Affordances et artefacts communicationnels:
application de la « thérapie brève » de P. Watzlawick aux communications
médiatisées par ordinateurs
Jean Jacques DevèzeCRIC (Centre
de Recherche en Information et Communication), Université de Montpellier
I
Introduction
“ Neutre, mais pas
innocente ! ” Chacun s'accordera à
reconnaître dans cette formule de Balle [1] à
propos des nouvelles technologies informatiques les termes d'une antinomie
sémantique. Comment en effet satisfaire à un principe de neutralité et exercer
tout à la fois une influence allant dans le sens d'un arbitrage d'arrière
plan ? Cette définition paradoxale qui n'est pas sans rappeler le célèbre
paradoxe d'Epiménide [2],
caractérise particulièrement bien selon nous l'approche de ces objets
“ intelligents ” qui peuplent désormais nos environnements de travail. Il est en
effet fréquent d'aborder les Nouvelles Technologies de l'Information et de la
Communication (NTIC) dans leur dimension purement utilitaire en les réduisant à
un statut de chose inerte. Ce sont des analyses d'impacts qui traitent sous cet
angle des questions relevant de la problématique générale du changement dans les
organisations. Et cette réduction s'observe non seulement dans le contexte des
usages mais aussi sur le plan théorique et conceptuel.
La problématique de l'opposition : matérialisme, symbolisme
Lorsqu'on aborde l'étude de la communication, il n'est pas difficile
d'admettre selon une logique “ spontanée ” que les diverses formes du lien
social puissent être médiatisées par les objets en général. Dans cette optique,
on parle alors d'une communication qui se fait par l'entremise des technologies
informatiques. Cette entremise véhicule avec elle une idée de non-imposition
permettant une articulation entre deux individus.
Il est en revanche “ plus
difficile d'accepter l'idée qu'une relation “humaine” puisse s'établir avec une
machine ou un objet ” [3]. Comment concevoir en effet
qu'une relation au sens anthropomorphique du terme puisse s'établir avec un
ordinateur ? Chez l'homme, la “ pensée
magique ” qui consiste à prêter une intention
aux objets cède précocement la place à une raison instrumentale plus compatible
avec les paradigmes dominants qui guident notre lecture naïve du monde. Pourtant
et encore une fois paradoxalement, lequel d'entre nous ne s'est-il pas adressé à
sa machine comme à un alter ego à l'occasion de ces petites tracasseries que la
technologie réserve à ses adeptes ? Qui n'a pas eu la sensation de
“ réaction logicielle ” due aux composantes technologiques du marquage de
l'interactivité ? En fait, le risque avec la machine comme le souligne
Tisseron est que “ plus elle devient techniquement
autonome et plus nous courons le risque de lui accorder aussi l'autonomie des
intentions ” [4]. Les enfants quant à eux ne
s'y trompent pas. L'ordinateur “ animé ” d'une intention est à ce
titre bien plus qu'un instrument. Il est un véritable partenaire à qui l'on fait
faire, autant qu'il fait faire certaines choses.
Cette ambivalence qui caractérise la relation d'usage avec les
technologies informatiques correspond, sur le plan théorique, à une
problématique ancienne et récurrente qui depuis Simondon [5] est celle du statut des objets techniques.
La difficulté réside dans l'habitude qu'on a de considérer les objets comme
appartenant au monde objectif. Ce qui gêne, c'est la coupure épistémologique qui
existe entre l'objectif et le social (sciences exactes vs. sciences humaines) et
qui conduit à des inductions théorisantes différentes [6]. Comme nous en avertit Latour, “ L'oubli des artefacts (au sens de choses) a créé cet autre
artefact (au sens d'illusion) : une société qu'il faudrait faire tenir avec
du social ” [7]. C'est pourquoi la plupart du temps, les
artefacts ne nous apparaissent que selon trois modes : l'outillage pour la
transmission fidèle de l'intention sociale, le substrat technique pour la
constitution des structures et enfin l'écran pour le signe. Ecoutons à nouveau
l'auteur nous avertir de la portée de cette attitude épistémologique :
“ esclave, maître, support de signe, dans les trois
cas, les objets demeurent invisibles, en tous les cas asociaux, marginaux,
impossibles à engager finement dans la construction de la
société ” [8].
Or il est presque impossible à notre époque “ technologies nouvelles ”, de reconnaître une
interaction qui ne ferait pas appel à une technique. Il nous faut admettre le
rôle des objets dans le tissage de la vie sociale ce qui implique d'abandonner
nos attitudes scientistes. L'interaction est cadrée chez les humains justement
par un cadre fait d'acteurs non-humains. Ce point de vue est précisément celui
de la sociologie des sciences et des techniques ; pour tenir compte à la
fois de l'interaction et du système, il faut englober les
objets.
De nombreuses autres approches tentent également de
sortir de ce que Latour a pour sa part appelé le “ grand partage ”. Sans
prétendre à l'exhaustivité, signalons différents domaines théoriques qui se sont
exprimés à ce propos : la philosophie (G. Simondon, G. Deleuze, B.
Stiegler, P. Levy), la psychanalyse (S. Tisseron), la sémiotique,
l'anthropologie, l'écologie cognitive (C.S. Pierce, A. Semprini, G. Bateson), la
sociologie des sciences (B. Latour, M. Callon), les sciences de la cognition
(J.F. Varela), la cognition distribuée (E. Hutchins, D. Norman). Globalement, il
s'agit du refus de considérer le sujet indépendamment de l'objet. Pour aller
vite, disons simplement que cette vision constructiviste est scellée par
l'hypothèse phénoménologique selon laquelle “ le
sujet ne connaît pas de “choses en soi” (hypothèse ontologique) mais il connaît
l'acte par lequel il perçoit l'interaction entre les
choses ” [9]. Ainsi selon un processus
récursif, l'objet est constituant des rapports entre les hommes autant que
ceux-ci le constitue.
Ces propos révèlent tout l'intérêt que nous portons aux objets dans
cette perspective au-delà de leur dimension utilitaire qui comme l'explique
Tisseron [10], vient souvent au détriment de l'étude de
“ la proximité essentielle qui nous lie à
eux ”. Toutefois, cette attention ne concerne pas tous les
objets de notre environnement quotidien mais plus précisément l'ensemble des
technologies encore couramment désignées par le vocable de “ groupware ”.
Le Groupware comme objet centré de recherche
Nous entendons par “ groupware ”, les technologies informatiques
(messagerie électronique, forums, agenda électronique, etc.) et les méthodes de
travail associées qui permettent à des individus engagés dans un travail
collaboratif de partager de l'information sur un support numérique pour
d'atteindre des objectifs communs [11]. Ce travail collaboratif s'effectue soit
en temps réel (modalité synchrone), soit en temps différé (modalité asynchrone).
La caractéristique principale de cette situation de travail médiatisée par
ordinateur est qu'elle permet à des partenaires distants de s'affranchir des
contraintes d'espace et de temps.
Notre étude a porté sur le cas du déploiement dans un établissement
industriel d'un de ces outils qui se réclament des produits du groupware. Il
s'agissait d'un dispositif de Gestion Electronique Documentaire (GED) orienté
vers les échanges asynchrones.
Bien plus qu'une technologie qui doit être maîtrisée, le groupware
recouvre aussi une dynamique humaine et organisationnelle puisqu'il présuppose
des méthodes de travail associées et se met au service de processus
communicationnels. Comme le précise Le Bœuf dans l'introduction d'un ouvrage
consacré à ces dispositifs, “ ce qui nous intéresse
ici, c'est précisément le croisement des deux dimensions révélateur
d'interactions entre les acteurs susceptibles d'éclairer de façon innovante nos
problématiques en Infocom ” [12]. En effet, l'introduction d'un élément
nouveau dans une organisation envisagée comme un système produit des changements
puisqu'il modifie les relations entre acteurs. Les modes d'expression, les
manières de penser du personnel évoluent au sein d'un système socio-technique où
paradoxalement les NTIC séparent autant qu'elles rassemblent. Toutefois, ces
technologies collaboratives consolident le social dans la mesure où les
individus sont séparés dans le temps et dans l'espace encore plus radicalement
que par toute autre composante de leurs interactions au quotidien. En permettant
une articulation du social et du cognitif, ce sont elles qui font tenir au sens
employé par Latour. Elles sont en effet susceptibles de générer des jeux
relationnels qui naissent et se développent dans un espace public de coopération
et de compétition. La technologie, a fortiori les technologies informatiques,
impose de nouvelles formes de relations que l'on peut aborder à la lumière des
concepts de la complexité en lieu et place de certains principes et modèles
positivistes encore utilisés.
L'analyse du développement technologique et de son impact dans
l'entreprise passe donc de ce point de vue par la compréhension des
interactions, des contradictions, des paradoxes, etc. qui s'établissent dans les
collectifs de travail. Le tissage des représentations de la nouvelle situation
par les acteurs conduit finalement à la construction collective du sens qui
constitue le fondement des décisions et des actions. C'est pourquoi, le
paradigme de la complexité constitue le cadre de référence épistémologique,
théorique et conceptuel qui convient à une lecture communicationnelle de ces
phénomènes. En nous réclamant de la systémique et du constructivisme, deux
théories fondamentales de notre discipline, nous avons travaillé selon un modèle
hypothético-déductif de recherche.
Notre hypothèse de travail s'adosse aux différents courants de
recherche en rupture épistémologique avec ceux qui abordent les nouvelles
technologies dans leur dimension purement utilitaire. En abordant la GED comme
un médiateur, nous avons cherché à examiner jusqu'à quel point cet outil inséré
dans un système socio-technique remplit le rôle d'un thérapeute. Pour cela,
notre travail s'est principalement nourri d'une part, des problématiques de
l'action située, avec en particulier celles de la cognition distribuée et des
artefacts cognitifs et d'autre part, de la théorie de l'intervention systémique
développée par les membres du Centre de Thérapie Brève de Palo
Alto.
Cadre conceptuel
Pourquoi peut-on dire en général des technologies
informatiques collaboratives qu'elles sont au cœur de l'évolution des
organisations ? L'examen rapide de cette question permettra de comprendre
en quoi la conception et l'implantation du dispositif étudié s'inscrivent dans
une démarche managériale de rationalisation.
1. Une démarche managériale de rationalisation
Des pressions socio-économiques, de nouveaux modes
d'organisation et de management, et le développement des technologies
informatiques communicantes sont autant de facteurs qui permettent de considérer
le groupware comme un véritable bras de levier du
changement [13]. De fait, il y a convergence des outils
collaboratifs et des méthodes de management dans un contexte propice au
changement. De nombreux auteurs montrent dans quelle mesure les NTIC s'insèrent
dans une logique de reconfiguration des organisations. Il apparaît que les
outils du groupware et les nouveaux concepts du management se conjuguent pour
faire émerger un nouveau modèle d'organisation en réseau. Ces évolutions
marquent en même temps un renouvellement des principes du management. Ainsi, à
la vision des “ 3S ” (stratégie, structure, système ; mots clés
associés aux principes du management scientifique), se substitue selon Ghosal et
Bartlett, la vision des “ 3P ” (projet, processus et personne) qui
constitue le cadre de référence actuel des activités de
management [14]. L'individu et le groupe sont replacés
dans cette perspective au centre des préoccupations
managériales.
Alimentant la synergie liée à la gestion de l'information numérique,
le groupware contribue ainsi pour une large part dans ce contexte au fait que la
communication informationnelle soit devenue “ une
nécessité concurrentielle plutôt qu'un avantage ” [15]. L'information envisagée comme une
composante essentielle des processus de management vient d'ailleurs étayer le
point de vue de Levan et Liebmann pour lesquels tout projet de groupware est
avant tout un projet de management [16]. Pour les sciences de gestion, la
problématique générale de l'adaptation des entreprises à l'implantation des
technologies informatiques dans leur système de communication et de relations de
travail doit être examiné sur la double dimension organisationnelle et
stratégique du management [17]. Or, comme le rappelle Le Bœuf,
“ l'intégration des NTIC dans les entreprises ne
pose pas essentiellement un problème d'investissement mais bien plus celui de
l'organisation du travail ” [18].
Il n'en demeure pas moins que pris dans ces évolutions, l'outil
étudié correspond à un effort de rationalisation de l'organisation par les
acteurs du management. À ce titre, il n'est pas “ innocent ” car il soutient une démarche
générale d'incitation à de nouvelles formes d'échange et de partage de
l'information. Nous avons travaillé dans ce sens en considérant que cette
finalité managériale n'est pas strictement médiatisée sur le plan formel mais
immanente au dispositif. Celui-ci incorpore ainsi certaines possibilités et
certaines contraintes qui s'exercent sur les activités auxquelles il est
dédié.
Ce sont les travaux de l'anthropologie cognitive qui viennent étayer
cette conception d'un dispositif qui exerce des opérations dépassant le seul
registre de la médiatisation de l'information habituellement considéré. Le
dispositif étudié est défini dans un premier temps comme un artefact cognitif et
communicationnel en référence à l'approche anthropocentrique des objets
techniques. Il est traité conceptuellement dans une perspective interactionnelle
et systémique compatible avec le paradigme de la complexité.
2. Le Groupware : un artefact communicationnel
Les conceptions qui accordent le primat à l'analyse
du système technique et relèguent les activités de l'homme à une place
“ résiduelle ” sont qualifiées
par Rabardel d'approches
“ technocentristes ” [19]. L'auteur plaide en revanche pour un
renversement de point de vue dit “ anthropocentrique ” où ce sont les systèmes
techniques qui sont pensés en référence à l'homme. Partir de cette conception
anthropocentrique permet d'inscrire le groupware dans une perspective
interactionnelle et systémique et d'aborder l'étude des faits techniques dans
leur dimension communicationnelle. En effet, le groupware n'agit pas seul. Il
s'insère dans un système d'interactions multiples entre les utilisateurs, les
composantes physiques de l'environnement et les caractéristiques du dispositif,
soit un système socio-technique.
Norman pour qui notre manière d'interagir avec la technologie ne
diffère pas fondamentalement de nos interactions habituelles avec
l'environnement, définit les objets physiques qui nous entourent comme des
artefacts cognitifs pour souligner leur implication dans le traitement de
l'information. Un artefact cognitif est pour lui “ un outil artificiel conçu pour conserver, exposer et traiter
l'information dans le but de satisfaire une fonction
représentationnelle ” [20]. Selon cette définition, l'homme trouve
dans la machine un prolongement de ses capacités intellectuelles. Les
technologies collaboratives ont des mémoires externes qui dans ce sens agissent
comme un amplificateur du potentiel intellectuel. Mais elles intensifient aussi
la communication, structurent l'interaction humaine et modifient les modes de
gestion de l'information. Aussi, afin de souligner l'implication des artefacts
dans les processus de communication, avons nous choisi de désigner par
l'expression “ artefact
communicationnel ” [21] le dispositif de groupware par lequel le
gestionnaire met en œuvre une technique managériale.
C'est dans le cadre de référence composé de l'approche cognitive des
artefacts, des théories de la cognition distribuée et de l'analyse des objets
que vient ensuite s'ancrer l'idée d'une capacité d'action du
dispositif.
3. Le Groupware “ porteur ” de cognitions
La prise en compte de la situation s'avère
déterminante pour l'analyse et la compréhension des interactions relayées par
des artefacts communicationnels. C'est pourquoi notre lecture du dispositif se
réfère aux travaux qui s'inscrivent dans le paradigme de l'action située. C'est
plus particulièrement la théorie de la cognition distribuée qui nous permet de
soutenir l'assertion selon laquelle les finalités managériales sont immanentes
au dispositif et non pas simplement instrumentalisées ou “ médiatisée ” par l'outil de
groupware.
Rappelons que les “ situationnalistes ” (action située et
cognition distribuée) proposent un modèle alternatif aux théories du
“ plan ” qui tendent à réduire
l'action à un calcul de l'individu indépendamment de son environnement. Il
s'agit du paradigme de l'action située qui considère l'action comme le produit
et le processus d'une adaptation permanente aux circonstances, contingences et
configurations de l'environnement. Ainsi comme le précise Quéré, “ dire de l'action qu'elle est située, c'est souligner la
contribution de la situation et de l'environnement à sa
détermination ” [22]. Dans cette
perspective, l'action s'effectue selon une problématique de l'économie cognitive
dans la mesure où elle ne serait pas réalisable si elle était supportée par le
seul esprit humain. La cognition est dès lors envisagée comme une propriété du
système où elle est “ distribuée ” et dont le siège est non seulement
l'individu mais aussi les composantes physiques de
l'environnement.
Ainsi dans notre recherche, la cognition qui sous-tend les activités
d'échange et de partage de l'information est le fait d'un système composé par
les membres du collectif de travail et par les caractéristiques de la GED. Il y
a à la fois prise en charge active d'une partie du travail cognitif et ouverture
à des modalités interactives qui permettent la réalisation collective de ces
activités. Quelle est la nature de cette “ prise en
charge ” ?
4. La nature performative du Groupware
Qu'un “ artefact fasse
faire des choses aux opérateurs humains qui l'utilisent, et en un sens contrôle
leurs actions ” [23] apparaît aujourd'hui peu contestable pour
les théoriciens de l'action située et de la cognition distribuée où l'acteur
partage des caractéristiques relationnelles avec les objets, les outils et les
artefacts. En tout cas, il est d'autant plus malaisé de soutenir un discours
“ technocentré ” que d'aucuns
reconnaissent aux technologies informatiques “ une
capacité d'action autonome et une véritable force
sociale ” [24]. Il est ici fait référence au courant de
l'analyse des outils et des objets qui reconnaît une “ agentivité ” aux artefacts.
Cette problématique de l'agentivité nous conduit à ne plus distinguer
le dispositif technique étudié des autres acteurs du système. C'est le point de
vue de Hutchins [25] pour qui par exemple il convient de ne
pas créditer l'artefact d'un statut différent de celui de l'individu lui-même.
Encore plus radicale à cet égard, la sociologie des sciences et des techniques
fait appel au concept sémiotique d'“ actant ” [26] pour réduire les différences entre
humains et non humains autorisant ainsi des transferts de propriétés de nature
relationnelle entre les éléments constitutifs d'un système
socio-technique [27]. On parle alors de capacités au sens
anthropomorphique du terme.
Il s'agit là d'une conception qui dépasse le registre de la
médiatisation de l'information habituellement considéré. L'outil est donc le
siège d'opérations et de contraintes. En quelque sorte, il accompagne et oriente
l'utilisateur dans ses activités relatives à l'échange et au partage de
l'information. Ce potentiel performatif s'applique aux activités pour lesquelles
il a été conçu et mis en place (possibilités, impossibilités, obligations,
prescription de modes opératoires, suggestion...). Pour parler de cette capacité
potentielle, nous avons emprunté le concept d'“ affordance ” à la théorie de la perception
de Gibson [28]. L'environnement comporte certaines
propriétés qui ne se trouvent pas dans le monde physique en tant que tel. Gibson
nomme “ affordances ” [29] ces propriétés significatives que
l'environnement offre au sujet. Ce qui veut dire en d'autres termes que les
choses de l'environnement nous fournissent des occasions d'interaction. Certains
outils par exemple comme ceux du groupware se prêtent au travail coopératif. Ils
sont les dépositaires d'un potentiel d'interaction qui est liée à
l'intentionnalité du concepteur. En ce sens et sous certaines conditions, ils
offrent des occasions d'accès à la communication de groupe potentiellement
interprétables par les utilisateurs.
La présomption d'un tel potentiel de suggestion ou d'inhibition de
certains types d'actions (cognitives ou conatives) nous a conduit à aborder
l'artefact communicationnel comme un thérapeute. C'est la proposition principale
qui sous-tend notre approche. Le groupware est dans une position de régulation
tout comme l'est l'intervenant dans la thérapie brève de Palo Alto. Les
prémisses épistémologiques qui fondent la méthode montrent dans cette
perspective l'intérêt du modèle de l'intervention systémique comme cadre
conceptuel transposé au cas de la médiation technologique.
5. Le Groupware : un “ thérapeute hors du
commun ! ”
Les applications résolument thérapeutiques des
concepts de l'approche interactionnelle et systémique imposent tout d'abord leur
originalité dans le champ de la thérapie familiale [30]. Par la suite, les travaux du Centre de
Thérapie Brève s'orientent sur une pratique du changement et de la résolution de
problèmes. Par essence, la thérapie brève vise à changer non pas la personne
mais les interactions et les relations qu'elle entretient avec son
environnement. Ce souci d'efficacité conduit progressivement l'équipe à apurer
le cadre théorique de l'analyse systémique en mettant l'accent sur les
stratégies et les techniques d'intervention du thérapeute. C'est bien cette
visée interactionnelle et stratégique du changement qui caractérise sans doute
le mieux cette approche thérapeutique dite “ thérapie brève ”.
Rappelons en les principes essentiels. Tout d'abord, elle s'applique
dans le cas de problèmes récurrents et persistants. Pour qu'il y ait un problème
récurrent, il faut qu'un individu essaie une solution raisonnable qui ne marche
pas (les tentatives de solution). Le problème n'étant pas résolu, l'individu
continue alors d'appliquer le même pattern de ces essais infructueux dans son
système relationnel. C'est ce processus composé d'une série de rétroactions
positives qui provoque l'expansion ou la régression constante de la
transformation souhaitée. Ce sont donc les solutions tentées qui d'un point de
vue systémique, deviennent et/ou maintiennent le problème récurrent. Pour le
résoudre, il faut par conséquent corriger la solution. C'est en s'appuyant sur
ces principes et une démarche structurée que le thérapeute par ses interventions
de régulation s'efforce d'atteindre un objectif minimal défini au préalable avec
son client comme premier signe de progrès.
Dans la lignée des travaux précurseurs, les membres l'Institut
Grégory Bateson [31] développent un modèle et un schéma
directeur de l'intervention qui constituent de solides avancées théoriques et
pratiques [32].
Ce modèle comporte deux circuits
interactionnels : celui des interactions de l'individu (I) avec son
environnement (E) et celui qui concerne les interactions de (I) avec le
thérapeute (T). L'adjonction d'une deuxième boucle de régulation permet de
situer l'intervention du thérapeute à deux niveaux :
- il cherche
à connaître ce qui se passe dans I/E en utilisant son interaction avec
I ;
- il conçoit
une action sur la base de ces données tout en conservant sa position
“ méta ” car comme le précisent
les auteurs, “ ce n'est pas dans sa relation avec
le thérapeute que le patient doit retrouver un état satisfaisant , mais il
doit accepter les directives du thérapeute et les appliquer à son propre cadre
de vie ” [33].
Cette trame conceptuelle ainsi transposée à la situation étudiée
permet d'établir une quasi-identification théorique de l'artefact cognitif et
communicationnel au thérapeute. L'utilisateur interagit avec l'artefact qui
occupe la place du thérapeute dans le modèle de référence. Le modèle de la
thérapie brève et les interventions de régulation qu'exerce le thérapeute
mettent en relief la problématique des formes de médiation qui engagent les
nouvelles technologies dédiées au travail collectif dans les activités liées à
l'échange et au partage de l'information. Dans cette perspective, l'outil n'est
pas considéré comme un simple intermédiaire, sorte d'interface passive ou de
nouveau filtre technologique venant s'interposer entre les membres du réseau des
utilisateurs. Rejoignant en cela les précisions que nous avons apportées et les
propos de Rabardel sur le statut de l'artefact, nous pensons que le dispositif
étudié exerce un véritable travail social, un travail thérapeutique sur le
système socio-technique étudié.
6. Les affordances particulières de l'artefact communicationnel
La stratégie globale d'un thérapeute consiste à faire
en sorte que le patient retrouve par lui-même des moyens de régulation. Les
principales techniques d'induction du changement utilisées sont le recadrage et
la prescription comportementale qui s'accordent selon nous aux spécificités de
la médiation technologique et correspondent plus précisément aux affordances
particulières de l'artefact communicationnel.
Un recadrage consiste modifier les représentations que se font les
individus de la situation. Cette tactique relationnelle agit sur leur vision du
monde qui comme nous le précise Mucchielli [34], désigne la manière dont les individus
interprètent le système d'interaction dans lequel ils se trouvent. La
prescription de symptôme est par ailleurs une des techniques paradoxales
privilégiées de l'intervention systémique en raison du rôle déterminant que
jouent les paradoxes dans la genèse et la résolution des problèmes de
communication. Le symptôme est défini comme “ un
segment de comportement spontané, si spontané en fait, que le patient lui-même
l'éprouve comme quelque chose qu'il ne peut
maîtriser ” [35]. Or la nature spontanée de certaines
conduites qui par définition sont incontrôlables, disparaît dès lors que leur
accomplissement est volontaire. Considérant ces deux points et comme le pense
Watzlawick dans ce cas précis, “ l'intervention
thérapeutique appropriée consiste donc à prescrire le symptôme et non à le
combattre comme d'habitude nous le tentons ” [36]. En l'incitant à se comporter comme il le
fait déjà, le patient se trouve par conséquent pris dans un paradoxe du type
“ soyez spontané ” [37]. Le principe même de la prescription de
symptôme consiste à amener de cette manière le patient à faire l'expérience d'un
autre modèle d'interaction avec son environnement.
L'objectif de ces interventions de régulation est donc d'agir sur la
perception sélective [38] des composantes de la situation et des
phénomènes de communication. Il s'agit de modifier les boucles cognitives et
comportementales qui maintiennent le problème. Ce processus de perception
sélective nous renvoie dans le cas de la médiation technologique à la question
centrale des affordances particulières de la GED. C'est la perception des
utilités communicationnelles du dispositif qui est susceptible d'induire un
changement. Le recadrage et la prescription comportementale sont selon nous les
deux processus majeurs de régulation qui fondent le mécanisme même de ces
affordances. En d'autres termes, disons donc que ces affordances résident dans
le potentiel de recadrage et de prescription comportementale de l'artefact
communicationnel étudié.
À la fois portée par les intentions managériales, signifiée par les
fonctions et les affordances de l'outil, la nature incitative à mieux
communiquer du dispositif managérial correspond à une injonction paradoxale.
Cette forme de médiation a par ailleurs la particularité de s'exercer dans le
contexte particulier d'une autonomie contrôlée.
7. Le dilemme de l'aide ou du contrôle dans le cas de l'artefact
communicationnel
La thérapie brève se déroule parfois dans des
contextes où le thérapeute travaille en même temps “ au service de... ” et “ pour le compte de... ”. Les membres de l'IGB
parlent alors d'aide sous contrainte pour souligner le caractère paradoxal de
cette situation qui confère à l'intervenant un statut “ d'agent double ” [39]. Par essence, la thérapie brève est en
effet non normative. C'est le patient qui a la charge de la définition du
problème et des objectifs du changement. Or dans le cas de l'intervention sous
contrainte, ceux-ci proviennent d'une autorité extérieure, le problème du
thérapeute étant à ce moment-là de savoir se situer entre l'aide et le
contrôle.
La médiation artefactuelle s'inscrit de la même façon dans le cadre
normatif du projet de management. La définition de la problématique générale et
des enjeux auxquels répond la GED proviennent ici aussi d'une autorité
extérieure. L'artefact communicationnel est ainsi à la fois moyen de
rationalisation de l'information et instrument de régulation orienté vers l'aide
et la résolution de problèmes. Les utilisateurs se voient par conséquent
contraints de recourir spontanément à lui dans leurs activités relatives à
l'échange et au partage de l'information selon une approche normative de la
coopération.
Ainsi placé entre l'aide et le contrôle, la double identité de
l'artefact nous conduit à le considérer comme intervenant sous contrainte. Ce
faisant, l'artefact communicationnel tend à définir les contours d'une autonomie
contrôlée. Cette dialectique de l'aide et du contrôle étant l'essence même de la
médiation artefactuelle, la question essentielle est de savoir dans ce cas là
comment se joue sur le plan cognitif et pragmatique le dilemme de l'aide ou du
contrôle. Le mandat de l'artefact prend toutefois tout son sens en considérant
comme le font Seron et Wittezaele que “ travailler
à augmenter la diversité des conduites qui permettront aux personnes de
satisfaire aux contraintes, peut participer d'une démarche
thérapeutique ” [40].
Méthode d'observation et d'analyse des jeux d'interactions
Nous avons appliqué ce cadre conceptuel à l'étude
d'un dispositif de GED qui recouvre un ensemble de techniques d'échange et de
partage de données numériques implanté dans un grand établissement
sidérurgique.
Prax définit la GED comme “ le
regroupement d'un ensemble de techniques et de méthodes qui ont pour but de
faciliter l'archivage, l'accès, la consultation, la diffusion des documents et
des informations qu'ils contiennent ” [41]. Par ailleurs, l'examen systématique de
la nature des technologies de l'information anciennes et actuelles conduit Yates
et Benjamin [42] à mettre en évidence leurs quatre grandes
caractéristiques fonctionnelles. Ces fonctions génériques de conversion, de
stockage, de traitement et de communication correspondent généralement, comme le
montrent Levan et Liebmann [43], aux principales fonctionnalités d'un
dispositif de GED. Les opérations de conversion s'attachent en entrée comme en
sortie à rendre l'information compatible avec l'équipement et accessible aux
utilisateurs. La fonction de stockage quant à elle doit garantir à la fois la
mise en sécurité de l'information et en faciliter l'accès. Enfin, les opérations
de traitement correspondent à la manipulation des documents tandis que la
fonction de communication recouvre des options de transmission de l'information
d'un lieu à un autre. Sur le plan pratique, il s'agit d'un outil de type
bureautique totalement intégré aux outils standard (Word, Excel, PowerPoint,
etc.) qui permet de classer, rechercher, partager et échanger des documents à
partir de tout poste de travail micro connecté au réseau bureautique de
l'entreprise.
Les prémisses du paradigme de la complexité ont été les principes de
référence pour analyse en compréhension des phénomènes de communication. Du
point de vue de l'observation et de l'analyse de ces phénomènes, nous avons tenu
compte des préconisations de Mucchielli qui consistent à privilégier cinq
concepts : l'interaction, le cadrage, la causalité circulaire,
l'homéostasie et le paradoxe [44]. Ces références théoriques et
conceptuelles pour la définition d'un système d'interactions font de l'analyse
des jeux le phénomène majeur à observer. L'auteur propose dans cette perspective
le schéma directeur d'une méthode d'analyse systémique que nous avons appliqué
au cas étudié[45].
Cette méthode insiste sur la forme des échanges. Il s'agit pour le
chercheur de se centrer sur l'observation des relations en tenant compte du
contexte dans lequel les phénomènes se produisent. Le repérage des actions et
des comportements récurrents permet d'inférer certaines “ lois ” de ce système d'interaction
particulier. Il appartient au chercheur de décider à quelle catégorie générale
se rapportent les différentes manifestations interactionnelles et de relever les
communications implicites. L'effort de modélisation du “ jeu ” s'achève par une représentation
graphique des échanges et un commentaire qui dans le cas des communications
organisationnelles permettra de comprendre autour de quelle valeur émergente
s'organise la dynamique générale du jeu.
En accord avec ces principes théoriques et méthodologiques, nous
avons eu recours à des techniques d'entretiens et d'observations pour étudier le
système des interactions.
Une phase exploratoire a permis de reconnaître le stade avancé des
relations d'usage au sein d'un département pilote pour l'implantation du
dispositif. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de centrer et de
délimiter le recueil des données à cette seule entité de l'entreprise. Dix
entretiens de recherche ont ensuite été réalisés auprès différentes catégories
d'acteurs : hiérarchie (chef de service ou adjoint), collaborateurs
utilisateurs de la GED (agents travaillant à la journée ou en postes). La
représentation des différentes positions à l'égard de l'outil a également été
recherchée dans la construction de l'échantillon (réfractaires, enthousiastes et
modérés). Ces entretiens ont été complétés par des observations sur site et une
analyse de la documentation afférente au déploiement du dispositif (projet
d'entreprise, procédures qualité, plaquettes d'informations, supports de
formation, manuel d'utilisation, étude d'impact réalisée en
interne).
Globalement, pour ce qui est de la spécification des formes de la
médiation exercées par l'artefact, notre démarche a été essentiellement
inductive. C'est à partir de l'analyse des manifestations systémiques de
l'instrumentation que nous avons explicité le système des relations et inféré
l'existence des différents processus de régulation thérapeutique au sein du
système socio-technique.
De la raison des effets aux effets de la raison instrumentale
Nous avons mis en évidence trois sous-systèmes de
relations : le sous-système des communications managériales, celui des
relations d'instruction et d'exécution et enfin celui des relations avec
l'artefact. L'explicitation de ces jeux d'interactions montre que les problèmes
analysés à un niveau coexistent analogiquement aux autres niveaux selon un
principe d'homologie [46] dans la mesure où ils s'inscrivent dans
un même système de contraintes organisationnelles. En ce sens, le tout et ses
parties subissent les mêmes contraintes systémiques.
1. Le sous-système des communications managériales
Le regroupement des entités formant ce sous-système
est le principal vecteur du projet de rationalisation de l'organisation. On y
observe toutes les caractéristiques d'une “ technique managériale ” au sens donné par
Hatchuel [47] à propos des projets de systèmes experts.
Le cadre conceptuel proposé par l'auteur permet de caractériser “ la nature commune à toutes les vagues de rationalisation et
de ce fait aux techniques managériales ” [48] selon trois éléments : un substrat
technique, une philosophie gestionnaire et une vision simplifiée des relations
organisationnelles. Hatchuel considère que “ chacune des techniques managériales est un conglomérat singulier,
constitué par spécification de chacun de ces trois
éléments ” [49]. Nous avons montré que l'implantation de
la GED correspond à ces trois composantes.
Ce sont globalement des “ calculs
d'optimisation ” qui régissent la démarche de conception et de
déploiement du dispositif. Le recours à des formes de raisonnement de type
algorithmique signale la propension des acteurs de ce sous-système à concevoir
et traiter la communication comme un problème technique. Le présupposé est qu'il
est possible de modéliser un processus de communication afin de l'informatiser
et de l'implanter via un outil informatique dédié au travail collaboratif.
Malgré les apports des sciences sociales en particulier ceux de
l'ethnométhodologie, la communication continue ainsi d'être réduite à un
processus opérationnel [50]. Dans ce cas, l'information hérite de
certains des attributs d'une “ phlogistique ” [51] moderne c'est-à-dire qu'elle ressemble à
la transmission d'un fluide. Finalement, comme le constate
Martin [52] “ les outils
dits de travail en groupe tels qu'ils sont conçus aujourd'hui font perdurer un
modèle cybernétique de l'activité humaine au même titre que l'ensemble des
technologies de l'information, de la communication... ” On
débouche alors sur une volonté de décomposition de l'activité professionnelle où
les actions de communication comme les actions physiques sont appréhendées de la
même manière. Cela se traduit par une programmatique du déploiement de la GED et
une insistance pour la standardisation des procédures de sécurisation de
l'information notamment dans le module de gestion du cycle
documentaire.
Par ailleurs, une attitude normative sature l'imaginaire
technologique qui comme l'explique Scardigli [53] est caractéristique du premier temps de
l'insertion sociale d'une nouvelle technique ; celle des fantasmes, des
grandes manœuvres où la communication managériale et celle des experts prédisent
d'immenses conséquences positives pour l'entreprise. Cette attitude est celle du
réseau des acteurs (équipe de spécialistes informaticiens, hiérarchie,
“ groupe des pilotes ”,
administrateur) dont les rôles sont décrits d'une manière sommaire voire
caricaturale. La communication y est unilatérale et forme la trame d'une
prescription de coopération explicite et implicite que révèle l'analyse de
nombreux supports.
Du fait de sa nature de technique managériale, il apparaît que le
dispositif porte en lui les germes d'un paradoxe “ soyez spontané ”. Comme l'explique
Watzlawick, on se trouve dans le cas de l'imposition d'une règle “ selon laquelle un comportement doit être spontané et non
soumis à une règle. Cette règle stipule ainsi que la soumission à une règle
externe constitue une conduite inadmissible, puisque la bonne conduite devrait
connaître une libre motivation interne ” [54]. L'artefact concrétise dans l'entreprise
la solution à une classe de difficultés dont la visée est de mieux communiquer
selon un modèle relationnel de coopération. La tentative de rationalisation
managériale consiste donc pour corriger un état de fait à appliquer son
contraire à une classe de situations insatisfaisantes. En faisant toujours plus
de la même chose, il s'agit d'inciter de cette façon le plus grand nombre à
développer des comportements coopératifs relatifs à l'échange et au partage de
l'information. Avec sa gamme de possibilités orientées à la fois vers l'aide et
le contrôle, l'artefact véhicule par ailleurs un message contradictoire. Ainsi
relayée par l'artefact, l'injonction paradoxale correspond donc à une double
contrainte dont nous examinons plus loin la nature
thérapeutique.
2. Le sous-système des relations d'instruction et d'exécution
Dans ce sous-système composé des informaticiens, de
la hiérarchie des services et de l'administrateur de la GED, nous avons observé
la tendance déjà relevée par Lépine [55] de recentralisation des décisions au
profit la direction informatique de l'établissement. Le pouvoir des experts
s'exprime surtout par le contingentement des interventions et des modifications
de configuration du système utilisateur. Du point de vue managérial, l'espace
coopératif requis par la libre circulation de l'information est parfois
restreint par l'administration de critères propre à une politique d'ouverture
locale. Des stratégies de sélection des documents correspondent dans ce cas à
des exigences de confidentialité ou d'achèvement. Afin de veiller à la cohérence
de l'ensemble et de mobiliser les utilisateurs, l'administrateur s'adosse pour
sa part à des prérogatives qui sont de l'ordre du contrôle et de la pression. La
gestion des droits d'accès, du paramétrage du logiciel, du plan de classement,
de la formation sont autant d'illustrations de ces conduites.
D'une façon générale, les acteurs de ce sous-système s'efforcent
d'intégrer les impacts de la GED dans l'ensemble des processus de management de
l'entité par une série de conduites prescriptives. Pour faire référence aux
grands principes énoncés par Fayol [56], disons qu'il s'agit pour eux de décider,
d'organiser, d'animer, de coordonner et de contrôler l'ensemble des questions
relatives à l'implantation du dispositif. Cette configuration des conduites fait
écho à la raison instrumentale qui traverse le sous-système des communications
managériales dont elle s'emploie à relayer l'injonction coopérative. Nous
observons globalement une structure de relations complémentaires où le
sous-système d'instruction et d'exécution occupe la position haute par rapport
au sous-système des relations avec l'artefact.
3. Le sous-système des relations avec l'artefact communicationnel
C'est à ce niveau que nous avons examiné la portée
thérapeutique des formes de régulation exercées par l'artefact communicationnel.
Afin d'expliciter les jeux d'interaction s'y déroulant, l'étude des rapports a
été abordée selon un modèle quadripolaire [57] impliquant l'utilisateur dans des
activités de gestion de l'information à l'aide de la GED et le mettant en
relation avec d'autres utilisateurs.
Modèle
d'analyse des jeux d'interaction avec artefact (d'après Rabardel 95)
Dans ce modèle, l'objet désigne ce sur quoi porte l'activité de la
dyade formée par l'utilisateur et l'artefact communicationnel. Il s'agit des
activités de consultation, d'échange et de partage de l'information via une
armoire électronique. Précisons que ce modèle d'analyse permet dans le
prolongement des travaux de Rabardel, de rendre compte de la dimension
collective de l'activité avec artefact. Sa portée explicative s'avère d'autant
plus utile que la GED est susceptible comme cela a été précisé de réaliser une
forme de régulation coopérative. Globalement, nos résultats montrent les effets
cognitifs et pragmatiques des affordances de la GED et bien que de nombreux
exemples tendent à confirmer le potentiel thérapeutique de ces régulations,
cette propriété apparaît toutefois limitée voire inhibée par les
caractéristiques antagonistes de l'aide sous contrainte.
L'établissement du rapport “ Utilisateur
Artefact Objet ” permet aux individus de mieux comprendre le
fonctionnement général de leur département et débouche sur un assainissement des
relations entre services. Nos résultats signalent en effet une modification du
système de pertinence des utilisateurs qui s'effectue selon une réorganisation
sélective des composantes de la situation. Rappelons que le système de
pertinence d'un individu désigne parmi tous les éléments de la situation ceux
qui sont significatifs pour lui [58]. Ainsi, avec la distribution des
connaissances, le partage des enjeux et des modes de raisonnement, s'estompent
d'anciennes marques d'incompréhension. L'artefact communicationnel facilite pour
les utilisateurs le passage d'une vision parcellaire à une vision élargie du
contexte conceptuel de la situation, opération qui correspond au principe même
du recadrage [59].
La question de la confiance apparaît comme l'enjeu fondamental des
deux autres rapports. Ainsi, l'un des déterminants majeur de l'utilisation de la
GED est la dimension de confiance qui s'établit dans le rapport “ Utilisateur Artefact ”. Ce sont les
composantes antagonistes de l'aide sous contrainte qui stimulent et inhibent en
même temps le potentiel d'utilisation offert par le dispositif. Le développement
des pratiques restrictives est par exemple motivé par des considérations liées à
la fiabilité du substrat technique et à la recherche d'indépendance vis-à-vis de
l'injonction de coopération. Dans ce cas, les effets de la double contrainte
pathogène atténuent ceux de la double contrainte thérapeutique. Toutefois, cette
gamme d'opérations d'ouvertures et de fermetures accompagne et oriente de
manière pragmatique l'utilisateur dans ses activités relatives à l'échange et au
partage de l'information.
En ce qui concerne le rapport “ Utilisateur Artefact
Autres utilisateurs ”, l'examen de la dynamique de la
mise en commun des ressources documentaires révèlent également un
appauvrissement de la qualité de confiance pourtant constitutive des relations
de coopération. Un vécu de contrainte se dégage des difficultés liées à
l'instrumentation. On relève par ailleurs que l'approche de la coopération entre
en résonance symbolique avec l'histoire de l'entreprise. Selon un processus de
contextualisation temporel, elle hérite des stigmates d'un passé parfois
douloureux jalonné d'efforts de modernisation et de productivité. Il en résulte
des stratégies de détournement des usages qui rompent avec l'application
escomptée des principes de la rationalisation et de la coopération. Si toutefois
cet ensemble ambivalent semble “ normal ” pour la plupart, il souligne pour
d'autres le caractère addictif de l'injonction paradoxale du
dispositif.
Au total nous observons les effets mitigés de la double contrainte
exercée par l'artefact. Il y a stimulation des activités coopératives
conjointement avec l'émergence de conduites protectionnistes en réponse au
dilemme de l'autonomie contrôlée. En fait, la confusion des niveaux, ici
matériel et symbolique, est inhérente à la structure de l'interaction avec
l'artefact comme c'est le cas dans la communication interpersonnelle avec les
modes digital et analogique. Ainsi, la signification et le sens attribués au jeu
des affordances sont-ils effectivement déterminants des effets cognitifs et
pragmatiques des différentes formes de la médiation
artefactuelle.
4. De la médiation analogique à l'orthèse communicationnelle
Le premier rôle de la GED réside pour l'utilisateur
dans la possibilité de reconstruction des données numériques d'une manière qui
soit accessible à ses sens. Les échanges de contenus entre l'artefact et le
monde analogique de l'utilisateur correspondent selon nous à une forme explicite
de médiation. C'est pourquoi, nous considérons l'artefact communicationnel dans
cette perspective comme un “ opérateur ” au sens informatique du
terme.
Cette forme de médiation analogique s'articule au projet de
rationalisation de la gestion documentaire dans l'entreprise. L'approche du
dispositif comme technique managériale est de fait la plus familière aux
utilisateurs. Pour eux l'instrument est perçu comme un outil idéologiquement
neutre et extérieur à toute autre problématique. Il est ce substrat technique
qui offre un éventail de possibilités et de contraintes pour le classement,
l'échange et le partage de l'information. Le seul effet envisagé ou but
recherché est une transformation réussie de l'objet de gestion qui s'effectue
selon des calculs d'optimisation. L'environnement tend par conséquent à se
limiter à l'horizon virtuel de l'armoire électronique. Du même coup, c'est la
fonction de classement qui prévaut sur celles de l'échange et du partage. Les
effets de l'artefact sur les autres utilisateurs ne sont généralement pas
envisagés, ni d'ailleurs ceux en retour de l'instrument sur le sujet. Ainsi
diminué de son potentiel d'influence, l'artefact communicationnel est vu comme
un “ canal ” qui permet
d'encarter de l'information selon un plan de classement
préétabli.
L'analyse des incidents critiques, des dysfonctionnements, des
incohérences révèle toutefois des signes de transformation du contexte. Il
s'agit du travail d'assimilation des cognitions incorporées dans l'artefact aux
valeurs qui président au fonctionnement habituel de l'organisation. Ce second
rôle de la GED correspond à un potentiel d'analyse permettant d'examiner les
manifestations systémiques dans ce contexte. Cette forme de médiation
artefactuelle que nous appelons “ analyseur ” [60] révèle un problème de fond lié à
l'injonction de coopération. Le modèle relationnel que requiert l'artefact
présuppose en effet des rapports de confiance qui ne vont pas de soi. Cette
problématique de la confiance renvoie selon un processus d'appel aux valeurs
fondamentales de l'entreprise à un vécu de contraintes qui sert de toile de fond
au jeu des interactions dans les trois sous-systèmes analysés. Quel que soit le
niveau auquel on se place, celui de l'organisation, celui des experts ou celui
de l'individu, nous reconnaissons les signes d'un débat latent dont l'enjeu
fondamental est la préservation de l'autonomie au sein d'un espace coopératif
normé. Au total, la médiation “ analyseur ” révèle d'une part, l'évolution
de l'injonction coopérative initiale en une double contrainte dont les termes
antagonistes sont scellés par le contrat de l'autonomie contrôlée et d'autre
part, la grande valeur qui traverse ce système global que nous reconnaissons
comme relevant d'un principe d'indépendance.
Le troisième rôle de la GED réside dans son
potentiel de régulation sociale et désigne la médiation artefactuelle comme un
véritable dispositif d'assistance. En ce sens, nous parlons d'“ orthèse communicationnelle ” pour souligner
la spécificité des affordances autorégulatrices qui s'appliquent à l'évolution
des rapports humains [61]. Celles-ci recouvrent les interventions
de régulation exercées par la médiation artefactuelle. Il s'agit des retombées
pragmatiques de l'injonction paradoxale et des processus d'organisation
sélective des connaissances.
Sur le registre de la pathogenèse, le dilemme de l'aide et du
contrôle se joue en tension pour la préservation de la marge de liberté des
acteurs et constitue l'essence même des blocages. Mais nous reconnaissons aussi
la portée thérapeutique de la régulation artefactuelle. Ainsi, sur le plan de
l'orthogenèse communicationnelle, les effets cognitifs du recadrage et de la
double contrainte thérapeutique se manifestent-ils respectivement par une
recomposition des rapports de pouvoir, une reconfiguration du réseau des
échanges et une vision élargie du contexte.
En premier lieu, le système des activités relatif à l'échange et au
partage de l'information tend à affaiblir la verticalité antérieure des
interactions au profit d'une plus grande transversalité. Cette tendance générale
vérifie l'effet “ bras de levier ”
des technologies collaboratives dans le développement de nouveaux
modèles d'organisation et de management. En renforçant la prépondérance des
mécanismes de coopération, l'orthèse communicationnelle contribue ainsi à la
mise en ligne de l'organisation. En second lieu, cette injonction qui ne peut
toutefois pas s'appliquer à culture constante se manifeste par une tendance à
transgresser le réseau formel. Ainsi s'esquissent au-delà des contraintes, les
contours de réseaux de coopération plus informels qui débouchent sur une
nouvelle dynamique de l'échange et du partage. Rappelons enfin que les effets
cognitifs du recadrage déjà signalés correspondent à une évolution sensible du
système conceptuel des personnes concernées. La théorie des types
logiques [62] établit les conditions et les propriétés
d'un tel changement. Dans les termes de cette théorie, c'est en faisant porter
l'attention des utilisateurs sur une nouvelle appartenance de classe des
évènements, des relations entre individus, des modèles interactionnels, que les
affordances cognitives de l'artefact communicationnel suggèrent d'apposer un
cadre tout aussi pertinent à ces composantes. Ce qui change alors, c'est la
signification que reconnaissent les individus aux éléments concrets et statiques
de leur situation. Nous admettons pour notre part que le potentiel de recadrage
de la médiation artefactuelle correspond aux principes fondamentaux d'une telle
conception du changement.
Conclusion
Cette recherche apporte un éclairage nouveau sur les
relations qui se structurent entre les caractéristiques des technologies
collaboratives, celles des utilisateurs et celles du contexte. Selon une
conception anthropocentrique des nouvelles technologies, nous avons soutenu une
position qui tend à créditer l'artefact communicationnel d'un véritable travail
social. En faisant une lecture de la médiation artefactuelle à la manière de
Watzlawick dans la thérapie brève, l'ambition a été d'associer les Sciences de
l'Information et de la Communication à une théorie qui jusqu'à présent, était
restée connexe. Sur le plan épistémologique, la valeur heuristique du modèle de
la thérapie brève pour l'analyse et la compréhension des phénomènes
interactionnels n'avait pas à être prouvée. Son application au cas de
l'implantation d'un outil de GED dans un établissement industriel permet
effectivement de déceler différentes formes de la médiation artefactuelle au
sein d'un système complexe d'interactions. Bien que les nouvelles technologies
soient primitivement et explicitement conçues pour produire des opérations
techniques, il s'avère que d'autres modes de régulation coexistent de façon
dynamique et implicite. Nous faisons ici référence aux rôles d'analyseur et
d'orthèse communicationnelle du dispositif. Globalement, l'analyse des
phénomènes montre dans quelle mesure ces nouvelles formes de couplage homme
machine révèlent les valeurs déterminantes de l'organisation, autorisent des
phénomènes d'apprentissage organisationnel et exercent une action de changement
sur le contexte.
Tout en démontrant l'intérêt de la démarche de transposition des
concepts et des techniques de l'intervention systémique, notre préoccupation est
aussi d'en préciser les conditions et les limites. C'est pourquoi la
présentation générale de nos options théoriques et de nos résultats appelle pour
terminer quelques remarques complémentaires.
En ce qui concerne la problématique générale de l'affordance,
l'examen critique des présupposés épistémologiques de la théorie psychologique
de Gibson révèle les limites de la portée explicative du concept. En effet, des
travaux consacrés à l'émergence de la coopération selon une approche
socio-technique ne postulent pas d'“ affordance ” particulière d'un outil pour
expliquer sa capacité suggestive d'action dans le cas du travail
collectif [63]. Pour Israël et Auffret, la théorie
écologique de Gibson ne permet pas notamment de rendre compte “ des conditions qui assurent des affordances
partagées ” et qui conduiraient par exemple un ensemble de
personnes à s'accorder sur l'usage situé d'un outil. Les auteurs signalent
d'ailleurs dans les sciences sociales un glissement notionnel qui tend à
assimiler l'affordance à une caractéristique statique propre à l'objet. Ils
expliquent en effet non sans malice qu'“ on oublie
trop vite que si, à l'évidence, la chaise “afforde” les fesses, ce ne peut être
que dans une tradition qui a déjà spécifié cette station assise et ses
conditions sociales d'exercice ”. Par conséquent, il apparaît
que l'affordance d'un outil ne peut être définie en dehors d'une culture
technique qui dicte ses schèmes d'interprétation et d'utilisation. Or le travail
coopératif assisté par ordinateur présuppose justement, à défaut des buts, le
partage des moyens disponibles. C'est pourquoi une réflexion préalable sur cette
question devrait permettre de préciser utilement le statut ontologique de ces
“ affordances ”. Il en va de même
comme le pense d'ailleurs Quéré [64], de la problématique générale de
l'agentivité.
Enfin, bien que confirmant l'hypothèse de régulation thérapeutique,
l'affordance autorégulatrice des artefacts communicationnels débouche sur une
forme de thérapie de réseau qui de notre point de vue reste encore embryonnaire.
La prégnance des effets pathogènes du caractère contraint des différentes formes
de médiation s'avère plus particulièrement déterminante de la structure et de la
dynamique des relations dans le département considéré. Gardons nous cependant de
toute velléité de généralisation de nos résultats en mentionnant le caractère
exploratoire et circonscrit de ce travail. Il apparaît aujourd'hui important de
confirmer et d'approfondir ces résultats par d'autres recherches sur la
médiation artefactuelle ce qui permettrait sans doute d'un point de vue
pratique, d'accroître l'efficacité de l'instrumentation des activités
collaboratives dans les organisations.
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[1] Balle C., Revue Française de Gestion, n°19, 1979,
p. 50.[2] Falletta N., Le livre des
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Un Crétois appelé Epiménide affirme que “ Tous les crétois sont
des menteurs. ” Il s'agit de la version connue du plus ancien de tous les
paradoxes logiques qui est celui du menteur. Attribué à Eubulide, un philosophe
grec du VIe siècle avant
Jésus-Christ, le paradoxe se formulait à l'origine de la façon suivante :
on demande à un menteur s'il ment lorsqu'il affirme être en train de mentir.
L'homme ment seulement s'il dit la vérité et à l'inverse, il dit la vérité dès
lors qu'il affirme être en train de mentir.
[3] Tisseron S., Comment
l'esprit vient aux objets ?, Aubier, 1999, p.
20.[4] Tisseron S., ibid, p. 16.
[5] Simondon G., Du mode
d'existence des objets techniques, Ed Aubier, 3e édition, 1989.[6] Le Moigne
J.L., Les épistémologies constructivistes,
PUF, QSJ ? n° 2969, 1995, pp. 12-35.
Le principal obstacle réside selon nous dans la longue tradition
intellectuelle occidentale qui consiste à privilégier l'idée que le monde est
prédéfini. Les épistémologies positivistes s'appuient sur cette hypothèse
ontologique pour postuler l'indépendance de la réalité. Dans cette perspective,
le fait de considérer la connaissance comme le miroir du monde tend à faire
passer au second plan la nature performative des objets en général au profit
d'une raison instrumentale qui dualise l'homme et la
technique.[7] Latour B.,
“ Une sociologie sans objet ? Remarques sur l'interobjectivité ”,
Sociologie du travail, vol 36, n°4, 1994,
p. 598.
[8] Latour B., ibid., p. 597.
[9] Le Moigne
J.L., op. cit., p. 71.
[10] Tisseron S., op.
cit., p. 18.[11] Il semble actuellement selon Martin
que ces outils spécifiques soient de plus en plus intégrés aux Intranet
d'entreprises.Martin F., “ La
fin du groupware ? ”, in Le
Bœuf C., Le groupware : Résurgence d'une dynamique
organisationnelle assistée par ordinateur, L'Harmattan, 2001.
[12] Le
Bœuf C., Le groupware : Résurgence
d'une dynamique organisationnelle assistée par ordinateur,
L'Harmattan, 2001, p. 3.[13] Isckia T., “ L'entreprise à l'ère des
nouvelles technologies de l'information ”, Terminal, N°70, 1995.Levan Serge K., Liebmann A., Le
Groupware : informatique, management et organisation, Hermès,
1995.Courbon J.C., Le groupware et les raisons de son importance, Chap. IV
in, Le travail en groupe à l'âge des réseaux, Economica,
1998.[14] Ghoshal
S., Bartlett L.,
The individualized corporation : a fundamentally
new approach to management, Harper Business, 1997, cité par
Courbon, ibid, p.80.
[15] Yates J., Benjamin
Robert I., “ Le passé et le présent, fenêtre ouverte sur le
futur ”, in Morton Michael S.
Scott, L'entreprise compétitive au futur : Technologies de l'information et
transformation de l'organisation, Les Editions d'Organisation,
1995, pp. 71-113.
[16] Levan Serge K., Liebmann A., op.
cit., p. 48.[17] Kalika M., Internet, remise
en question des paradigmes en Sciences de Gestion : L'émergence du
e-management, Cahier de recherche du CREPA, n°57,
2000.[18] Le
Bœuf C., op. cit., p.
5.[19] Rabardel
P., Les hommes et les technologies,
approche cognitive des instruments contemporains, Armand Colin,
1995.
[20] Norman D., “ Les artefacts cognitifs ”,
in Conein B., Dodier N., Thevenot L. (eds), Les
objets dans l'action, Editions de l'EHESS, Raisons Pratiques, n°4, 1993, pp.
15-34.[21] Agostinelli S., “ Entre artefact et
situation : Quels enjeux de communication pour les NTIC ? ” in
L'impossible formation à la communication,
ICOMTEC de l'Université de Poitiers, 18 - 19 Mars 1999.
[22] Quere L., “ La situation toujours négligée
? ”, Réseaux, n°85, CNET, 1997, p.
171.
[23] Quere L., ibid, p. 189.[24] Quere L., ibid, p. 177.
[25] Hutchins
E., “ Comment le cockpit se souvient de ses vitesses ”,
Sociologie du travail, vol 36, n°4, 1994.,
pp. 451-473.[26] “ les
actants sont les êtres ou les choses qui, à un titre quelconque et de quelque
façon que ce soit, même au titre de simples figurants et de la façon la plus
passive, participent au procès ”, Tesnière L., cité par Marty C, Marty R., La
Sémiotique, Coll. 99 réponses sur, CRDP, 1992, p.
36.[27] Latour B., “ Une sociologie sans objet ?
Remarques sur l'interobjectivité ”, Sociologie du
travail, vol 36, n°4, 1994, pp. 587-607.
[28] Gibson J.J.,
The ecological approach to visual
perception, Boston : Houghton-Mifflin,
1979.[29] Le terme anglais “ affordance ” est un néologisme qui désigne à
la fois le fait d'offrir (to offer) et celui de fournir quelque chose (to
afford). Il est couramment repris tel quel dans la littérature parce qu'il ne
possède pas d'équivalent français qui rende compte de toutes les
nuances.
[30] Wittezaele J.J., Garcia T., À la recherche
de l'école Palo Alto, Seuil, coll. La couleur des idées, 1972, p.
262.
[31] Fondé en 1987 à Liège, l'IGB est le
représentant officiel du Mental Research Institute pour l'Europe. Ses membres
fondateurs appliquent en particulier les principes et la méthodologie du
changement propres à la thérapie brève au cas de l'intervention thérapeutique
sous contrainte.[32] Seron C., Wittezaele J.J., Aide ou
contrôle, l'intervention thérapeutique sous contrainte, De Boeck,
1991.
[33] Seron C., Wittezaele J.J., ibid., p. 115.
[34] Mucchielli A., Les sciences
de l'information et de la communication, Hachette, 1995, pp.
32-33.[35] Watzlawick P. et al., Une logique de la
communication, Seuil, 1972, p. 240.[36] Watzlawick P., Le langage
du changement, Seuil, 1980, p. 108.[37] Rappelons qu'en raison de sa nature
paradoxale et de la double contrainte thérapeutique qu'elle génère, cette
technique est aussi appelée “ injonction
paradoxale ”.
[39] Seron C., Wittezaele J.J., op.
cit.
[41] Prax J.Y., Manager la
connaissance dans l'entreprise : les nouvelles technologies au service de
l'ingénierie de la connaissance, Insep, 1997, p.
142.[42] Yates J., Benjamin
Robert I., op. cit., 1995, pp.
71-113.[43] Levan Serge K., Liebmann A, op.
cit., 1995.
[44] Mucchielli A., (ss. la dir. de), Dictionnaire des méthodes qualitatives en sciences humaines et
sociales, Armand Colin, 1996, pp. 248-249.[45] Mucchielli A., Approche
systémique et communicationnelle des organisations, Armand Colin,
1998, pp. 103-110.
[46] Mucchielli A., ibid, pp. 100-103.
[47] Hathuel A., Weil B., L'expert et le
système : quatre histoires de systèmes experts, Economica, Paris,
1992.[48] Hathuel A., Weil B., ibid., p. 121.[49] Hathuel A., Weil B., ibid., p. 123.
[50] Cardon D., “ Les sciences sociales et les
machines à coopérer : une approche bibliographique du CSCW ”, Réseaux,
n°85, CNET, 1997, pp. 163-192.[51] “ Nom
désignant le fluide imaginé au 18e siècle comme la substance même de la chaleur
pour expliquer certains phénomènes physiques dont rend compte aujourd'hui la
thermodynamique, avec des modèles forts différents ”
(Varela Francisco J., Invitation aux
sciences cognitives, Seuil, 1996, pp.12-13)[52] Martin
F., “ La fin du Groupware ? ”, in Le Bœuf C., Le groupware,
portée et limites d'une dynamique organisationnelle, L'Harmattan,
2001.
[53] Scardigli V., les Sens de
la technique, PUF, 1992.
[55] Lepine V., “ Le groupware : objet
d'entreprise, objet scientifique ”, in Contributions introductives aux
débats du séminaire de Lille “ Objets et pratiques de communication
organisationnelles : construire des approches scientifiques ”, 5 et 6
décembre 1997.
[57] Rabardel
P., op. cit., pp.
75-78.
[59] Watzlawick P. et
al, Changements : paradoxes et
psychothérapie, Seuil, 1975, p.116.
“ recadrer signifie donc modifier le contexte
conceptuel et/ou émotionnel d'une situation, ou le point de vue selon lequel
elle est vécue, en la plaçant dans un autre cadre, qui correspond bien, ou même
mieux, aux “faits” de cette situation concrète, dont le sens, par conséquent,
change complètement. ”
[60] Pour l'analyse
institutionnelle : “ L'opération de
l'analyseur est ce qui produit une décomposition de la réalité matérielle en
élément sans intervention d'une pensée consciente. L'analyse se fait dans et à
travers l'analyseur, qui est comme une machine à décomposer
(...) ” (Lapassade
G., L'analyseur et l'analyste,
Gauthier-Villars, 1971, p.6.) cité par Gilbert P., “ Fonctions explicites et
implicites des instruments de gestion des ressources humaines ”, Revue de
Psychologie du travail et des organisations, 1997, vol. 3, n°1-2, pp.
118-130.
[61] Gobert T., “ L'orthèse multimédia ”, in
Recherches en sciences sociales : Jalons et segments, ss. la dir. de
Berthelot J.M., L'Harmattan, 2001,
pp.149-170.Pour l'auteur, l'orthèse désigne par opposition à la
prothèse un appareil d'assistance destiné à corriger une déficience ou une
insuffisance. Elle complète un système, mais ne le remplace pas, comme le fait
une prothèse.
[63] Israël
R., Auffret G., “ Une mémoire de
l'émergence : vers un outillage conceptuel et socio-technique de la
coopération ”, Solaris, dossier n°5, 1999.