externe, dans une autre salle. Selon les
étudiants, le cours était semblable a une cassette enregistrée, pas
d'interactivité : "La communication était donc perçue comme
artificielle[4]." Nous pouvons affirmer que, dans ce sens,
la technologie n'est pas concurrente au présentiel.
Deuxième cas : Un
professeur, deux sites.Un enseignant donne le cours en deux
sites, celui local et celui à distance où un autre enseignant (accompagnateur)
est présent. Ici, c'est cet enseignant qui s'est plaint. Les groupes
n'interagissent pas. Nous remarquons un souci pour la pédagogie employée. La
technologie ne peut pas d'elle même construire l'enveloppe pédagogique
nécessaire à l'apprentissage des étudiants. Elle n'est donc pas concurrentielle,
mais pourrait ajouter à la pédagogie si les professeurs considéraient les
caractéristiques particulières de la technologie employée.Troisième cas : Trois professeurs, trois
sites.Ce cas nous intéresse particulièrement : le séminaire GPB
est le seul cas où il est spécifié que l'usage de l'Internet et le présentiel
sont aussi présents. Les dispositifs techniques ont été choisis en fonction des
choix pédagogiques des trois professeurs impliqués. La technologie a donc joué
un rôle plutôt complémentaire. Elle n'a pas concurrencé le présentiel qui était
aussi présent. Le premier cas ne faisait que copier un
enseignement magistral sans autres considérations. Le deuxième rend compte de la
nécessité de considérer les caractéristiques de la technologie employée puisque
celle-ci sans déterminer la pédagogie en soi influence le déroulement des
séances. Le troisième cas considère les avantages de la technologie (et les
désavantages) en tentant de maximiser une pédagogie participative. Les acteurs
échangent via l'usage de ces dispositifs. Une volonté à enrichir l'enseignement
est présente et le fonctionnement de la technologie est
observé.Fonctionnement des choix
technologiques durant le séminaire GPBLa
vidéoconférence en RNIS (Réseau numérique avec intégration de
services)De courtes précisions sur le fonctionnement du
dispositif de la vidéoconférence : "Le principe de la vidéoconférence consiste à
faire circuler en temps réel sur un réseau des informations contenant
principalement de l'image, du son, des données [...] Ces informations sont
capturées par un ensemble de matériels périphériques (caméras, micros, etc.)
puis, sont traitées et compressées par des composants appelés Codec
(Codeur-Décodeur).[5]" Le Réseau Internet (IP, internet protocol) n'offre pas, pour l'instant, un
débit garanti.
Pour une rencontre en trois sites (le cas du séminaire
GPB), un Codec respectif est nécessaire ainsi qu'un RNIS central. Ce
pont multipoint est une machine
numérique qui reçoit le data et le distribue selon des protocoles d'image et de
son. La distribution audio se mets en œuvre facilement. Pour la distribution
vidéo, le son basculant l'image a été la solution utilisée. Lorsqu'une personne
parle, son image est diffusée sur les autres sites. En retour, elle obtient
l'image du dernier site qui a parlé. Le signal vidéo du site fournissant le
signal audio le plus fort est distribué.Pour la gestion de
l'appareillage, la présence d'un technicien qualifié est absolument nécessaire.
Une collaboration entre celui-ci et les étudiants, mais surtout avec le
professeur (celui-ci ne peut pas tout gérer) permettra une meilleure opération
du projet.Netmeeting choisit au
départ pour permettre le transport de documents et le partage de présentation
Powerpoint sera très[6] peu utilisé puisqu'un des trois sites n'en
fera pas usage.
La liste de discussion
créée pour permettre une distanciation face au contenu des séances permettant un
recul ainsi qu'une continuité entre les séances. Dans ce contexte international,
elle a permis des échanges de documentation. Pas de protocole discuté
puisqu'elle avait été créée pour le séminaire, les participants en tenaient
compte. Liste fermée, c'est-à-dire à l'usage des participants du
séminaire.Le site créé pour
offrir aux étudiants une banque de données et des informations additionnelles
sur le cours. Un lieu de discussion, un chat, était possible, mais la liste,
construite dès la troisième séance, s'avéra plus efficace. (Des difficultés dues
au décalage horaire entre les pays, à l'accès à un ordinateur et au coût de
connexion plus élevé en France ont été confirmées).Les
usages de chacun des dispositifs variaient selon le niveau d'accès des
participants à cette technologie et aussi selon les caractéristiques propres de
ces dispositifs techniques.Les usages des
dispositifs techniques L'évaluation du projet
GPB[7], sur l'usage des dispositifs techniques et
sur le développement d'une pédagogie appropriée a été faite pour observer
l'impact présent ou futur d'applications semblables en enseignement. Dans le
cadre de cette étude, nous tiendrons compte surtout du rôle joué par ces
dispositifs techniques et de leurs usages en ce séminaire où trois professeurs
(un, en chaque lieu), trois universités, trois cursus constituaient le contexte
au départ.
La vidéoconférence, pour résoudre le problème de la
distance, est une technologie absolument nécessaire si cet objectif veut être
rencontré. Les protocoles suivants ont été choisis par les professeurs
:
-Protocole à partir de l'usage du dispositif du RNIS (on l'a
vu, le son basculait l'image) ;
-Protocole à partir de l'usage
pédagogique favorisé soit : une gestion pédagogique. Un tour alternatif des
trois sites pour des périodes de question après chaque présentation a été
instauré. Le rôle des professeurs en tant que modérateur (celui qui coordonne
les échanges) ou co-modérateur (celui qui signale les demandes d'interventions
en son site) s'est avéré essentiel.
Nous remarquons que même si
la technologie de la vidéoconférence a servi à vaincre la distance physique
(malgré les pannes techniques), les professeurs en instituant des échanges entre
les trois groupes ont permis de contrer une certaine distance psychologique.
Nous constatons que le site avec tous
ses services web et la liste de discussion demeurent accessoires puisque
plusieurs étudiants n'avaient pas accès ou très peu à un ordinateur branché.
Tout de même, les commentaires recueillis sur leurs désirs d'échanger tendent à
annoncer que la liste de discussion pourrait devenir un lieu encore plus
participatif. Différents types d'interventions sur la liste ont été possibles.
Certainement, ceux-ci ajoutent au contenu du séminaire. La liste a parfois servi
à compléter un aspect vu en séance. Un des professeurs a émis ce message : «Nous
n'avons pas eu beaucoup de temps, hier, pour discuter de la politique concernant
le développement de la société de l'information en Europe, ni de la comparer
avec ce qui se passe au Québec et au Canada. Pour ceux que la question
intéresse, je rappelle que la banque de données de notre site contient des
références pertinentes sur le sujet.[8]» Loin de concurrencer le mode
présentiel et le contenu du séminaire, le message de la liste permet de
reconsidérer le contenu. Un autre exemple de complémentarité au niveau du
contenu et aussi au niveau de l'échange, le message suivant d'un étudiant :
« Le site du séminaire a été utile grâce à la richesse de ses liens. Il m'a
permis également d'entrer en contact avec un étudiant de Grenoble s'intéressant
également à la communication politique.[9] » Des liens, des
échanges se font via la liste. Plusieurs échanges sont des offres d'informations
liées directement au sujet du séminiare : Analyse
comparée des politiques de culture et de communication. Quelquefois aussi des messages font référence à un contenu précis
discuté en séance. La présence de ces échanges externes (en temps asynchrone)
aux séances de vidéoconférence (en temps synchrone) nourrit le déroulement du
séminaire. Ce qui motivait les étudiants[10] à participer sur la liste :
81% (21)[11], le contenu, 66% (21) ont
trouvé l'intervention des autres étudiants motivante, 76% (21) ont trouvé que la
possibilité d'échanger avec des étudiants de deux autres sites était stimulante.
Pour le site web, 67% (21) ont trouvé que la banque de données était utile et
60% (23) auraient aimé le visiter plus souvent[12].
Concurrence ou
complémentarité "Il arrive que des
dispositifs techniques sont imposés aux enseignants. Ce qui rend les
appropriations beaucoup plus difficiles. Et alors, la liaison ne se fait pas
bien entre la technologie et la pédagogie. Un professeur passionnant mais
inconfortable avec la technologie communiquera probablement moins bien avec ses
étudiants. Ce n'était pas le cas ici[13]." Les professeurs ont
expérimenté un modèle précis permettant de rencontrer leurs objectifs. Ils ont
justifié la contribution du dispositif et défini son rôle. Ils ont réussi à
enrichir l'offre pédagogique.
Les étudiants voudraient plus
d'échanges entre eux et, entre eux et les professeurs, donc plus de temps de
discussion en vidéoconférence. Il semble que c'est surtout en temps réel qu'ils
désirent ces échanges : 90% (21) des étudiants ont apprécié la participation
(interactivité dans son sens large : réponse, question, commentaire) des
étudiants, 86% (21) les échanges entre professeurs et étudiants, 76% (21) entre
professeurs et, 86% (22) ont apprécié l'usage de la technologie. "Travailler
avec les autres, acquérir de l'autonomie, l'un ne va pas sans l'autre. [...] Ce
n'est pas juste le plaisir d'échanger qui est présent. Les étudiants gagnent,
d'après eux, non plus seulement au niveau du contenu mais aussi au niveau d'une
qualité d'apprentissage social et personnel[14]."
Ce que nous retenons principalement est
cette volonté de la part des étudiants à vouloir participer aux échanges. Nous
croyons que la présence des professeurs, un en chaque site, a permis de les
intégrer à cette dimension participative. Les dispositifs techniques, la liste
et le site web, ont ajouté à cette possibilité. Leurs potentiels respectifs ont
été reconnus par les acteurs. "L'innovation sociale (pédagogique,
organisationnelle) est encore nécessaire et plus difficile à réaliser que
l'innovation technique[15]." C'est à plusieurs niveaux
: culturel, organisationnel, économique, social et technique que s'inscrit le
séminaire GPB. Une organisation à la fois pédagogique (on l'a vu dans la gestion
structurelle des séances) et à la fois sociale (trois groupes échangent) a été
concrétisée en ce séminaire expérimental.
Nous croyons qu'il faut considérer
la CMO en tant que possibilité, c'est-à-dire qu'au même titre qu'une
communication en présentiel, la communication médiatisée par ordinateur n'est
pas garantie. Au sein d'expérimentations en enseignement, tel le séminaire GPB,
il faut reconnaître les avantages de la technologie et ses limites. Ce faisant,
il devient possible de concevoir de nouveaux modèles d'enseignement en
exploitant les possibilités techniques pour servir une pédagogie appropriée
permettant de maximiser l'apprentissage de l'étudiant. Le modèle expérimenté au
sein de GPB est différent des modèles existants. Il est particulier à un
contexte déterminé. La qualité de l'environnement des étudiants a été favorisée
par la longue et étroite collaboration des professeurs impliqués qui ont bien
orchestré les liens entre la technologie et la pédagogie.
Nous concluons que la CMO au sein du séminaire expérimental
GPB :
-Ajoutait des usages nouveaux à un
enseignement traditionnel en présentiel ;
-Ces
usages étaient reliés au contenu du séminaire ;
-Un aspect de complémentarité était présent via la liste et le
site web (échanges asynchrones, informations disponibles, etc.)
;
-La vidéoconférence a permis les échanges de
trois groupes en trois lieux. Ce qui n'est pas peu dire : à partir de cette
possibilité seulement, d'autres considérations technologiques ou pédagogiques
ont été considérées.
Au-delà de cette
complémentarité, nous ne constatons aucune concurrence au présentiel
puisque que celui-ci était fortement présent (présentations des
professeurs, présentations des étudiants, périodes de questions). Nous observons
par contre un éveil vers de nouvelles possibilités dans les usages de la CMO en
enseignement. Sans négliger la qualité d'un enseignement en présentiel, mais
plutôt en ajoutant des usages pertinents à celui-ci (tout en rendant possible
des échanges académiques à distance) ; nous croyons que la CMO a permis ici de
considérer l'expérience pédagogique de façon différente. Toutefois, la réflexion
créative chez les participants demeure essentielle pour bien cerner les besoins
et les particularités de situations spécifiques.