Ce texte remis, au cabinet du ministre de l'Éducation nationale, a été publié dans le bulletin EPI n° 28 de décembre 1982. Dans l'éditorial de ce numéro on peut lire : « Actuellement, le dispositif d'introduction de l'informatique dans l'Éducation nationale se déploie et s'enrichit mais l'effort de recherche et de formation reste très insuffisant et le pragmatisme l'emporte là où il faudrait un grand dessein. La priorité donnée à la dimension technologique et aux équipements risque de nous engager dans une impasse. Il est de la mission de l'Éducation nationale d'exiger une définition claire des objectifs et des contenus culturels. » C'était une première contribution de l'EPI à la définition d'un schéma directeur.


 
PARTICIPATION EPI AU « SCHÉMA DIRECTEUR »

(Commission EPI, 10 juin 1982)

Il importe de privilégier les activités éducatives en évitant de céder aux facilités de la mode et des gadgets.

 
     Nous rappelons que l'EPI a participé aux concertations qui ont abouti au rapport Pair-Le Corre. Nous avons déjà déclaré à plusieurs reprises que nous étions globalement d'accord avec ce rapport (voir en particulier le bulletin EPI  n° 25). Nous renvoyons pour l'essentiel aux différentes déclarations et comptes-rendus des Assemblées Générales publiés dans les différents bulletins.

1 - RECHERCHE

  • Plus on généralise, plus on doit définir soigneusement les objectifs pédagogiques.

  • La recherche est de plus en plus nécessaire. Quels sont les apports de l'ordinateur à la pédagogie ? (Au fait, qu'est ce que la pédagogie ?). Dans quels domaines l'ordinateur est-il irremplaçable ? Que restera-t-il après une première période de curiosité ? etc.

  • Des moyens importants doivent être donnés à l'INRP en particulier en personnel compétent. Cet organisme a un rôle important à jouer (recherche fondamentale, liaison avec l'enseignement supérieur en particulier avec la didactique des disciplines, animation des groupes de recherche disciplinaires et interdisciplinaires...) Une direction de programme spécifique à l'informatique et à la télématique pédagogiques s'impose, avec une équipe renforcée.

  • Des moyens nouveaux sont indispensables pour le fonctionnement des groupes de recherche :

    • la situation actuelle n'est pas satisfaisante, il faut s'engager dans la voie d'une définition du statut de l'enseignant-chercheur.

    • la recherche a besoin d'une certaine pérennité ; ce statut devrait permettre d'intégrer les activités de recherche, pouvant se dérouler sur plusieurs années, dans le service des enseignants.

  • Pas de recherche efficace sans initiative et liberté du chercheur. Les structures hiérarchiques et administratives actuelles constituent des entraves.

  • L'attribution des moyens de recherche doit se faire dans la clarté. (structures paritaires... dans les cas litigieux).

  • Un partage clair des compétences doit être fait entre l'INRP le CNDP, les centres de stage... Dire où se situe la recherche !

  • La recherche dans le cadre associatif est également à encourager ; l'EPI a déjà multiplié les initiatives dans ce domaine.

  • Les résultats des recherches doivent être rapidement publiés et largement diffusés.

  • Effectuer un large recensement de toutes les recherches en cours et le diffuser.

2 - FORMATION

a) initiale : Elle doit faire plus largement appel aux Sciences de l'Éducation, l'informatique et notamment l'EAO en étant une composante. Les modalités pratiques de cette formation doivent faire l'objet d'une large concertation. Des U.V. dont le contenu reste à définir seraient intégrées dans le cursus des futurs enseignants... Mais il reste à former les formateurs...

b) continue : Elle doit être considérée comme un droit pour l'ensemble des enseignants. Ses modalités et son contenu doivent faire l'objet également d'une large concertation. Nous sommes &.accord avec beaucoup de conclusions du rapport de Peretti. La demande de 2 semaines/année de formation continue sur le temps de service nous semble raisonnable.

La mise en place d'un niveau 2 de formation nous semble urgente. Cette formation pourrait être donnée par les Centres Universitaires (à terme, I par Académie) à condition qu'on leur en donne les moyens, Durée 3 mois.

Dans tous les cas, la F.C. doit :

    • s'adresser à des enseignants volontaires ;

    • être interdisciplinaire ;

    • être fondée sur l'utilisation pédagogique de l'ordinateur et non sur un enseignement de l'informatique.

     L'EPI pourrait être favorable à la création d'IRIE (Instituts de Recherche Interdisciplinaire sur l'Enseignement) au niveau académique, dans lesquels l'informatique en tant qu'outil pédagogique, aurait un rôle à jouer.

3 - LOGICIELS

  • Nous distinguons nettement la conception et l'expérimentation de logiciels nouveaux, du ressort de l'INRP (aux moyens accrus et autonomes), de la production et diffusion de logiciels (CNDP-CRDP)

  • Ce n'est que par une large confrontation, avec remontée de l'information, que les logiciels seront validés. Les enseignants sauront parfaitement reconnaître ce qui convient à leur type de pédagogie.

  • Les enseignants doivent garder la maîtrise des logiciels de la conception pédagogique à la réalisation. Ce qui ne veut pas dire qu'ils ne puissent être efficacement aidés par des professionnels de la programmation ou par des collègues spécialisés dans cette activité.

  • En attendant les réseaux télématiques, les logiciels-doivent être mis rapidement et sans entrave à la disposition des enseignants de l'enseignement public, au prix du support, par l'intermédiaire des CRDP.

  • Tous les moyens doivent être donnés au service public pour concrétiser, par des logiciels, les résultats d'une recherche pédagogique de qualité.

  • Nous sommes d'accord avec les propositions du rapport Pair/Le Corre (p. 25-26)

4 - LANGAGES

     Le LSE doit être, pour l'instant, conservé.

     Il est totalement maîtrisé dans son évolution par les enseignants eux-mêmes. Il est apte, par sa normalisation actuelle comme par ses développements en cours (graphique) à répondre aux besoins dans tous les ordres d'enseignement. Il peut être amélioré (Bulletin  n° 26, p. 14). Son vocabulaire et sa syntaxe française constituent un argument décisif dès lors que l'introduction de l'informatique est réalisée dans les collèges, les écoles et la formation permanente. Il est urgent de se préoccuper d'installer le LSE sur les micro-ordinateurs français destinés au grand public. (l'EPI a pris des contacts avec la CAMIF et THOMSON à ce sujet).

     Ainsi la France est en mesure de fournir un modèle complet d'introduction de l'informatique dans l'éducation. Ce modèle peut être un des éléments permettant de retrouver le rôle culturel qu'elle a perdu dans de nombreux pays (des versions du LSE en espagnol et en anglais existent déjà).

  • Réfléchir dès maintenant à l'évolution ou à la relève du LSE. Créer très vite une commission de réflexion sur les langages.

  • Réfléchir aussi (et ne pas seulement réfléchir !) aux problèmes que pose la multiplication des micros de toutes marques. Nous devons trouver des solutions (matériel Éducation nationale à bas prix, proposant le LSE...) C'est urgent.

  • Développer des langages-auteurs. Le pluralisme, dans ce domaine, nous semble souhaitable.

5 - MATÉRIELS

  • Pour ce qui concerne les matériels existants :

    • capacité mémoire trop juste,

    • accès disquette trop lent,

    • ressource commune souhaitable.

  • Il conviendrait de se préoccuper très tôt des problèmes que va poser la maintenance des milliers de micros... (voir l'expérience d'entretien au Lycée Champollion à Grenoble).

  • Dès maintenant, disparité considérable des matériels (dans l'Académie de Versailles, 2 micros sur 3 ne proviennent pas d'une dotation officielle, c'est déjà la tour de Babel).

  • Une action urgente est à faire en direction des « nano-ordinateurs », si on ne veut pas que se multiplie un équipement « sauvage ». Une stratégie pourrait s'appuyer sur le secteur industriel nationalisé. En particulier, un lien pourrait être créé entre la recherche pédagogique (faisant apparaître les besoins dans tous les ordres d'enseignement) et le secteur industriel public.

  • Les nouveaux matériels sont à penser en terme de réseau télématique.

6.- ANIMATION PÉDAGOGIQUE DES CENTRES INFORMATIQUES

  • La dotation en matériel informatique d'un établissement scolaire si elle ne s'accompagne pas de moyens en personnels conduit au gaspillage et à une ignorance de l'informatique par la plupart des enseignants.

     L'EPI demande un minimum d'un 1/2 service effectif. Certains établissements, par leur importance ou leur activité propre, pouvant nécessiter plus. Ces moyens doivent pouvoir être répartis entre plusieurs enseignants dans le souci d'un partage des responsabilités et dune certaine interdisciplinarité.

  • Nous rappelons que le partage du temps de travail et la lutte contre le chômage sont inconciliables avec l'imposition d'heures supplémentaires.

7 - TÉLÉMATIQUE

  • L'EPI considère comme particulièrement importante la dimension télématique.

  • Elle regrette que les expériences menées jusqu'à présent échappent pour l'essentiel à l'Éducation nationale.

  • Elle demande qu'une Commission spécifique soit rapidement mise en place.

  • L'équipement, même expérimental, de type télématique doit se faire après consultation des représentants des enseignants. Nous contestons à la DGT le pouvoir de décision dans ce domaine.

  • Il convient que l'E.N. soit efficacement présente dans le débat national sur la politique à suivre pour le développement de la télématique. (cf. Plan intérimaire 82-83 - Doc. Française p. 165)

  • Mettre en place des banques de données Éducation nationale adaptées aux besoins spécifiques des enseignants.

  • Importance des CDI dans le dispositif.

  • CNEC.

  • ONISEP.

8- ENSEIGNEMENT DE L'INFORMATIQUE

  • Dans l'enseignement technique : le besoin en informaticiens est considérable à tous les niveaux. Il faut améliorer et développer les formations existantes, en créer de nouvelles (mieux adaptée aux besoins en évolution) et réaliser « l'alpha-informatisation » de toute les formations techniques.

  • - L'EPI envisage favorablement l'intégration de la culture technique à la culture générale. Un large débat est nécessaire.

  • Option informatique (2de, lre et Terminale). L'EPI souhaite le prolongement de l'expérience et son extension raisonnable selon des critères bien définis, sinon il n'y aura pas d'évaluation scientifique possible. Il est bien entendu que cette option n'introduira pas un élitisme supplémentaire et n'entrera pas en concurrence avec l'EAO.

9 - CLUBS

  • Le Ministère de l'Éducation nationale doit favoriser la pluralité des initiatives en apportant un soutien aux clubs qui se constituent sous l'égide des organisations laïques (ligue française de l'Enseignement, Office Central de Coopération à l'École, FOEVEN...)

  • Il pourrait être envisagé le prêt par l'Éducation national de micro-ordinateurs pour des actions de PAE.

  • L'animation de ces clubs pourrait compter dans le service des enseignants.

10 - COLLÈGES

  • L'EPI regrette que la D.C. n'ait pas encore pris conscient de l'importance de l'utilisation pédagogique de l'informatique.

  • Une expérience doit se mettre en place de façon cohérente avec : hypothèses d'expérimentation et d'évaluation, participation de psychopédagogues, de chercheurs de l'INRP...

  • Des structures académiques doivent être mises en place pour organiser :

    • la circulation horizontale des idées,

    • la création de logiciels adaptés,

    • la formation d'équipes pluridisciplinaires,

    • la gestion de l'expérience par les utilisateurs (avec du temps pour la concertation pédagogique).

     Pour un établissement donné, le matériel doit être en nombre suffisant (8 micros minimum) : l'éparpillement du matériel est totalement inefficace et conduit à l'utilisation « gadget ».

11 - L.E.P.

- Moyens

. en personnel

     Une expérience demande des moyens supplémentaires : la D.L. doit renforcer son équipe pour accélérer l'implantation de l'informatique dans les LEP.

     Il faudrait augmenter sensiblement le nombre de professeur de LEP en formation et faire en sorte que les disciplines techniques soient réellement représentées.

     Le 1/2 service de coordination nationale est insuffisant. Il faut que des professeurs de LEP des 2 types d'enseignement (général et professionnel), des professeurs d'ENNA, soient présents dans les instances de gestion et de décision.

. en matériels

     Que pourra faire un professeur de math (par exemple) avec une classe de 34 élèves et un matériel disparate (4 machines avec le graphique, 4 machines sans, pas d'imprimante graphique) ? La taxe d'apprentissage est en diminution notable et tous les LEP ne pourront pas compléter sur leurs fonds propres.

. en logiciels

     Qui va écrire les logiciels spécifiques ? La quarantaine de « formés lourds » de cette année suffisent à peine aux tâches de formation. Les professeurs « de terrain », effectuant au moins 21 heures de cours avec des classes chargées et des élève souvent difficiles, ne seront pas disponibles sans décharges effectives.

- Pilotage

     Une expérience demande une réflexion approfondie en amont. Comment envisager une évaluation correcte sans définition préalable des objectifs ?

     La réussite du projet passe par une large information nationale. Il faut :

    • des colloques réguliers (régionaux et nationaux)

    • ouvrir les LEP « expérimentaux » à tous les professeurs de LEP intéressés (et augmenter le nombre de ces LEP),

    • diffuser l'information.

     Cela fait plusieurs années que des LEP se sont équipés d'ordinateurs. Il faut prévoir dès maintenant des structures pour aider et faire participer à l'expérience les établissements équipés sur leurs propres ressources. Il y a dans ces établissements beaucoup d'enseignants motivés avant l'heure officielle. Il faut exploiter ce riche potentiel.

12 - ÉCOLES

     Une demande très forte existe, si l'on en croit les nombreuses lettres arrivant à l'EPI et les adhésions d'instituteurs. Là aussi, sans une politique clairement définie par la Direction des Écoles nous allons assister à une dispersion des efforts et à une déperdition d'énergie.

     Une Commission nationale doit être rapidement mise en place dont une des taches serait de coordonner et de faire connaître les actions éparses déjà entreprises.

     Une aide ponctuelle devrait être apportée aux instituteurs ayant déjà fait des expériences intéressantes

Quelques objectifs réalisables très vite devraient être définis ; ne nécessitant pas forcément un matériel coûteux.

13 - FORMATEURS

     Ils ne doivent pas être pénalisés pécuniairement (trop de frais de mission tardent à arriver) et dans leur carrière.

     Il conviendrait de développer dès que possible la formule mi-temps formateur, mi-temps animateur dans l'établissement d'origine.

     Mettre en place une formation continue des formateurs (dans les Centres de ressources académiques) en liaison avec l'évolution du contenu des stages « lourds ».

14 - CNEC

     L'informatique peut être un outil particulièrement adapté au dispositif pédagogique du CNEC.

  • inscription des étudiants (tests, choix du niveau le mieux adapté...)

  • apprentissage de méthodes et de techniques,

  • transmission de connaissances,

  • évaluation.

     Un effort important et diversifié devrait être rapidement fait.

15 - CONCERTATION

     L'EPI souhaite qu'il s'agisse à tous les niveaux d'une véritable concertation avec diffusion au préalable des documents de travail permettant des réunions efficaces et non des échanges de généralités. Nous avons déjà des exemples de concertation alibi (Versailles, par exemple).

16 - DÉCENTRALISATION

     Il n'est pas possible de passer brutalement d'une excessive centralisation à une totale décentralisation. Il faut actuellement conserver un minimum de coordination nationale, dans les domaines souvent mal connus par les responsables académiques.

     Les responsables aux technologies nouvelles ne sont pas toujours à la hauteur de leur tâche.

CONCLUSION

  • Un réel fonctionnement démocratique s'impose à tous les niveaux de décision. C'est loin d'être encore le cas.

  • des procédures claires doivent être définies,

  • l'information doit être largement diffusée,

  • partout, les compétences doivent être liées aux moyens, . une réflexion approfondie est plus que jamais nécessaire sur les avantages et les limites de l'ordinateur en pédagogie (les finalités de l'opération 10 000 micros sont loin d'être perçues par tous les enseignants).

  • l'informatique est multiple ; il faudrait définir clairement le champ de ses applications au niveau de l'Éducation et de la Formation Permanente.

     L'EPI continuera d'apporter ses compétences à la réflexion et à l'ACTION collectives.

PARIS, le 10 Juin 1982

Paru dans le  Bulletin de l'EPI  n° 28 de décembre 1982.

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Association EPI

 

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