"Comment être à la hauteur de nos drôle de machines"

Geneviève Jacquinot

in 2èmes Rencontres Internationales du Multimédia et de la  Formation, Actes du Cafoc de Bordeaux, 17 18 19 novembre 1999

     Les NTIC, comme on les appelle communément, tiennent une place importante, dans la multitude des discours sur les évolutions vers une conception de la formation plus autonome, plus responsable, favorisant le partage et l'initiative - autrement dit, ce qui est au coeur de l'autoformation-.et qui est dans l'air du temps comme le montrent très bien Carré, Moisan et Poisson (1997) quand ils déclarent que l'autoformation satisfait à la fois les gestionnaires, les experts en organisation des transformations sociotechniques actuelles et les tenant de l'éducation nouvelle d'autrefois.

     Entre les thuriférères des NTIC et les détracteurs systématiques, entre les innovateurs perpétuels et les récalcitrants malthusiens, il y a place pour une authentique réflexion et des pratiques exigentes qui nous permettraient, me semble-t-il d'être 'à la hauteur de nos drôles de machines'

1-Ce n'est pas par les NTIC que l'autoformation arrive.

     -  De la persistance du mythe techniciste

Selon un processus bien connu de transposition mécanique de l'instrument à son usage,  on oppose allégrement:

     la télévision : le caractère unidimentionnel du dispositif de communication télévisuelle entraine une relation supposée 'passive' du spectateur avec l'écran

     les NTIC : le caractère interactif des dispositfs numériques entrainerait une relation supposée 'active' et du même coup 'autonome' de l'interactant'

Pierre Lévy (1990) dont les propos sont souvent repris déclarait  'l'hypertexte ou le multimédia interactif se prêtent particulièrement aux usages éducatifs. On connaît depuis longtemps le rôle fondamental de l'implication personnelle de l'étudian dans l'apprentissage.Plus activement une personne participe à l'acquisotion d'un avoir, mieux elle intègre et retient ce qu'elle a appris. Or le multimédia interactif, grâce à sa dimension réticulaire ou non linéaire, favorise une attitude exploratoire, voire ludique, face au matériau à assimiler. C'est donc un instrument bien adapté à une pédagogie active'

     Il y a glissement progressif de l'interactivité machinique à l'activité signifiante de l'apprenant : 'cyberespace et autoformation' font trop facilement bon ménage

     -De la persistance du mythe anti-techniciste

'Au fantasme toujours possible de l'autodidacte qui apprend tout seul, cette représentation de l'autoformation risque d'ajouter l'illusion d'un rapport au savoir qui pourrait faire l'économie d'une relation symbolique entre le savoir, le formé et le formateur'

(Christine Etévé,   Educations, 2, 95)

'La technocratisation de la pédagogie par un recours illimité au médias et à l'industrialisation outrancière du service éducatif peuvent être favorisées par l'alliance entre autoformation et technologies'  (Philippe Carré, Educations  2) ,mais c'était en 1995.

     Devant ces craintes on peut rétorquer que lorsqu'on envisage l'intégration des NTIC dans les systèmes de formation on en exclue pas pour autant le formateur. Et par ailleurs, on parle aussi d''autoformation' via des dispositifs impliquant un travail avec dossiers, fichiers, guides pédagogiques.. soit, sans technologies autres que l'imprimé.....et .avec les mêmes effets pervers,

    

     - De l'extension de la problématique de l'autoformation via les NTIC

Si la problématique de l'autoformation est née autour des années 60 à propos de la formation des adultes, notamment en entreprise, elles s'est largement amplifiée depuis les années 80, avec le développement des TIC, depuis la télévision scolaire jusqu'aux autoroutes de l'information qui nous promettent 'le savoir à domicile' (Henri, Kaye, 1985).  et ce, à tous les niveaux de l'éducation et de la formation. A l'heure actuelle, elle est réactualisée avec notamment le développement de centres de ressources ou de réseaux ..... avec ce que cela nourrit de leurres et d'amalgames.

2- De l'origine des amalgames

     2-1: Autoformation et automatisation

Le même pré-fixe renvoie ici à deux acceptions différentes, qui ne correspondent pas aux mêmes pertinences:

          @  auto-formation, auto s'oppose à hétéro soit

'la formation par soi-même' opposée à la leçon ou le modèle transmissif

la formation seul opposé à la formation avec les pairs

la formation avec la seule parole du maître et du manuel opposé aux environnements d'apprentissage

          @ auto-matisation ou automate ou automatique ou automatisme = qui se meut soi-même, sans conscience ni intention, ni volonté ni délibéremment.........

L'automatisation peut rendre automatiques certaines phases du processus d'enseignement comme d'apprentissage mais pas le projet d'apprendre qui ne peut être, lui, qu'intentionnel et conscient

     2-2: Autoformation et individualisation

Il faut revenir aux définitions. Individuel (à un individu à la fois) versus individualistation ou personnalisation (adapté à chaque individu)

     En principe, l'individualisation dans les 2 sens est favorisée par les NTIC car elles permettent le choix par rapport :

     le lieu

     le temps,

     la durée,

     le parcours: mais sous certaines conditions exigentes, notamment une conception constructiviste de l'apprentissage et 'un design adaptatif' des environnements d'apprentissage multimédia interactif.

 Depover, Giardina, Marton, (1998) ne distinguent pas moins de 15 facteurs pédagogiques à prendre en compte pour réaliser des environnements d'apprentissage multimédia interactifs (motivation, rythme individuel, participation, interaction, perception, organisation des messages, structuration du contenu, choix des méthodes pédagogiques, stratégie d'organisation des ressources, guidage de l'apprenant, répétition d'activités et d'expériens variées, exercices, rétroaction, transfert.... y compris, je cite, 'les contacts humains épanouissants'

     2-3: Autoformation et disparition du formateur

Dans la pratique, on parle d'autoformation, chaque fois que le dispositif de formation ne repose plus sur l'enseignant seul comme si sa 'disparition' partielle ou totale entraînait automatiquement, l'autonomie des apprenants : que l'enseignant disparaisse et que l'autonomie, comme la lumière, soit! ...........et transforme la formation en autoformation

Dans une enquête menée pour le Ministère de l'Agriculture (et de la pêche), sur les ressources éducatives pour la formation initiale et continue en établissements agricoles (Renault et al, 1996), on a pu mettre en évidence 'une interpétation qui renvoie implicitement à l'autodidaxie, c'est à dire une formation où l'apprenant se débrouille seul, sans institution, sans guide, sans conseil', et dans ce cas, comme l'autodiscipline autrefois, l'autoformation fait figure d'épouvantail - au mieux il est présenté comme un travail individuel et solitaire.

3- Le formateur entre 'présence' et 'absence'.

     Or il n'en est rien, car l'introduction des 'toujours dernières technologies', si elles déplacent et modifient le rôle du formateur, elles le font de façon diverses.

     3-1: Le formateur dans la situation présentielle selon le modèle canonique 'transmissif-didactique-verbal'

     @ conçoit et transmet (expert du contenu),

     @ observe, soutient, tutore, gère le temps et l'espace (aide à                   l'apprentissage),

     @ corrige et évalue,  (représente l'institution et légitime )

     3-2: Le formateur dans les situations assitées par des TIC  = où tout ou partie du processus d'enseignement-apprentissage est assumé via une machine et donc met le formé 'en autoformation' au sens courant de 'sans la médiation exclusive du formateur', remplit des fonctions différentes selon qu'il est :

     - le formateur- auteur-absent mais présent par ses choix dans le document audiovisuel, le logiciel, l'hypermédia

(cf la chaîne filmique où le montage peut être conçu comme 'un agitateur de méninges' ou la navigation hypermédia, où la liberté de l'apprenant se limite toujours aux lieux où le concepteur a décidé de jeter l'ancre)

     - le formateur-auteur-utilisateur présent dans salle

(cf circuit fermé de télévision à Marly-le Roi ou la visio-conférence et le groupe-étudiants témoin)

     - le formateur-utilisateur avec ses choix de stratégie pédagogique, qui peuvent entrer en contradiction avec le document (cf la thèse d'Eric Auziol) ou entrainer le sentiment de   dépossession de son rôle?)

     - le formateur-auteur-tuteur présent dans la salle

(cf tendance à la répétition comme tuteur de ce qu'il a fait comme auteur ou à l'abandon de son rôle)

     - le formateur (non auteur)-tuteur présent

(cf recherche du CNAM sur l'évolution des professionalités liée à l'usage des formations multimédias par Claude Thesmar in Mscope Médias  n°5) : difficulté à identifier la difficulté ressentie par l'apprenant, rôle réduit à une aide ponctuelle d'ordre psychologique)

Questions : vaut-il mieux avoir participé ou non au produit de formation?

 Vaut-il mieux être de la même discipline/

 Est-il nécessaire d'avoir reçu une formation spécifique?

     - le tuteur 'virtuel' (synchrone ou asynchrone; via le téléphone, le courrier électronique, la visio-conférence, le forum, le chat, le clone........) où les expériences sont plus récentes, mais montrent à l'évidence, qu'apprenants et enseignants ont de nouveaux comportements à acquérir pour en tirer le maximum de profit.

(cf Le Tutorat téléphonique dans la FAD en Psychologie à l'université de, Paris 8 et la difficulté de certains tuteurs à être à l'écoute diversifiée des apprenants ; ou le courrier électronique entre enseignants et étudiants dans le DESS Médias Electroniques Interactifs de l'université de Paris 8 où la nature et l'énonciation des échanges sont très divers, les forum...)

Chacune de ces situations donne l'occasion de vivre sinon une situation d'autonomie du moins une certaine 'distanciation', à la fois pour l'enseignant et pour l'apprenant et une occasion de rompre le modèle de la relation-transmissive-verbale. On a pu montrer d'ailleurs, comment les centres de ressources (en langue notamment) en offrant une interface entre matérailité et virtualité, permettent aux usagers de vivre 'de nouveaux modes d'être apprenant'(Albero, 1998).

     Donc, pour répondre à la question du rôle du formateur en situation d'autoformation via les TIC, il faut préciser:

               Quelle TIC?

               Dans quel système ou dispositif?

               Avec quelle(s) fonction(s)

               Avec quelle formation?

               Avec quel statut!!!!!!!!!!!?

EX:  Le dispositif d'autoformation guidée, pour l'enseignement des langues au CNEAO, Centre national d'Enseignement Assisté par Ordinateur des universités de Paris 6 et 7 (Demaizière, Foucher,  1997)

module de 50 h: 1h de présentation générale

          3 entretiens individuels (20'/3= 1H)

          40 heures de TI (auchoix avec réservation) encadré par administratif

          8h expression orale par groupe de 10 (pour 25 à 30 étudiants = 24/1h

soit 50h d'enseignants (par moitié, entretiens individuels et animation de groupes oraux) pour module de 50H

libre  : choix des matériaux dans un fond restreint mais 'fermé'  

     horaires

     activités de groupe: discussion d'un article de presse ou jeu de rôle

imposé : nombre d'heures et séances, nombre entretiens individuels (mais pas contenu), travaux à préparer pour notation

soit un 'dispositif' entre liberté et contrainte selon la position de l' institution et avec des degrés de satisfaction divers des cohortes d'étudiants.

    

4- Quel(s) nouveau(x) rôle(s) pour le formateur?

     Non pas un nouveau rôle mais une nouvelle répartition des divers rôles, habituellement confondus et donc plus ou moins assumés selon les personnes, les situations, les contextes, et qui, dissociés, sont rendus chacun à la fois plus visibles et plus exigents:.

     Avec les TIC les dimensions fondamentales de la formation sont éclatées  et pas toujours récupérées dans le dispositif mis en place: par exemple:

     @ même en autonomie les phases du relationnel duel ou groupal doivent être aménagées dès la conception du système;

     @ même en autonomie, l'apprenant doit pourvoir situer son projet personnel à l'intérieur du projet social, institutionnalisé qu'est le projet de formation- sinon on est en autodidaxie.

    

     Fonctions pouvant donner lieu à une spécialisation des tâches, voire à de nouveaux métiers autres que la formation: concepteur, évaluateur, tuteur, administrateur,. entrepreneur (recherche de financement, de partenariats..).

Pour en rester à la fonction de formation proprement dite, je dirai que le principal rôle du formateur en situation d'autoformation est d'apprendre à l'apprenant la compétence à l'autoformation soit:

     - savoir se situer dans un projet d'apprentissage

     - savoir choisir (ou au moins situer) ses outils de formation

     - savoir se regarder faire

     - savoir gérer son temps

     - savoir s'évaluer

     - savoir demander de l'aide

     - savoir expliciter ses questions, ses demandes

     - savoir travailler avec d'autres et mutualiser ses savoirs

 et des recherches ont mis en évidence qu'en formation, les TIC paraissent servir surtout les compétences dites de troisième dimension ( ni cognitives, ni psychomotrices) mais, la formation à l'autonomie, à la responsabilistation, à la culture partagée, au code commun, à la capacité d'initiative 'bref, ce qui est au coeur de l'autoformation'

Le formateur dans un système d'autoformation assité par les TIC ou non doit savoir

     - accompagner, écouter, conseiller,

     - évaluer l'autonomie de l'apprenant par rapport à ses outils

     - prévoir les difficultés à venir,

     - penser par rapport à des objectifs et non en fonction du temps passé

     - mutualiser les apports respectifs

     - concevoir des documents d'autoformation sur divers supports

     - travailler en équipe avec l'ensemble des autres formateurs et intervenants

et connaître

     - l'ensemble du dispositif dans lequel il intervient

     - l'utilisation et la fonction spécifique dévolue aux supports d'apprentissage

     - les moments et les fonctions qui lui reviennent

     - les différentes phases d'intervention (accueil, démarrage,suivi, phase finale)

et être disponible.... à tout le reste!

cf la recherche CNAM sur les APP 'Fomations médiatisées, compétences d'autoformation et construction de l'identité: le cas des APP' par Claude Thesmar, Richard Wittorski et Roselyne Orofiamma 1995 :

Dans  les entretiens pour définir leurs missions, les formateurs le font :

     'en négatif' par rapport aux aspects disciplinaires : être formateur dans ces dispositifs c'est 'ne pas être enseignant', 'ne pas faire un cours, ne pas se mettre en scène, jouer son numéro'

     'en positif', c'est, apporter de l'aide à l'apprentissage , être 'personne ressource dans l'autoformation'

     L'apprentissage en hétéro ou en autoformation mobilise chez l'individu sa structure profonde à la fois dans l'ordre du désir et de la capacité et cette activité hypercomplexe ne peut se faire sans la médiation humaine .

5- De la nécessité de faire 'le deuil du prof'

     Les recherches mettent en évidence la nécessité de 'faire le deuil du prof', de part et d'autre:,

- du côté du formateur:  une nouvelle 'identité' est à construire:

          @ pour le formateur-auteur :

du cours à la conception d'un produit de formation : on passe à la matérialisation et la mécanisation au lieu de l'éphémérité et de l'improvisation;

il peut y avoir perte du plaisir d'enseigner et de faire apprendre, de la dimension narcissique de la transmission

    

          @ pour le formateur-tuteur = il peut y avoir ambiguité dans la posture par rapport à la relation d'autonomie

cf recherche CNAM, APP déjà citée, il y a un difficile équilibre à tenir entre faire et se reprocher de faire trop par rapport à la logique d'autoformation ou, au contriare ne pas faire ou faire le minimum, et se sentir coupable de ne pas mieux aider 

cf les 2 modèles de formation explicités par Fabre, (1994): 

le modèle dit technique ou fantasme de Pygmalion = donner forme;

le modèle biologique ou autodéveloppement compétence de Phoenix= celui qui se suffit à lui-même naît et renaît de lui-même.

- du côté du formé:   se méfier de la relation de transfert, instaurer la distanciation par la distance, faire dépasser la dépendance symbolique...

cf la demande de dépendance est d'autant plus forte que le niveau de formation générale de base est moins élevée

    

     L'automie (auto-nomos = qui se régit pas ses propres lois), en formation comme ailleurs ne se décrête pas : elle s'acquiert et les TIC et les nouvelles modalités de présence et d'absence qu'elles permettent et promettent peuvent y contribuer ........à condition que ne soient jamais bousculés, chez l'individu, les repères symboliques de base que sont le temps, l'espace et l'identité: il n'y a pas de formation sans médiation humaine ,mais la médiatisation n'est pas en soi un obstacle à la formation, elle peut même largement contribuer à faire acquérir une capacité à s'autoformer.

cf recherche CNAM sur les APP déjà citée : elle a permis le repérage de trois conceptions de l'autonomie, comme base de l'autoformation et plus généralement (Galvani, Educations  2, 1995) :

     - le modèle centré sur la socialisation ou sosio-pédagogique : tenir compte des autres, aspects sociaux et psychologiques, approches transversales, supports traditionnels; formateur animateur.

     - le modèle centré sur le développement cognitif ou bio-cognitif : apprendre à apprendre, travail individualisé, logiques disciplinaires, ressources traditionnelles, formateur analyseur des difficultés cognitives;

     - le modèle centré sur les ressources technologiques ou technico-pédagogiques:  centre de ressources, interactions individus/produits, personnalisation, individualisation des durées, rytmes, activités..........mais dépendance symbolique possible.

L'idéal serait bien sûr, d'arriver à articuler ces trois modèles, dans le sens d'une convergence des éléments entrant dans des environnements d'apprentissages.

    

6- Des nouvelles modalités de la présence-absence

     Le développement des technologies numériques et les nouvelles relations  à l'espace et au temps qu'elles impliquent- comme autrefois le développement des moyens de transport-nécessitent que soient repensés les concepts de base de distance, présence, absence.....

     Il faut sortir de cette conception rigide purement physique de la 'présence' et de l''absence' et formateurs comme formés, progressivement doivent découvrir les diverses façons de 'véhiculer les signes de la présence' (Weisberg, 1999)

     Analogiques ou numériques, les technologies ont chacune une certaine façon d'"écrire la réalité" ou de se substituer à une certaine forme de "présence" rendue momentanément "absente" de la perception directe et immédiate : mais  il existe d'autres formes de présence et d'absence que la présence physique (présence psychique, spirituelle, sacrée...) , et d'autres temporalités (l'instantanéité, le différé, le temps réel, la synchronie, l'asynchronie..).

     Chercher à remplacer ce qui est absent, est un projet perpétuellement décevant à cause d'un trop d'absence (exemple des images virtuelles) ou d'un trop de présence (exemple du visiophone),  mieux vaut 'faire circuler les signes de la présence, et d' en étudier les déplacements'- la mise en scène théâtrale ou la pratique lectorielle nous en donnent de nombreux exemples.

     Comme le montre fort bien Jean Louis Weisberg, contrairement à l'opinion répandue qui veut que ces NTIC tendent vers toujours plus d'abstraction, il fait insister sur le caractère de plus en plus incarné de la télé-présence (ou présence à distance) via les interfaces machiniques : non seulement par la multimodalité (déplacements et sensations rendus possibles dans les environnements virtuels); mais aussi parce que la communication homme-machine n'est possible que via l'acte, l'acte de l'interactant qui peut voir, sinon sentir, de plus en plus les conséquences de ses actes.

     Les techniques de réprésentation  cherchaient avant tout à nous faire 're-vivre avec' : d'où cette pédagogie audiovisuelle du 'comme si vous y étiez' que j'ai autrefois étudiée (Jacquinot, 1977); les vraies nouvelles technologies elles, (Jacquinot, 1998) nous donnent l'occasion d''expérimenter par', ce qui pour le coup correspond bien à une certaine autonomie et responsabilité qui est au coeur de l'autoformation.

    

     Ce dont il s'agit désormais c'est peut-être moins de restituer l'"impression de réalité", chère aux sémiologues de l'image que de créer l'"impression de présence" ou présence virtuelle qui peut être définie "comme étant un état subjectif et hypothétique de conscience et d'implication dans un environnement non présent"  ou comme "le sentiment psychologique d'être dans l'environnement dont la base technologique est l'immersion" (cité dans Shubber 1998) ... n'importe quel système d'immersion n'induisant pas nécessairement le sentiment de présence chez tout le monde.

     Il y aurait donc à la fois des différences individuelles - et donc des possibilités d'éducation et de familiarisation- dans les capacités à vivre la télé-présence, et des facteurs (internes, liés aux individus, et externes liés aux techniques) susceptibles d'avoir une influence sur le degré d'impression de présence dans un dispositif de réalité virtuelle. (Shubber, 1998)

     Les réalités virtuelles apparaissent comme une nouvelle forme de simulacre pouvant intégrer des informations sensorielles très riches et il serait nécessaire de connaître et de maîtriser les variables les plus suceptibles de véhiculer les signes de la présence - les sons (voix, accompagnement musical, bruitage..) déjà rarement étudiés dans les audiovisuels classiques, mériteraient plus d'attention dans toutes les formes de réalité virtuelle .

     Mais au-delà de la richesse sensorielle et du rôle des technologies dans les environnements, il  y a aussi - comme le montre certaines recherches - le rôle du sujet: croyance, motivation, engagement vis à vis de la tâche...... et donc dans le domaine de l'éducation et de la formation, le besoin de trouver des concepteurs avertis mais aussi de former des apprenants non pas doués de plus de capacité d'abstraction,  mais sans doute de capacité de "distanciation" dans l'implication - et de nouveaux formateurs, afin de réaliser ce que Morandi (1997) appelle joliment les "environnements d'apprenance" dont au sait, au moins qu'ils ne doivent ni rabattre les nouveaux médias sur le déjà connu, ni transposer  tels quels les contenus et le dialogue maître- élève.

Conclusion

     J'ai commençé en disant que ne n'est pas par les NTIC que l'autoformation arrive; je terminerai en reprenant les termes de Claude Thesmar (1995) :

     'Bref, ce ne sont pas les nouvelles technologies qui provoquent l'autoformation mais au contraire c'est l'autoformation qui produit les nouvelles technologies ou, si vous préférez, qui se donne les moyens de son projet en utilisant les nouvelles technologies'

                          Références

Albéro, B., 1998, 'les centres de ressources langues: interfaces entre matérialité et virtualité', Etudes de linguistique appliquée, n°112, Paris, Didier Erudition,.

Carré, P.,Moisan A., et Poisson,  D.,1997, L'autoformation : psychopédagogie, ingéniérie, sociologie, Paris PUF.

Demaizière,F., Foucher,AL., 1997, 'Individualisation et initiative de l'apprenant dans des environnements et des dispositifs d'apprentissage ouverts: une expérience d'autoformation guidée', Etudes de linguistique appliquée, n°110, Paris, Didier Erudition,.

Fabre, M., 1994,Penser la formation, , Paris, PUF

Henri, F., Kayes, T., 1985, Le savoir à domicile, Pédagfogie problématique de la formation à distance, Presses de l'université du Québec, Télé-université

Jacquinot, G., 1977, Image et pédagogie, Paris PUF Coll Sup l'Educateur (épuisé)

Jacquinot, G., 1998 'Du cinéma éducateur aux plaisirs interactifs: rives et dérives cognitives' in  Cinéma et dernières technologies, ss dir de Beau, Dubois, Leblanc, INA/De Boeck.

Lévy, P., 1990, Les technologies de l'intelligence, Paris, La Découverte.

Morandi, F., 1997, Modèles et méthodes en pédagogie, Coll 128, Education, Paris,  Nathan Université

Renault, G.,  et al, 1996, Ressources éducatives et systèmes de formation, Les ressources éducatives et leurs usages dans l'enseignement agricole public, ENESAD-CNERTA/GREP, Rapport de 300 pages, synthèse de 55 pages.

Depover, C., Giardina,M., Marton,P., 1998, Les environnements d'apprentissage multimédia, Analyse et conception, L'Harmattan, Education et Formation

Shubber, Y.,1998, 'Les réalités virtuelles et la présence: de la conceptualisation à lal'opérationalisation, ' in Recherches en communication n° 10, Image(s) et cognition, Université Catholoque de Louvain, Département de communication.

Thesmar C., 1993 "L'écho du terrain: nouvelles compétences et/ou nouvelles professionnalités?", Revue Mscope, CNDP/CRDP de Versailles, n%5, pp 98-104

Thesmar C., 1995 Formations médiatisées, compétences d'autoformation et construction de l'identité : le cas des APP , par Thesmar C., Wittorski R et Orofiamma R, CNAM, 210 pages.

Weisberg,J.L, 1999, Présences à distance,Déplacement virtuel et réseaux numériques, L'Harmattan, Communication,

Educations, Revue de diffusion des savoirs en éducation, n°2, Autoformations, février-mars  1995.

 

 

RETOUR Textes Grame