Analyses comparatives des usages des TICE dans différents établissements scolaires en Europe

 

Serge Pouts-Lajus (OTE)

Septembre 2003

 

 

Six partenaires, universitaires et chercheurs indépendants, provenant de cinq pays différents (Écosse, France, Grèce, Hongrie, Italie, Norvège) se sont rassemblés, dans le cadre d’un projet européen, baptisé EMILE (SOCRATES-MINERVA), coordonné depuis la France par OTE, pour réaliser ensemble, suivant une méthodologie commune, des observations d’usages des technologies d’information et de communication (TIC) dans des établissements d’enseignement primaire et secondaire et conduire, à partir de ce matériau, des analyses interculturelles. L’association EARLI (European Association for Reasearch on Learning and Instruction) s’est jointe à ce groupe pour en assurer la diffusion des résultats. Les conclusions de ce travail seront disponibles au début de l’année 2003. Le texte qui suite présente les principes méthodologiques, théoriques et pratiques, ayant prévalu à la réalisation du projet.

 

Comparaisons internationales en sciences humaines
Questions de méthode

 

Les comparaisons internationales posent des problèmes délicats aux sciences humaines. Pour procéder à des analyses comparatives, il faut en effet disposer d’un nombre fini de paramètres qui soient à la fois représentatifs du domaine étudié et puissent faire l’objet de mesures permettant des comparaisons objectives. Or, qu’il s’agisse de politique, d’éducation ou de gestion des entreprises, la sélection et la mesure des paramètres représentatifs des situations étudiées sont nécessairement sujettes à discussion. Les paramètres considérés comme représentatifs dans un contexte national ne le sont pas forcément dans un autre. De plus, certains d’entre eux peuvent ne pas être mesurables. En éducation par exemple, le nombre d’élèves par classe est un paramètre quantitatif simple permettant des comparaisons ; mais d’autres, tout aussi importants, comme par exemple la relation pédagogique entre le professeur et les élèves, l’ambiance qui règne dans les classes ou même les curricula ou le découpage par niveaux scolaires ne peuvent pas être aussi facilement objectivés et encore moins représentés par des quantités. Par ailleurs, le contexte culturel dans lequel se déroulent les phénomènes étudiés en sciences humaines joue un rôle déterminant. Les observateurs et les analystes chargés de conduire des comparaisons, eux-mêmes issus de milieux culturels particuliers, ne peuvent prétendre à la parfaite neutralité que l’on attend d’un observateur impartial.

 

Il n’est donc pas surprenant que les études comparatives en sciences humaines donnent lieu à des approches variées dont les résultats peuvent ne pas être compatibles entre eux, ni même, parfois, comparables… C’est aussi pourquoi les questions de méthodes y occupent une place si importante. Si l’on ne peut pas exiger des observateurs qu’ils produisent des analyses irréfutables, il reste cependant possible de leur demander de décrire et de justifier leur méthode avec précision afin que la validité des résultats produits puisse être soumise à un examen critique. C’est à quoi nous nous emploierons dans cette première partie, consacrée à la méthode que nous avons utilisée pour comparer les usages éducatifs des TIC dans des établissements scolaires de différents pays européens. Nous avons situé notre approche par rapport aux deux courants principaux des méthodes comparatistes en sciences humaines, représentées respectivement par les travaux du Néerlandais Geert Hofstede et par ceux du Français Philippe d’Iribarne. Ces deux sociologues ont étudié les modes de gestion des entreprises dans différents contextes internationaux ; mais ils l’ont fait avec des méthodes et des présupposés très différents. Nous présentons brièvement ci-dessous ces deux approches, ce qui nous permettra d’éclairer et de justifier le choix méthodologique que nous avons finalement adopté dans le cadre du programme EMILE.

 

L’approche psychologique par les valeurs de Geert Hofstede

 

Geert Hofstede a développé sa méthode, ses observations et ses analyses sur plusieurs décennies à partir d’un échantillon important de filiales de l’entreprise IBM réparties dans 50 pays différents. Sa méthode de recueil de données est fondée sur un questionnaire unique dont le contenu est révisé en fonction des résultats obtenus. Ces données sont complétées par des enquêtes plus générales portant sur les attitudes des personnes dans les entreprises. Au total, cent-seize mille questionnaires de plus de cent questions chacun ont été collectés et ont fait l’objet d’une traitement statistique. Quatre grandes dimensions ont ainsi pu être mises en évidence pour caractériser et mesurer les écarts culturels entre les sociétés observées :

 

·      la distance hiérarchique ;

·      le degré d’individualisme ou de collectivisme ;

·      le degré de masculinité ou de féminité ;

·      le besoin de contrôle de l’incertitude.

 

Ces quatre dimensions permettent de caractériser les cultures et de les comparer les unes aux autres. Ainsi, par exemple : dans les pays de culture latine, la distance hiérarchique est plus forte que dans les pays anglo-saxons ; le degré d’individualisme est faible dans les pays asiatiques ; le degré de masculinité est fort en Grande Bretagne ; le besoin de contrôle de l’incertitude est élevé en Allemagne. L’approche de Hofstede repose sur l’hypothèse que  les cultures agissent sur les individus, comme des systèmes de « programmation mentale » qui s’exercent de façon continue dans les divers environnements sociaux rencontrés au cours d'une vie : famille, quartier, école, groupe de jeunes, lieu de travail et milieu de vie. La politique et les relations entre les citoyens et les autorités sont le prolongement des relations vécues dans la famille, les études et le travail ; elles influent, à leur tour, sur les autres sphères de la vie personnelle.

 

L’intérêt de l’approche de Hofstede est qu’elle permet d’englober l’ensemble des contextes culturels dans un système unique d’analyse comparative, en partie quantifiable. Cette qualité explique sans doute le très grand succès qu’elle a rencontré dans de nombreux pays. La démarche a cependant fait l’objet de plusieurs critiques. Michael Bond a montré que les enquêteurs, eux-mêmes « culturellement programmés » par des systèmes de valeur occidentaux avaient privilégié des dimensions de valeurs qui ne suffisent pas à caractériser des contextes culturels éloignés, comme par exemple celui de la Chine. D’Iribarne a élargi cette critique en soulignant le caractère réductionniste de la démarche d’Hofstede : la décomposition en paramètres empêche de repérer les logiques profondes qui fondent les identités culturelles et qui en garantissent la cohérence et la stabilité sur de longues périodes de temps.

 

L’approche historique par les identités culturelles de Philippe d’Iribarne

 

Depuis le début des années 90, Philippe d’Iribarne conduit, à la tête d’une équipe au sein de laquelle plusieurs cultures sont représentées, une série d’études sur la sociologie des organisations et plus particulièrement sur le rôle des identités culturelles dans le management des entreprises. Ces travaux se distinguent d’abord de ceux de Hofstede par la méthode ; tournant le dos aux approches systématiques par questionnaires et échantillons représentatifs, les travaux de d’Iribarne reposent sur des investigations de type ethnographique, des études de cas en nombre limité faisant l’objet d’observations et d’analyses approfondies. De même qu’un ethnologue cherche à « comprendre toute une culture à travers une seule tribu », d’Iribarne cherche à saisir les traits dominants d’une culture à travers une seule organisation, en l’occurrence une entreprise. Une telle approche repose sur l’hypothèse selon laquelle les facteurs culturels jouent un rôle prépondérant dans le fonctionnement des organisations au quotidien. L’observation détaillée des relations sociales au sein d’entreprises de pays différents (Canada, France, Etats-Unis, Maroc, Pays-Bas, Suède notamment) met en évidence certains traits marquants des modes d’organisation qui sont caractéristiques des contextes dans lesquels ces organisations sont plongées. Ainsi en France, la logique de statut détermine les droits et les devoirs de chaque individu en accordant une fonction essentielle à l’honneur attaché au fait d’appartenir à un certain rang. Au contraire, aux Pays-Bas, c’est la logique du consensus qui prévaut : la recherche d’une position commune à laquelle chacun devra se conformer est une étape déterminante de la négociation sociale. Aux États-Unis, le management des entreprises est profondément marqué par une tradition reposant sur un contrat passé entre hommes libres, égaux et honnêtes (fair).

 

D’Iribarne ancre dans l’histoire l’interprétation qu’il donne de ses observations de terrain. Il fait de la culture nationale un élément essentiel du contexte social ce qui lui permet d’expliquer l’échec des projets d’entreprise qui négligent les identités culturelles des pays dans lesquels ils sont mis en œuvre ou celui des projets de fusion d’entreprises qui n’ont pas su en tenir compte ; il a par exemple analysé et expliqué l’échec du rapprochement entre les constructeurs automobiles Renault et Volvo par l’incompréhension culturelle entre les équipes d’ingénieurs français et suédois.

 

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Nous retiendrons de ce rapide survol que les analyses comparatives dans le domaine des sciences sociales sont fortement dépendantes de leurs choix méthodologiques. Dans le cas du projet EMILE, une option de départ a été retenue par l’initiateur du projet puis soumise aux partenaires sollicités : la méthode proposée et qui a été effectivement appliquée est proche de celle de d’Iribarne telle qu’elle vient d’être évoquée. Mais dans la mesure où le domaine du projet EMILE, celui de l’éducation, est différent de celui traité par les sociologues des organisations auxquels nous nous sommes référés, il était nécessaire de tenir compte également des études comparatives et des méthodes utilisées dans le champ particulier de l’éducation.

 

Le comparatisme en éducation

 

On fait remonter la pratique de l’éducation comparée au français Marc-Antoine Jullien et à son Esquisse et vues préliminaires d’un ouvrage sur l’éducation comparée (1817). En réalité, on peut considérer que la comparaison des méthodes éducatives est né, il y a beaucoup plus longtemps, des observations spontanées des voyageurs qui, curieux des différences dans les comportements des individus et les organisations sociales, en sont venus très naturellement à s’intéresser aux institutions sur lesquelles reposent l’éducation des enfants et qui jouent un si grand rôle dans la constitution et le maintien des cultures : la famille et, lorsqu’elle existe, l’école. Les analyses comparatives en éducation sont extrêmement nombreuses et variées. Nous ne chercherons pas ici à en donner un aperçu général. Nous nous contenterons d’évoquer des études récentes et de mettre l’accent sur les aspects méthodologiques où nous retrouvons les mêmes clivages que ceux rencontrés en sociologie des organisations.

 

Deux écoles de pensée et deux démarches méthodologiques peuvent être distinguées au sein de la recherche universitaire et des organisations internationales qui réalisent des travaux en éducation comparée. Les premières adoptent, à l’instar de d’Iribarne, une démarche qualitative et procèdent par études de cas en cherchant à saisir la spécificité de chaque situation éducative ; les autres visent à systématiser une démarche fondée sur le recueil de données quantifiables permettant de comparer et de classer les systèmes éducatifs mais aussi de mesurer leurs évolutions.

 

Comparaisons qualitatives par études de cas

 

Les comparaisons qualitatives récentes par études de cas s’inscrivent dans la tradition des sciences de l’éducation. Elles sont nombreuses mais rarement systématiques. Souvent, ces études traitent d’un nombre limité de cas, dans peu de pays, deux le plus souvent. Des experts d’un pays visitent un établissement scolaire d’un autre pays, avec l’objectif de repérer des différences qui permettront d’identifier les spécificités propres aux deux environnements et de réfléchir à des emprunts possibles. Il existe ainsi une importante littérature d’études bilatérales entre la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et les États-Unis. La pédagogie ouverte telle qu’elle est pratiquée en Grande Bretagne ou aux États-Unis, le système de formation professionnelle allemand par alternance, les écoles maternelles françaises ont ainsi été systématiquement étudiées par des experts des pays voisins qui ont tenté de s’en inspirer pour résoudre des problèmes sur lesquels eux-mêmes butaient.

 

Il existe également des études de plus grande ampleur visant à donner une lecture transversale de différents systèmes éducatifs nationaux. Souvent, elles sont consacrées aux dimensions organisationnelles, sociologiques, politiques, économiques et institutionnelles de l’éducation, mais abordent plus rarement de front la question pédagogique, plus difficile à formaliser. De ce point de vue, le travail réalisé par Robin Alexander dans cinq pays (Angleterre, France, Inde, Russie et Etats-Unis) fait figure d’exception : dans chacun de ces pays, des observations de type ethnographique ont été réalisées dans un nombre limité d’établissements d’enseignement primaire et toutes les questions pédagogiques ont été soumises à une analyse comparative approfondie.

 

Comparaisons internationales systématiques (UNESCO, OCDE, CE)

 

Ce sont les grands organismes internationaux tels que l’UNESCO et surtout l’OCDE qui ont éprouvé, à partir des années 50, le besoin de réaliser de grandes enquêtes permettant de comparer l’organisation et de mesurer les performances de différents systèmes éducatifs nationaux. Ces études ont été généralement conduites dans le cadre de grandes enquêtes pluri-annuelles. Chargée d’une mission par l’UNESCO, Lê Than Khôi a développé l’étude systématique et comparative de différents systèmes éducatifs sur les cinq continents. A l’intérieur d’un cadre de pensée d’inspiration marxiste, il a proposé un modèle général permettant de saisir les rapports entre l’éducation et les divers facteurs qui l’influencent et sont influencés par elle : peuples et langues, milieux naturels, modes de production, idées et valeurs, structures et mouvements sociopolitiques, rôle des personnalités, relations internationales. La Commission européenne n’a pas, jusqu’à présent, conduit de grande étude comparative sur le territoire de l’Union ; mais il faut signaler que l’éducation est entré tardivement dans son champ de compétences (traité de Maastricht, 1992) et que les États membres sont très vigilants quant à leur souveraineté en matière d’éducation. La Commission collecte des données sur les différents systèmes européens par l’intermédiaire d’une structure ad hoc, Eurydice, et réalise des analyses comparatives à partir de ces données. Ces analyses, très générales, conduites à partir d’informations transmises par les États membres, sans vérification de la conformité de ces données et sans analyse de terrain complémentaire, se contentent d’être des mises à plat des politiques publiques et des données macroscopiques décrivant les systèmes éducatifs de l’Union européenne.

 

Au cours des dernières années, c’est au sein de l'OCDE qu’ont été réalisées les études comparatives les plus importantes. L’OCDE a mis au point, en coopération avec l’UNESCO pour les pays hors de l’OCDE, un ensemble d’indicateurs lui permettant de caractériser chaque système éducatif national, de les comparer les uns aux autres et de mesurer les évolutions dans le temps de chaque système. A côté de l’OCDE, plusieurs centres internationaux de recherches, comme l'Association internationale de recherche sur les rendements scolaires (IEA), procèdent régulièrement à des enquêtes sur les connaissances des élèves. Dans le domaine spécifique des usages des technologies d’information et de communication, l’OCDE a réalisé, entre 2000 et 2002, un important programme d’analyse de l’impact des technologies d’information et de communication sur la scolarité dans 23 pays. La méthode utilisée pour cette enquête est fondée sur des études de cas réalisées dans chaque pays, par des correspondants nationaux, basées sur des procédures d’observation, de collectes d’information et de restitution des données fortement normalisées.

 

Critiques et convergences

 

Les chercheurs qui pratiquent l’analyse comparative par la méthode des études de cas sont généralement très critiques à l’égard des autres formes de comparaisons, systématiques et quantitatives, telles qu’elles sont notamment pratiquées par l’OCDE. Ils leur reprochent de céder à une sorte de « pensée mondiale » basée sur la recherche et l’identification de « bonnes pratiques » qui pourraient être appliquées partout, au prix d’une simple adaptation de surface aux contextes locaux. Dans les études de l’OCDE, l’efficacité de l’éducation est souvent appréciée par des indicateurs de performances d’inspiration économiques : les systèmes éducatifs jugés les meilleurs sont ceux qui génèrent une plus grande richesse économique mesurable ou assurent, pour la dépense la plus faible, la plus grande proportion de débouchés sur le marché de l’emploi. Il est également reproché à ces études d’être exagérément influencées par la culture anglo-saxonne, c’est-à-dire d’être « anglo-centrées ». D’une façon générale, l’éducation comparée, en tant que discipline académique ou au niveau d’organismes tels que l’OCDE, est dominée par le poids des institutions nord-américaines et anglaises, universitaires notamment. Cette domination est également très forte dans le domaine des TIC. Ainsi, dans un rapport de l’OCDE, cité en référence, concernant l’impact des TIC sur la scolarité dans 23 pays, toutes les références données par l’auteur, lui-même nord-américain, sont des textes en langue anglaise, à deux exceptions près qui ne sont d’ailleurs pas des ouvrages directement liés au sujet (un ouvrage de Lucien Febvre sur l’apparition du livre et un autre de Karl Popper sur la logique scientifique). Symétriquement, les comparatistes adeptes de méthodes quantitatives systématiques reprochent aux tenants des études de cas et des microanalyses, le caractère flou et simpliste de leurs méthodes dont ils considèrent qu’elles conduisent à des résultats inexploitables sur le plan pratique.

 

Pour tenter de dépasser ces oppositions et se libérer de l’opposition simplificatrice et certainement stérilisante entre quantitatif et qualitatif, macro et micro, systématique et pragmatique, certains chercheurs ayant renoncé à tout espoir d’unité théorique et de pureté méthodologique, acceptent d’adapter les méthodes d’enquête employées aux questions posées par la recherche et même, de mélanger les méthodes au cours d’une même recherche, en fonction des questions abordées. C’est de cette approche modeste que nous nous réclamerons ici. C’est également ce qu’a tenté de faire Francine Vaniscotte à propos des systèmes éducatifs européens, question qui nous intéresse tout particulièrement ici.

 

Les systèmes éducatifs européens : une typologie

 

Les  pays de l’Union européenne appartiennent à un ensemble culturel qui, tout en étant fortement contrasté, présente, en comparaison de ceux représentés au sein de l’UNESCO et de l’OCDE, une relative unité. L’appartenance à un système économique, social et politique commun a concouru à renforcer cette unité au cours des dernières années. L’analyse comparative y pose donc moins de difficultés que dans les contextes évoqués jusqu’ici.

 

Les différentes identités éducatives des pays de l’Union européenne se déploient sur un fonds organisationnel commun dont on peut rappeler ici certaines des caractéristiques les plus importantes :

 

·      l’éducation est une fonction sociale fortement institutionnalisée ;

·      l’institution scolaire qui a la responsabilité de l’éducation des jeunes dispose de moyens importants ; elle représente le premier poste de dépense publique ;

·      l’école est un service public ; elle est gratuite et obligatoire ; les parents doivent envoyer leurs enfants à l’école jusqu’à un âge fixé par la loi et variable d’un pays à l’autre (14 à 16 ans) ;

·      la scolarité obligatoire est partagée en deux cycles, primaire et secondaire ;

·      l’enseignement est assuré par des personnels qualifiés, recrutés au niveau universitaire ;

·      les contenus de l’enseignement obligatoire (curriculum) sont fixés au niveau national, avec, dans certains pays (Allemagne, Espagne, Grande-Bretagne), des possibilités importantes d’aménagement régionaux ;

·      les élèves sont regroupés dans des classes où leur nombre est situé entre 20 et 35 ; au niveau primaire, la plus grande partie de l’enseignement est assurée par un professeur unique ; au niveau secondaire, ils sont plusieurs et spécialisés (langue nationale, sciences, langues vivantes, etc.) ;

·      l’enseignement est majoritairement frontal  et simultané : les élèves d’une même classe suivent les mêmes cours, au même moment, en présence d’un professeur.

 

La liste des traits communs pourrait être allongée : l’intérêt pour les TIC en fait partie, nous y reviendrons plus loin. En revanche, l’identification des traits particuliers sur lesquels se fondent l’originalité et la spécificité des systèmes éducatifs de chaque pays européen est beaucoup plus difficile à établir, tant les variations à partir du modèle commun sont grandes. Francine Vaniscotte a proposé de regrouper les pays en quatre grands ensembles géographiques et culturels relativement homogènes et dont les systèmes éducatifs présentent des similitudes fortes. Dans cette typologie, chaque ensemble est repéré par sa situation géographique ou sa tradition culturelle (scandinave, anglo-saxon, germanique, latin) et le trait dominant de son système éducatif (école unique, école polyvalente, école des filières, école du tronc commun). Dans les descriptions suivantes, les pays représentés dans EMILE sont soulignés.

 

·      Le type scandinave : l’école unique (Danemark, Suède, Finlande, Norvège)

 

Ce modèle éducatif répond à une volonté collective très forte de donner à tous les enfants le même enseignement jusqu’à 16 ans. Au Danemark où le modèle de l’école unique est le plus pur, l’enfant suit tout son parcours scolaire au sein du même groupe d’élèves, accompagné en partie par les mêmes enseignants. L’objectif de l’école unique est de permettre l’épanouissement de tous. C’est une école très respectueuse du droit des enfants et de leur bien-être : le redoublement n’est pas prévu et aucune évaluation chiffrée n’est donnée avant la huitième année de scolarité (15 ans).

 

·      Le type anglo-saxon : l’école polyvalente (Angleterre, Écosse, Pays-de-Galles ; Irlande)

 

Contrairement à l’école unique de type scandinave, l’école polyvalente (comprehensive school) sépare le niveau primaire (6 à 11 ans) et le niveau secondaire inférieur (12 à 15 ans). Dans ce modèle, les régions et les établissements scolaires bénéficient d’une large autonomie (en Angleterre et au Pays de Galles, il n’y avait pas de programmes nationaux avant 1988). Bien que les enfants soient soumis à des évaluations régulières, l’objectif prioritaire de l’école polyvalente reste l’épanouissement de l’enfants : l’enseignement y est très individualisé, le tutorat, l’aide aux élèves ayant des difficultés, des pratiques répandues. Certaines similitudes entre l’école scandinave et l’école anglo-saxonne peuvent s’expliquer par le fait qu’il s’agit de pays de tradition protestante. Ces similitudes sont d’ailleurs moins fortes avec le système éducatif irlandais, presque en totalité géré par l’église catholique.

 

·      Le type germanique : l’école des filières (Allemagne, Autriche, Luxembourg, Pays-Bas, Belgique, Hongrie)

 

A l’inverse des deux précédents, l’objectif prioritaire de l’école de type germanique n’est pas celui de l’épanouissement de l’enfant mais celui de l’insertion sociale et professionnelle : que chacun trouve sa place dans la société, tel est le but principal. Le système scolaire est caractérisé par une orientation précoce mais qui n’est jamais vécu, comme c’est le cas dans l’école de type latin, comme une sanction. La première orientation se fait a l’issue de la quatrième année, vers 11 ans. Ici, l’épanouissement de l’enfant résulte de sa bonne orientation scolaire et de son insertion future. L’orientation est un processus normal, vécu positivement par les élèves et leurs familles ; elle n’est jamais irréversible : il existe toutes sortes de solutions permettant de passer d’une filière à une autre, de poursuivre et de reprendre des études après une mauvaise orientation. Au sein des entreprises même, les possibilités de progression dans la hiérarchie restent toujours très ouvertes.

 

·      Le type latin et méditerranéen : l’école du tronc commun (France, Italie, Espagne, Grèce, Portugal)

 

Il s’agit de pays de tradition catholique (à l’exception de la Grèce qui est orthodoxe) où l’objectif principal de l’école est l’acquisition de connaissances. C’est dans ces pays que la tension entre la tradition et la modernité, mais aussi entre les exigences de l’idéal d’égalité et la réalité des différences sociales, sont les plus fortes. Pour des raisons idéologiques, ces pays ont rejeté le systèmes des filières mais l’évaluation et la sélection y ont conservé une place très importante ; elles permettent, notamment en France, de repérer et de former les élites scientifiques. Les notations chiffrées, les examens et les concours sont très pratiqués dès l’école primaire. Sur le plan pédagogique, l’exposé académique par un enseignant considéré comme un expert dans sa discipline, est favorisé.

 

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Ces descriptions sont évidemment très schématiques ; elles se contentent de mettre en évidence les orientations et les objectifs principaux des différents types d’école en les rattachant à des traditions historiques anciennes. Il va sans dire que dans les écoles du nord de l’Europe, on se soucie également de transmettre des connaissances et que dans les pays méditerranéens, les professeurs ne sont pas indifférents à l’épanouissement de leurs élèves. Par ailleurs, certains pays comme la Belgique et l’Irlande, pour des raisons différentes, sont partagées entre des influences culturelles diverses dont ils sont amenés à faire une synthèse spécifique. La Hongrie dont le système éducatif est de tradition germanique semble s’ouvrir très rapidement à l’influence de la culture anglo-américaine. Il faut enfin souligner que les systèmes éducatifs européens, tous confrontés à des changements sociétaux dont le plus important est certainement l’explosion de l’enseignement secondaire de masse, ont beaucoup évolué au cours des dernières décennies et continuent de le faire, par exemple en intégrant les TIC comme instruments d’enseignement et d’apprentissage. Certains de ces changements rapprochent les systèmes nationaux les uns des autres mais leurs spécificités profondes, celles qui touchent à l’organisation du système et aux méthodes pédagogiques, demeurent ; si bien que la perspective d’une convergence ou même d’une harmonisation des différents systèmes éducatifs des pays de l’Union européenne est très peu crédible. L’école de type germanique, scandinave, anglo-saxon ou latin, reste cohérente avec un milieu et des traditions culturelles nationales. C’est la raison pour laquelle les formules appliquées avec succès par l’une ne sont généralement pas applicables par une autre. Cette mise au point est particulièrement utile au moment d’aborder la question des TIC dont on va voir qu’elle est généralement posée sans référence aux identités culturelles et éducatives.

 

Les TIC en éducation : la tentation universaliste

 

Depuis la fin des années 70, date à laquelle la question de l’intégration des instruments informatiques dans l’éducation a été posée d’une façon systématique, les pédagogues, chercheurs et spécialistes qui, en Europe et dans le reste du monde, quelles que soient leurs origines culturelles et nationales, ont réfléchi à l’évolution des modèles et des méthodes d’enseignement et d’apprentissage, se sont souvent rassemblés, d’une façon très consensuelle, du moins au départ, autour de quelques idées fortes et d’une vision commune. Ce fût d’abord la vision comportementaliste (behaviorist) héritée de Skinner à laquelle l’informatique offrait un instrument inespéré de mise en œuvre. Mais à la suite de la remise en cause de la théorie et de la faiblesse de ses résultats pratiques, la thèse comportementaliste a progressivement été remplacée par une autre, qualifiée de constructiviste puisqu’elle fait de l’activité auto-dirigée de l’élève, le cœur du processus d’apprentissage. La thèse pédagogique constructiviste s’inscrit dans un vaste courant de pensée international qui se reconnaît dans des références telles que Jean-Jacques Rousseau, John Dewey, Jean Piaget ou, plus récemment, dans le domaine particulier des technologies éducatives, Seymour Papert, inventeur de Logo. Dans son expression moderne, notamment aux États-Unis chez les partisans de l’informatique scolaire, le constructivisme se présente souvent comme une solution pédagogique générale, supérieure à toutes les autres et notamment à celles incarnées par les pratiques traditionnelles qualifiées de transmissives ou d’autoritaires par opposition aux pratiques actives, créatives et collaboratives promues par l’école constructiviste.

 

L’influence croissante de la nouvelle pédagogie constructiviste sur les communautés éducatives nationales n’a pourtant pas, jusqu’à présent, réussi à déraciner, non seulement les habitudes et les modèles qui imprègnent les pratiques des classes, mais également les spécificités culturelles qui les inspirent. L’analyse comparée du fonctionnement de différents systèmes éducatifs, en particulier celle conduite récemment par Robin Alexander, montre au contraire que les différences traditionnelles s’y maintiennent. Ce constat est indirectement confirmé par les partisans des pédagogies nouvelles eux-mêmes qui, aux États-Unis comme en Europe, ne cessent de dénoncer le conservatisme des responsables des systèmes éducatifs et du corps enseignant, signe que le renversement de paradigme, qu’ils attendent et espèrent depuis plusieurs décennies, n’a toujours pas eu lieu. Seymour Papert lui-même a fini par jeter les armes, considérant que l’école était, par nature, inapte aux transformations qu’il préconise.

 

On retrouve la trace de la tentation universaliste propre au constructivisme dans l’étude que l’OCDE a consacré en 2001 et 2002 à la contribution des TIC à l’innovation scolaire. Quoique fondée sur des études de cas, choisis parmi des établissements pilotes, cette enquête n’en est pas moins marquée par une opposition très simplificatrice entre tradition et innovation. La définition retenue de l’innovation oppose en effet « l’apprentissage par cœur, individuel, superficiel et général, à l’acquisition de compétences de haut niveau par l’étude approfondie, la résolution de problèmes et l’apprentissage collaboratif » (« to reorient schooling from rote learning, shallow but coverage, and individualistic learning process to higher level skills, problem solving, in depth study, and collaborative learning ») (Quo Vademus, OECD). Pour les auteurs de ce rapport, le mouvement d’innovation consiste donc à remplacer des pratiques traditionnelles, confondues dans un ensemble unique, par des pratiques nouvelles qui sont également communes. Bien que ces auteurs admettent que « les réformes puissent prendre des formes différentes dans les différents pays », ces différences sont toujours réduites, dans l’analyse, aux mêmes deux variantes qui sont le reflet d’une vision très schématique opposant les régimes libéraux où l’innovation et les réformes proviennent toujours des individus aux régimes dirigistes où elles sont toujours décidées et imposées par un pouvoir central. Ayant défini l’innovation de cette façon, les auteurs de l’étude aboutissent à une conclusion qu’ils considèrent comme centrale : les TIC ne sont que rarement le moteur principal de l’innovation et beaucoup plus souvent un levier, un moyen pour la faire advenir. Mais cette conclusion est en réalité peu éclairante. Les observations de terrain, celles d’EMILE en particulier, montrent bien que, quelle que soit la façon dont les TIC sont introduites dans les systèmes scolaires, leurs effets sont bien davantage déterminés par les contextes que par les virtualités des TIC elles-mêmes. En préjugeant à l’avance d’une évolution vers des pratiques nouvelles communes et en ne tenant pas suffisamment compte des différences de contexte, l’étude de l’OCDE s’expose à ne produire que des résultats décevants.

 

L’institution éducative reste, avec la famille, une composante fondamentale dans la construction des identités culturelles ; c’est pourquoi, il n’est pas surprenant de constater que les particularités qui distinguent les systèmes éducatifs des différentes entités culturelles européennes perdurent et que l’introduction des TIC n’ait sur elles que des effets d’uniformisation très superficiels. Mais pour que cette réalité puisse être constatée, il est indispensable que les observateurs en aient conscience et construisent leurs hypothèses sur cette base. C’est sur ce point que le travail de l’OCDE et celui conduit dans le cadre du projet EMILE divergent le plus nettement.

 

Méthode d’observation et résultats

 

La première question posée par l’observation d’usages et l’analyse comparative est celle de la méthode. Plutôt que de mener l’enquête auprès d’un groupe important d’établissements et d’enseignants, cherchant éventuellement à être représentatif de la variété des situations rencontrées dans le pays ou la région considérée, démarche qui présente l’avantage de fournir une vue d’ensemble mais oblige à s’en tenir à un niveau d’investigation relativement superficiel, nous avons choisi de mener une observation approfondie dans un nombre limité d’établissements.

 

Vingt-quatre écoles

 

Nous avons fait le choix de limiter à quatre le nombre d’établissements observés dans chaque pays : deux écoles primaires et deux écoles secondaires. Pour chaque niveau, nous avons choisi deux écoles ayant des profils et des localisations contrastées : par exemple, une école située en zone rurale et une en zone urbaine. Dans certains cas, les école sont situées dans des régions différentes d’un même pays, mais dans d’autres cas, elles peuvent être voisines. Concernant l’équipement informatique de ces écoles, un niveau minimal d’exigence a été fixé : l’école devait disposer depuis au moins deux ans d’ordinateurs dont certains connectés sur Internet et en nombre suffisant pour que des usages pédagogiques y soient possibles (les usages administratifs ne faisaient pas partie de notre champ d’observation).

 

Le tableau suivant précise les noms et les localisations des 24 écoles étudiées. Les écoles françaises et hongroises sont désignées par leur nom réel. Dans les autres pays, les observateurs ou les chefs d’établissement ont préféré que les résultats de l’enquête soient présentés de façon anonyme. Cette différence de traitement n’affecte pas le contenu des observations ni des analyses.

 

 

Nom

Localisation

Écosse

Primaire 1

SP1

Ville (périphérie)

Primaire 2

SP2

Région rurale

Secondaire 1

SS1

Ville (centre)

Secondaire 2

SS2

Ville (quartier populaire)

France

Primaire 1

FP1 : Helvétie

Besançon

Primaire 2

FP2 : Fourier

Besançon

Secondaire 1

FS1 : George Sand

Châtellerault

Secondaire 2

FS2 : André Brouillet

Couhé

Grèce

Primaire 1

GP1

Athènes

Primaire 2

GP2

Ile de la mer Egée

Secondaire 1

GS1

Athènes

Secondaire 2

GS2

Petite ville (Nord de la Grèce)

Hongrie

Primaire 1

HP1 : Pannonia

Budapest (centre)

Primaire 2

HP2 : Arpad

Nagyharsany (village)

Secondaire 1

HS1 : Varsomajor

Budapest (centre)

Secondaire 2

HS2 : Arpad

Pecs (ville)

Italie (Sardaigne - Alghero)

Primaire 1

IP1

Centre vieille ville

Primaire 2

IP2

Quartier urbain moderne

Secondaire 1

IS1

Centre vieille ville

Secondaire 2

IS2

Périphérie ville nouvelle

Norvège

Primaire 1

NP1

Zone rurale

Primaire 2

NP

Zone urbaine

Secondaire 1

NS1

Zone rurale

Secondaire 2

NS2

Zone urbaine

 

Enquête de terrain

 

L’enquête de terrain a été conduite dans chaque pays par les partenaires issus de ce pays. Ce choix présente des avantages et des inconvénients. Des observateurs qui maîtrisent la langue des acteurs et ont une connaissance fine du contexte des situations qu’ils observent, se trouvent dans une position d’observation favorable ; ils sont notamment capables de faire la différence entre les formes individualisées de comportements et celles qui reflètent les usages du milieu observé. L’autre choix, celui d’observateurs extérieurs à la culture observée présente des avantages et des inconvénients symétriques. La barrière de la langue est la plus difficile à surmonter. Par ailleurs, la solution d’un observateur étranger au milieu observé suppose des séjours de longue durée sur le terrain (c’est la pratique courante de l’ethnologie des cultures lointaines) ce qui ne nous était pas possible pour des raisons pratiques.

 

Lorsque les observateurs sont différents et les méthodes utilisées peu formalisées, comme c’est le cas dans EMILE, le croisement des observations et l’analyse comparative sont plus délicats que lorsque l’observateur est unique. Robin Alexander par exemple a réalisé lui-même toutes les enquêtes de terrains dans les cinq pays et les cinq cultures couverts par son étude, ce qui lui a permis de croiser avec beaucoup de pertinence les informations recueillies. Mais la solution de l’observateur unique présente l’inconvénient d’être tributaire de la subjectivité d’un point de vue personnel. C’est pourquoi nous avons choisi la solution la plus simple et la plus sûre, celle des observateurs multiples, chacun ayant une bonne familiarité du contexte qu’il devait observer.

 

La méthode d’enquête retenue avait déjà été expérimentée, en France, par l’initiateur du projet. Il s’agit d’une méthode ouverte, essentiellement qualitative et fondée sur deux sources d’informations principales :

 

§      des entretiens semi-directifs (question et réponses ouvertes mais sur des thèmes pré-établis) avec les personnels des établissements et des élèves ;

§      des observations d’usages en classe ou dans des salles équipées (salle informatique, centre de documentation).

 

Les observations se sont déroulées sur deux cycles et deux années scolaires :

 

·      un premier cycle au cours de l’année scolaire 2000-2001, entre novembre 2000 et mai 2001 ;

·      un second cycle au cours de l’année scolaire 2001-2002, entre septembre 2001 et janvier 2002.

 

Au cours de chaque cycle d’observation, toutes les écoles ont été visitées à plusieurs reprises. Chaque partenaire était libre d’organiser son séjour sur place en tenant compte des contraintes locales. En règle générale, chaque école a fait l’objet de deux à trois visites au cours de chaque cycle, à raison de séjours de un à trois jours. Chaque cycle devait commencer par un entretien avec le chef d’établissement. Le choix des enseignants interrogés était également déterminé par les observateurs en fonction des circonstances. Il était demandé aux enquêteurs d’interroger, dans un premier temps, des enseignants utilisateurs aussi bien que des enseignants non utilisateurs puis, dans un deuxième temps, de conduire des entretiens approfondis et des observations de classe, avec des enseignants utilisateurs. Les observations de classe incluaient, lorsque cela était possible, des entretiens avec des élèves présents portant aussi bien sur les usages de classe que sur ceux en dehors de l’école.

 

Les relevés d’information sont rassemblés dans un journal d’observation complété à l’issue de chaque journée. Les entretiens ne sont généralement pas enregistrés. L’expérience montre en effet qu’au-delà d’une certaine quantité d’informations recueillies, la transcription des entretiens enregistrés et leur traitement représente un coût trop important en terme de temps. En prenant des notes manuscrites tout au long de l’entretien ou de l’observation, l’enquêteur s’impose une plus grande vigilance et, à chaque instant, une écoute orientée et motivée par les réponses qui lui sont données. Par ailleurs, des photos des situations observées ont été systématiquement prises et, dans certains cas, des films en vidéo numérique.

 

Rapports nationaux

 

Les informations de terrain collectées et consignées dans le journal d’observation ont été traitées par chaque partenaire afin d’en tirer une synthèse monographique qui figure dans le rapport final du projet et dont la structure est commune aux six rapports :

 

1.   Vue d’ensemble des systèmes éducatifs nationaux.

2.   Vue d’ensemble des politiques nationales et régionales d’équipement en TIC.

3.   Compte-rendu des usages observés dans l’école A.

4.   Compte-rendu des usages observés dans l’école B.

5.   Compte-rendu des usages observés dans l’école C.

6.   Compte-rendu des usages observés dans l’école D.

 

La structure des comptes-rendus des usages observés dans les écoles est la suivante :

 

1.   Description de l’école.

2.   Description de l’équipement informatique réservé aux usages pédagogiques.

3.   Enseignants : exemples d’usages en back-office (préparation des leçons, correction des devoirs, etc.) et en front-office (leçon, encadrement de travaux individuels, etc.).

4.   Organisation (coopération entre enseignants, relations avec l’administration, les parents, etc.).

 

Problématiques transversales

 

A partir des données collectées et à la suite de nombreux échanges, à distance et au cours des réunions de coordination, les partenaires du projet ont collectivement élaboré une liste de huit problématiques transversales destinée à structurer l’analyse comparative.

 

1.   Nature et effets des pressions extérieures s’exerçant sur les systèmes éducatifs pour les inciter à utiliser les TIC.

L’Union européenne, les gouvernements nationaux aussi bien que les responsables politiques locaux, les parents d’élèves, tout l’environnement extérieur de l’école encourage l’usage des TIC. Aucune école n’échappe à cette influence et toutes y cèdent. Mais la pression subie et la réaction des écoles n’est pas la même partout.

 

2.   Les TIC comme enjeu de pouvoir à l’intérieur des écoles.

Les enseignants qui maîtrisent les TIC détiennent, de ce fait, un certain pouvoir sur leurs collègues. Certains s’accaparent les équipements de l’école. Ce phénomène, souvent observé, est pourtant très dépendant des contextes. S’agit-il d’un phénomène transitoire ou durable ?

 

3.   Deux générations d’enseignants face aux TIC.

Tous les pays européens sont confrontés, mais à des degrés divers, à la question du renouvellement des générations d’enseignants. Une fraction importante d’entre eux quittera l’éducation dans les prochaines années. Les attitudes et les pratiques des jeunes enseignants dans le domaine des TIC sont bien sûr différentes de celles de leurs aînés, mais en quoi et quelles sont les conséquences de ces différences ?

 

4.   L’emplacement des PC dans les écoles (salles de classe, salles informatiques, bibliothèques, etc.), problèmes posés et implications pédagogiques.

L’endroit où l’on installe les machines est un facteur qui conditionne fortement les usages pédagogiques. Cette question se pose de façon très différente au niveau primaire et au niveau secondaire car elle dépend de l’organisation interne des établissements. Mais les réponses et les pratiques ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre.

 

5.   La Net génération.

Les jeunes, tous niveaux sociaux confondus, sont beaucoup plus familiers des TIC que leurs parents et leurs professeurs. Leurs usages ne sont également pas les mêmes. Quelle est l’influence de ce « fossé générationnel » sur les usages scolaires des TIC ?

 

6.   Les TIC, comme objet et comme outil d’apprentissage.

Les TIC à l’école peuvent être considérées à la fois comme un nouvel objet d’apprentissage mais surtout comme un instrument ou un outil pour tous les apprentissages. Ces deux dimensions dans le rôle éducatif des TIC ne sont pas toujours séparées et ne sont pas perçues de la même façon d’un contexte culturel à l’autre.

 

7.   L’information et la formation continue des enseignants à l’usage pédagogique des TIC.

Pour intégrer l’usage des TIC, les enseignants en exercice doivent s’informer et se former de façon permanente. Le font-ils ? De quelle façon ? Privilégient-ils l’offre institutionnelle ou bien s’organisent-ils de façon différente en s’appuyant, justement, sur les possibilités offertes par le réseau ?

 

8.   TIC, méthodes et styles pédagogiques.

Cette dernière problématique est la plus délicate et renvoie à la relation entre les pratiques éducatives et les traditions culturelles. Quels sont les effets observables des TIC dans ce domaine ? Quels sont les effets qui soutiennent la thèse d’une certaine convergence des pratiques et ceux qui, au contraire, confirment l’hypothèse du poids des identités culturelles locales ?

 

 

 

Références

 

Alexander, Robin, Culture and Pedagogy, International Comparisons in Primary Education, Blackwell, 2000.

Cazal, Didier, Comparaisons internationales et Gestion des Ressources Humaines, Intérêt d’une approche en terme de réflexivité, Cahiers de la Recherche, Lille, 2000.

D’Iribarne, Philippe, Culture et mondialisation – Gérer par-delà les frontières (Seuil,  1998).

D’Iribarne, Philippe, La logique de l’honneur – Gestion des entreprises et traditions nationales (Points Seuil, 1989).

Eurydice, Technologies de l’information et de la communication dans les systèmes éducatifs d’Europe, Commission européenne, février 2000.

Geertz, Clifford, The Interpretation of Cultures, Basic Books, 1973.

Hofstede, Geert, Culture and Organization, Mc Graw Hill, 1996.

Lê Thanh Khöi, L’éducation comparée, Armand Colin, 1981.

Lê Thanh Khöi, L’éducation : cultures et sociétés, Publications de la Sorbonne, 1991.

Papert, Seymour, The connected family – Bridging the Digital Generation Gap, Longstreet Press,1996.

Sirota, Régine, Autour du comparatisme en éducation, PUF, Paris 2001.

Vaniscotte, Francine, Les écoles de l’Europe, Systèmes éducatifs et dimension européenne, INRP, Paris, 1996.

Venezky, Richard L., Cassandra, Davis, Quo Vademus ? The transformation of Schooling in a Networked World, OECD/CERI, March 2002.