Didapro

Actes en ligne des premières journées francophones 
de didactique des progiciels
(10 et 11 juillet 2003)

Éditeurs
Bernard André
Georges-Louis Baron
Éric Bruillard
© INRP/GEDIAPS

Didapro@inrp.fr

Mis en ligne le 2 octobre 2003
Dernière mise à jour le 15 octobre 2003

Évaluation des compétences en TIC

Étienne Vandeput

Résumé

Les enseignants comme les pourvoyeurs d'emploi cherchent à toute force des instruments de mesure qui peuvent garantir un jaugeage intéressant des compétences de l'individu lorsqu'il est confronté aux technologies de l'information et de la communication.  Plusieurs de ces instruments, appelés tantôt « brevet », « permis de conduire » ou encore « passeport » devraient permettre à un individu d'entrer dans la grande communauté des TICiens. Quelle que soit leur efficience, ces instruments existent et il paraît intéressant d'en comparer quelques aspects, de mettre en évidence leurs qualités et leurs défauts mais aussi de suggérer des pistes, là où il semble que le bât blesse.

L'évaluation des compétences en TIC est une problématique relativement récente, née d'une utilisation toujours plus intense des logiciels de diverses catégories. Sans doute, le boum d'utilisation provoqué par le développement du Web et d'Internet est-il à l'origine d'une utilisation accrue de logiciels spécifiques tels les logiciels de navigation et les logiciels clients de courrier électronique. L'utilisation des logiciels de traitement de texte dont la pratique est plus ancienne s'est tout simplement banalisée. Conjointement à ce phénomène, dans plusieurs pays et sous la pression des gouvernements, des opérations d'équipement en matériel ont eu lieu dans les écoles. L'utilisation massive des logiciels a révélé des pratiques pas toujours efficaces. L'augmentation générale de l'usage des technologies de l'information et de la communication pousse les enseignants à exploiter leur savoir-faire propre et celui des étudiants dans des cénarios pédagogiques qui les incluent. Pour cela, il leur est nécessaire de pouvoir estimer, dans un certain nombre de circonstances, les compétences acquises par leurs étudiants et celles qui restent à acquérir. Un professeur de français, par exemple, qui imagine une séquence de cours supposant l'usage d'un logiciel de traitement de texte et la collecte d'informations sur Internet doit pouvoir s'assurer que les pratiques à mettre en oeuvre ne constituent pas des obstacles imprévus au déroulement de cette séquence. Le problème se pose ailleurs qu'à l'école, dans les entreprises, ou pour le citoyen dans la vie de tous les jours. C'est sans doute ce qui a poussé divers organismes et associations à proposer des épreuves dont le but devrait être, soit de certifier que des compétences sont acquises, soit de faire prendre conscience aux intéressés de celles qu'ils devraient acquérir. Le propos de cet article est de les analyser rapidement sous différents aspects et de vérifier dans quelle mesure les évaluations qu'elles proposent sont pertinentes et efficaces. Comme toujours, lorsque divers outils donnent l'impression de ne pas convenir totalement à la tâche envisagée, il convient d'en proposer d'autres sur mesure. Nous parlerons d'une telle démarche que nous avons effectuée dans le contexte particulier d'un cours pour l'obtention du Diplôme d'Etudes Spécialisées en Technologie de l'Education et de la Formation organisé conjointement par les universités de Liège et de Namur.

Genèse de quelques projets

Afin de comprendre comment et pourquoi divers projets d'évaluation des compétences en TIC ont été mis en œuvre, nous nous proposons d'abord de les examiner sur le plan des publics auxquels ils sont censés s'adresser (évaluer qui?), sur le plan des objectifs qu'ils sont censés poursuivre (évaluer pourquoi?), et sur le plan des manières dont ils sont mis en œuvre (évaluer comment?). Dans une seconde partie, nous nous intéresserons aux contenus véritables (évaluer quoi?). Cette essentiellement sur cette partie que nous avons envie d'amener le débat.

Évaluer qui?

Autant commencer par une question plus simple.   Les premiers à s'être inquiétés de la chose semblent bien être les entreprises dont l'efficacité du travail est directement liée à celle de leur personnel. Dans beaucoup d'annonces de demandes d'emploi, on trouve en effet souvent des bribes de phrases telles "… sachant maîtriser le traitement de texte…" ou "…connaissant Windows® …" avec, on le devine, toute la subjectivité que peuvent contenir des réponses positives à ces questions. Il importe donc de vérifier très concrètement ce qu'une telle réponse signifie réellement. L'émergence de l'European Computer Driving Licence (ECDL) [1] est une des conséquences de cette préoccupation que ses promoteurs résument en plusieurs points de la façon suivante:

"On ne sait pas bien déterminer les compétences des utilisateurs et les moyens de les améliorer.

Leur efficacité avec leur poste de travail est difficile à établir, mais on sait qu'elle peut être grandement améliorée.

On ne sait pas bien quels objectifs réels de connaissances et bonnes pratiques doivent être atteints.

Les systèmes de formation, très divers, nécessitent une validation des acquis indépendante et incontestable.

Cette validation doit correspondre aux besoins effectifs et à l'utilisation quotidienne du poste de travail."

Dans la foulée, et comme nous l'avons déjà signalé, les écoles ont pris le relais (même si aujourd'hui, un organisme comme l'ECDL laisse supposer que ses services s'adressent également à d'autres publics dont celui des écoles [2]). Une des premières initiatives est celle du Ministère de l'Education Nationale en   France mettant en place le B2i (Brevet informatique et internet) dans le courant de l'année 2000, sur base d'une réflexion antérieure. Le public visé est évidemment celui des élèves de 12 à 15 ans environ.

En Belgique Francophone, sous l'impulsion du Ministre de l'Education de la Communauté Française, se met en place à titre expérimental en mars 2003 un passeport TIC qui ne peut nier une certaine filiation au B2i mais réorganise un peu différemment les épreuves et les compétences attendues. Le public visé est celui de la fin du premier degré de l'enseignement secondaire (13-14 ans).

En France, la réflexion se poursuit avec une multiplication des niveaux et la mise en place d'un C2i destiné aux étudiants de l'enseignement supérieur.

Beaucoup plus modestement, au début de l'année 2002, nous dispensions un cours sur la réalisation de sites Web dans un DES (Diplôme d'Etudes Spécialisées) en Technologie de l'Education et de la Formation. Nos nombreux contacts avec les étudiants qui sont censés maîtriser les TIC pour les besoins de leurs cours (une partie non négligeable de ceux-ci se déroule à distance) nous ont révélé un manque d'efficacité de beaucoup d'entre eux à les utiliser. En septembre 2003, pour une nouvelle génération d'étudiants, nous décidons de réaliser un questionnaire traitant des compétences en TICE que nous intitulons diplomatiquement: "Quel genre d'utilisateur(trice) êtes-vous?" Ce questionnaire a pour but de faire prendre conscience à ces étudiants qui sont des adultes, de leurs limites en matière d'efficacité de travail avec les TIC, voire de leur suggérer une formation rapide qui aurait pour objectif de faire reculer ces limites.

On le voit, les publics visés par les différentes expériences dont il est question ici sont assez variés, ce qui n'est pas sans incidence sur le type d'évaluation proposé dans chacun des cas.

Évaluer pourquoi?

Il est clair que nous avons à faire à des expériences dont les objectifs respectifs sont assez, voire très différents.

ECDL (PCIE)

Le projet de l'ECDL a des intentions claires de certification. Ce certificat devrait constituer la preuve que les objectifs sont atteints. Quant aux objectifs généraux, ils ne sont pas très clairement annoncés:

"Le Passeport de Compétences Informatique Européen (PCIE) … s'adresse à toute personne qui souhaite ou doit valider ses aptitudes à créer, organiser, et communiquer des documents et des informations. Avec un PCIE :

dans l'enseignement ou la formation, le futur utilisateur des technologies de l'information apporte la preuve de ses compétences de base.

dans l'entreprise, le collaborateur possède un niveau de maîtrise suffisant de son poste de travail pour être autonome et productif."

Une certaine équité et une certaine cohérence sont également visées au niveau des épreuves. On notera quelques déclarations d'intention très louables mais hélas peu mesurables comme celle qui suit:

"Le PCIE évalue les connaissances de base nécessaires à toute personne travaillant sur PC. Il teste les bonnes pratiques et les bons réflexes. L'efficacité et la satisfaction personnelle augmentent, et avec elles celles de l'entreprise."

Les objectifs opérationnels sont déclinés en termes de "connaissances requises" dont nous évaluerons la pertinence plus en avant dans cet article.

B2i – Passeport TIC

Le B2i comme le Passeport TIC ont des objectifs différents. Ils ne peuvent prétendre à une uniformisation des pratiques vu les contraintes liées à la manière dont l'évaluation peut être réalisée [3]. Pour le B2i:

"L'objectif de ce brevet est de spécifier un ensemble de compétences significatives dans le domaine des technologies de l'information et de la communication et d'attester leur maîtrise par les élèves concernés."

Pour le Passeport TIC qui ne peut nier s'en inspirer:

"L'objectif de ce passeport TIC est de spécifier, dans le courant du 1er degré de l'enseignement secondaire, un ensemble de compétences significatives dans le domaine des technologies de l'information et de la communication et d'en attester leur maîtrise."

Il s'agit moins, pour l'expérience du B2i, de décerner des certificats même si on parle d'attester, que de faire prendre conscience à l'étudiant de son niveau de maîtrise des TIC. La volonté est claire de ne pas créer des cours supplémentaires pour lesquels les moyens n'existent pas, mais de profiter des activités qui se font en classe et qui font appel aux technologies pour attester que certaines compétences sont acquises.

"Dans le but de soutenir et de valoriser les efforts éducatifs appliqués aux technologies de l'information dès l'école élémentaire, il est instauré un brevet informatique et internet (B2i). Le présent texte a pour objet de définir ce brevet et de spécifier les compétences que l'école et le collège permettront aux élèves d'acquérir dans le cadre des activités ordinaires des disciplines enseignées."

Dans le cadre du Passeport TIC, les intentions sont moins nettes du côté de l'exploitation des cours existants. Il semble que l'accent soit mis sur divers moyens extérieurs à l'enseignement des disciplines traditionnelles [4].

"Ces moyens sont de plusieurs ordres:

De plus, ce passeport devrait renseigner les professeurs qui voudraient les exploiter avec leurs élèves, d'une certaine maîtrise [5] des technologies de l'information.

Dans un cas comme dans l'autre, le contexte pédagogique actuel est tel qu'un intérêt marqué pour le développement de compétences est plus qu'un passage obligé.

DES - TEF

Dans l'expérience personnelle vécue au niveau du DES en TEF, l'objectif est moins de s'assurer que les étudiants inscrits possèdent un niveau suffisant de maîtrise des technologies [6] que de leur faire prendre conscience de l'état actuel de cette maîtrise afin qu'ils puissent prendre les décisions qui s'imposent concernant une mise à niveau qui leur est proposée. Au cours de l'année académique 2002-2003, cette mise à niveau a concerné un outil de présentation et un logiciel de navigation. L'année académique prochaine, elle devrait intégrer un outil de courrier électronique. L'expérience montre en effet que si on interroge ces étudiants en se contentant de formulations vagues telles: "maîtrisez-vous le traitement de texte?" ou "savez-vous utiliser le courrier électronique?", les réponses sont affirmatives dès que les intéressés ont une pratique relativement élémentaire des outils concernés. De telles questions ne laissent en effet pas beaucoup de place à la nuance or la mesure d'une utilisation efficace ("les bonnes pratiques et les bons réflexes" selon les maîtres d'œuvre du PCIE)nécessite une série d'observations beaucoup plus fines.

Évaluer comment?

C'est une question délicate car elle inclut les aspects organisationnels qui sont d'autant plus contraignants que les moyens sont faibles. Qui va évaluer, quand, où, à quel(s) moment(s)? Autant de questions à laquelle chacune des expériences présentées a dû répondre. Comme nous le verrons, les modalités diffèrent également très fort.

ECDL - PCIE

Les objectifs annoncés, en ce compris le mode de certification du PCIE, oblige ses organisateurs à structurer de manière très importante leurs épreuves:

"…le candidat reçoit une Carte d'Aptitudes européenne unique, qui va enregistrer la réussite aux différents tests passés tout au long de son cursus ou de ses activités professionnelles. La Carte d'Aptitudes PCIE est valable 3 ans, un temps suffisamment long pour espérer obtenir son PCIE complet !"

"Dès l'obtention de 4 modules, un premier certificat, le PCIE Start, sera délivré et constituera la première étape de la certification."

"Le certificat PCIE complet, lui, atteste que son détenteur a réussi l'ensemble des sept modules."

L'ensemble du processus est extrêmement détaillé. Un syllabus décrit notamment l'ensemble des matières qui sont testées. La découpe est visiblement orientée "activités pratiques" et fait la part belle aux résultats concrets sans faire mention des véritables apprentissages réalisés.

On ne s'étonnera pas, au vu de ce qui précède, de trouver une importante liaison entre les activités proposées et certains produits, pour ne pas dire une inféodation à la plus puissante des sociétés commerciales de développement de logiciels. On mesure mal le côté commercial de l'opération et les éventuelles implications des uns chez les autres.

B2i – Passeport TIC

Le B2i et le passeport TIC n'entrent pas du tout dans la même logique. L'organisation de l'évaluation est liée à des contraintes relativement importantes, à la fois de moyens financiers, de lieu ou même de moment à trouver pour organiser les épreuves. L'école, confrontée au problème de l'inégalité des étudiants face aux technologies, n'a guère d'autre choix que de proposer également des épreuves permettant d'assurer que des niveaux d'utilisation (des compétences diront certains) sont atteints. Le problème de l'efficacité n'est pourtant guère envisagé comme nous pourrons le constater lors de l'examen des contenus.

A travers l'organisation du B2i, on comprend que les difficultés de l'école à mettre en place un système d'évaluation des compétences en TICE soient nombreuses.   Citons comme problème  l'équipement qui, s'il s'est amélioré dans la plupart des écoles, en empêche encore certaines de participer au projet. Citons aussi l'absence de moyens en temps et en ressources humaines (pas de dotation horaire complémentaire) pour assurer une validation extrêmement structurée. D'où le choix de proposer à l'étudiant de faire lui-même la démarche [7] vers l'enseignant et même LES enseignants qui vont valider ou invalider des compétences [8] que l'élève pense avoir acquises. Le principe même de l'examen est rejeté, comme celui d'enseignement d'ailleurs. L'étudiant dispose de feuille de compétences à faire régulièrement valider et appelée "feuille de position". La volonté est présente de tenir compte de toutes les contraintes et donc de ne pas rentrer dans un système qui soit trop contraignant.

Nous ne parlerons guère de ce qui est prévu au niveau du Passeport TIC puisque le projet est relativement récent. Tout au plus, y prévoit-on d'une "évaluation externe par l'inspection". On insiste toutefois sur le fait que "Le passeport TIC… ne conditionnera en rien la réussite ou l'échec d'une année scolaire."

Évaluer (à propos de) quoi?

Cette question est sans doute la plus compliquée de toutes et celle qui nous intéresse davantage.   Outre le problème du niveau de profondeur de l'épreuve ou de la validation proposées, il convient de savoir ce que l'on veut effectivement mesurer. A nouveau, les objectifs sont déterminants.

La répartition en modules

Chacun des tests d'évaluation proposés conditionne la matière sur laquelle porte cette évaluation en plusieurs modules. Cette répartition en modules mérite quelques comparaisons. En général, les premiers modules s'intéressent à des généralités et les suivants se focalisent sur des catégories de logiciels.

ECDL – PCIE

Sept modules sont proposés:

Comme on peut s'en rendre compte, les modules 3 à 6 s'intéressent directement à des logiciels d'une catégorie clairement définie. Le module 7 également, si on admet que l'objectif est de maîtriser un logiciel de navigation et un logiciel de messagerie électronique.

Si on s'intéresse d'un peu plus près à la description de ces modules, on se rend compte que ce qui est demandé est essentiellement axé sur des manipulations élémentaires et liées à des fonctionnalités des logiciels concernés.

En voici deux exemples, mais il en de même pour chacun des modules.

"Traitement de texte. Dans ce module, le candidat doit démontrer qu’il est capable d’utiliser une application de traitement de texte sur ordinateur. Il doit montrer qu’il comprend et qu’il est capable d’accomplir certaines tâches élémentaires liées à la création, la mise en forme et la préparation d’un document de traitement de texte à la distribution. Le candidat doit prouver qu’il est capable d’utiliser certaines fonctions plus complexes d’une application de traitement de texte telles que la création de tableaux standard, l’insertion d’images et de photos dans un document, l’importation d’objets et l’utilisation des fonctions de publipostage."

Il est clair que l'accent est mis sur l'utilisation des fonctionnalités du logiciel. Ce qui sera évalué n'est pas le processus mais bien le résultat. Qu'en est-il d'un texte qui répondrait aux critères de mise en page exigés et dont la moindre petite modification (insertion, suppression) aurait des effets désastreux sur cette mise en page?

"Information et communication. Ce module est également divisé en deux sections. Dans la première section, Information, le candidat doit démontrer qu’il est capable d’accomplir des tâches de recherche élémentaires sur Internet en s’aidant d’un navigateur et des moteurs de recherche disponibles, de sauvegarder ses résultats dans ses favoris et d’imprimer des pages Web ainsi que des rapports de recherche."

Il n'est rien dit ici des stratégies de recherche utilisées, ni de la pertinence et de la représentativité des résultats obtenus. Tout au plus s'assure-t-on que des mots-clés ont été introduits dans une fenêtre de recherche, que des résultats ont été obtenus, que des signets ont été créés (remarquez l'usage du mot "favoris") et que des pages ont été imprimées.

Le concept de permis de conduire est bien perceptible. Il ne s'agit pas de tester si le conducteur est expérimenté. Il est d'ailleurs probable que, même en disposant de ce permis, il commette encore de nombreuses erreurs de conduite dans l'avenir. On peut regretter toutefois que de bons conseils et de bons comportements ne lui soient pas suggérés dans son parcours pour l'obtention de ce permis. En tous cas, la volonté d'une telle stratégie n'apparaît pas clairement, ni dans la description des modules, ni dans la liste des "connaissances requises" de chaque module.

B2i (niveau 1)

Il faut noter d'emblée la différence de public puisqu'on s'adresse ici à des élèves au sortir de l'école primaire.

La répartition des matières se fait de la manière suivante mais faut-il tout à fait parler de répartition de matières dans ce cas? Il apparaît que le développements de différents types de savoirs soient envisagés et assez curieusement ramenés sur le même plan en cinq domaines:

A y regarder d'un peu plus près, on retrouve cette préoccupation de s'intéresser à des généralités à propos du traitement de l'information. On constate aussi l'importance accordée à certaines catégories de logiciels et en particulier, les logiciels de traitement de texte, les logiciels de navigation et les logiciels de messagerie électronique.   Les logiciels tableurs et de gestion de base de données sont absents, sans doute pour leur complexité relative compte tenu du public.

On constatera que les domaines dont il est question sont définis par des verbes qui peuvent être considérés comme autant d'objectifs à atteindre. Ce qui est un peu plus étonnant, c'est la variété de ces objectifs si on se place du point de vue de l'intéressé, c'est-à-dire l'élève. Ce qui est visé est, selon les domaines et parfois même à l'intérieur d'un même domaine, de l'ordre du savoir, du savoir-faire ou des attitudes (le savoir-être diront certains). Nous en reparlerons au cours de l'examen des items.

Passeport TIC

Dans ce cas précis, nous ne pouvons faire état que de déclarations d'intention vu la jeunesse du projet.

La circulaire ministérielle est toutefois relativement précise quant aux contenus proposés dans l'épreuve du passeport. Quatre modules sont décrits:

On constatera de manière amusante qu'il s'agit, à très peu de choses près, des cinq modules du B2i dont on a retiré le deuxième module, celui qui selon notre point de vue, était le plus atypique en ce qu'il visait des compétences ultimes et non des compétences de base.

Si on peut lui reprocher sa terrible filiation au projet français [9], le passeport belge uniformise quelque peu les modules et réintroduit les compétences de plus haut niveau dans les modules restants en faisant une distinction qui nous plaît: celle des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être [10]. Cette distinction s'effectue de la manière suivante:

On peut regretter que seul le second plan donne lieu à une évaluation externe et constitue l'ensemble des notions à maîtriser. Les autres notions sont considérées comme des "notions d'approche ou activités de dépassement" et on peut se demander dans quelle mesure les enseignants et les élèves vont s'y intéresser.

Les items proposés

En quels termes sont libellés les éléments à observer? Quelles mesures plus ou moins fines peut-on en espérer? Quelle adéquation existe-t-il entre les objectifs annoncés et les mesures réalisées? Voilà une série de questions qu'il nous paraît intéressant de traiter pour chacun des projets que nous avons évoqués.

ECDL - PCIE

Dans le cas du PCIE, oserions-nous dire que l'essentiel est de manipuler certains logiciels dans ce qu'ils ont de plus courants afin de créer une espèce de communauté dont on peut se demander si c'est bien la maîtrise des TIC qui unit ses adhérents. Les objectifs sont assez courts et on semble dire, par exemple, que des compétences minimales suffisent à doper le fonctionnement d'une entreprise.

"Avec 4 modules, le PCIE Start prouve une bonne maîtrise de son ordinateur, et cela peut suffire dans beaucoup de cas !"

L'accent est mis sur la facilité et rappelle un peu les publicités vantant les vertus des environnements graphiques permettant à l'utilisateur lambda de "maîtriser un ordinateur en quelques minutes".

"Pour un centre de formation, le PCIE Start constitue un objectif facile à promouvoir auprès des stagiaires y compris si ceux-ci ne viennent que pour une formation ciblée… Pour l'entreprise, le PCIE Start est un objectif raisonnable, voire le meilleur objectif, dans un plan Compétences ou Formation. Il va motiver les collaborateurs d'une façon extraordinaire (des milliers d'expériences en Europe en font foi) et leur donner un objectif concret de compétences en bureautique à atteindre."

Les épreuves auxquelles il faut s'attendre sont donc à l'avenant. Les contenus sont exprimés en termes de "connaissances requises". Il n'y a pas de distinction entre les connaissances pures liées aux technologies et les fonctionnalités des logiciels. On trouve peu de choses qui permettraient aux utilisateurs de faire preuve de leur autonomie par rapport aux TIC. Au contraire, on vérifie s'ils sont tous dans la norme, une norme que certains semblent avoir établie pour eux.

Prenons quelques exemples.

1.2.1.1 … pouvoir expliquer le rôle de la mémoire de travail et préciser que la vitesse (cadence) de l'UC se mesure en mégahertz (MHz).

Si le premier point semble extrêmement important (pour ce qui est de la prise de conscience de l'utilisateur de l'importance des sauvegardes, de ce qui est récupérable ou non, etc.), ce qui suit est véritablement de l'ordre du détail.

1.5.3.1  pouvoir expliquer le terme de "messagerie électronique (e-mail)"

Quelles seraient nos réponses respectives à une telle question? Y a-t-il des réponses toutes faites et qu'est-ce qu'une réponse "correcte" à une telle question?

1.7.1.1  pouvoir expliquer les termes "société informatisée" et "autoroute de données"

Comment juger de réponses à de telles questions qui sont presque à elles seules des sujets de dissertation!

2.1.1.3 savoir faire redémarrer un ordinateur (démarrage à chaud)

Le processus en soit est débile. Les conséquences le sont moins mais on semble peu s'en soucier.

2.1.1.7 savoir utiliser la fonction d'aide en ligne

On est à nouveau devant un processus plus qu'élémentaire. Il y a visiblement des problèmes de formulation. Entre "savoir" et "avoir le réflexe de…" il y a une terrible nuance qui n'apparaît pas ici.

2.3.1.6 savoir changer le nom des fichiers et des répertoires

Quid d'une méthodologie de nommage qui soit efficace et évite un maximum de problèmes (pas de lettres majuscules, d'accents, d'espaces…)? Se contente-t-on à nouveau d'une manipulation?

La plupart des "connaissances requises" pourraient être l'objet des mêmes remarques et des mêmes critiques. L'orientation est clairement de vérifier que l'utilisateur sait à quel endroit, dans quel menu se situe la commande qui permet d'effectuer tel traitement sans trop se soucier de l'opportunité de le réaliser.

Citons quand même encore pour l'anecdote les "connaissances requises" suivantes tirées du module 5 sur la gestion des bases de données:

5.2.1.3 savoir se déplacer au sein d'une table

Pour quelqu'un qui ignore tout de la gestion des bases de données, cette phrase est tout simplement étonnante. Pour quelqu'un qui sait ou devrait savoir, la formulation est à nouveau porteuse d'une représentation peu claire. Qui se déplace? Que signifie "se déplacer"?

Ou encore, pour être certain que l'utilisateur maîtrise bien les SGBD:

5.3.2.2 savoir modifier les couleurs utilisées en arrière-plan au sein d'un formulaire

Restons en là pour ce qui est du PCIE car la description pourrait être longue. Nous vous renvoyons au syllabus mentionné dans la bibliographie pour la lecture du document complet. Ces quelques exemples devraient vous suffire à comprendre de quelle nature est l'évaluation proposée. Les promoteurs de ce permis de conduire n'hésitent d'ailleurs pas à affirmer que la certification ne s'intéresse qu'à des manipulations basiques. Là où nous ne les suivons plus très bien, c'est lorsqu'ils affirment que la détention de tels certificats est de nature à augmenter le rendement de l'entreprise. On ne voit pas comment leurs détenteurs pourraient davantage faire preuve d'autonomie face aux TIC, après avoir réussi de telles épreuves dans lesquelles le conditionnement est manifeste.

B2i (niveau 1)

Rappelons qu'un des reproches qui peut être fait au B2i concernant les compétences à attester, c'est le mélange d'apprentissages à des niveaux très différents sans apparente distinction. Savoir, savoir-faire et attitudes se retrouvent parfois sans distinction au sein d'un même module. Parfois aussi, un module met en évidence un seul niveau d'apprentissage. C'est le cas du deuxième module qui teste des compétences, selon nous, d'un niveau beaucoup plus élevé.

Il est question de "savoir" notamment lorsqu'il est dit:

"…l'élève doit être capable:

d'utiliser à bon escient le vocabulaire spécifique nécessaire à la désignation des composants matériels et logiciels utilisés pour permettre la saisie, le traitement, la sortie, la mémorisation et la transmission de l'information;

…"

Le "savoir-faire" apparaît davantage dans:

"L'élève doit être capable de recourir au logiciel de traitement de texte qui lui est familier pour:

saisir ou modifier un texte, le mettre en forme en utilisant à bon escient les minuscules et les majuscules, les formats de caractères, les polices disponibles, les marques de changement de paragraphe, l'alignement des paragraphes, les fonctions d'édition copier, couper, coller;

…"

A noter la très intéressante expression "qui lui est familier" signalant que les spécificités des produits ne doivent pas prendre le pas sur les fonctionnalités générales et essentielles. Quant à l'utilisation "à bon escient", elle met en avant des préoccupations qu'on ne retrouve pas volontiers dans le PCIE, à savoir ne pas se contenter des fonctionnalités pour s'intéresser à la manière dont elles sont mises en œuvre [11].

Quand aux attitudes, elles apparaissent clairement dans:

"Lors de manipulations de données utiles aux activités d'apprentissage et à la suite de débats organisés au sein de la classe, l'élève témoigne de sa capacité à:

prendre l'habitude de s'interroger sur la pertinence et sur la validité des résultats produits par le traitement des données au moyen de logiciels…

reconnaître et respecter la propriété intellectuelle."

Il est toutefois des éléments inclassables et dont on peut se demander la portée:

"…l'élève doit être capable:

de recourir avec à propos à l'utilisation de la souris et à quelques commandes-clavier élémentaires;

…"

Ce qui est donc un peu déroutant dans cette répartition, c'est cette hétérogénéité des domaines lorsqu'ils sont regardés à travers le filtre des niveaux d'apprentissage. En particulier, le deuxième domaine qui s'intitule "Adopter une attitude citoyenne face aux informations véhiculées par les outils informatiques" ne mentionne pratiquement que des items liés à des attitudes à adopter.

Si les intentions sont généralement très louables, les textes ne sont pas dépourvus de beaux adjectifs dont le sens se doit d'être détaillé à travers davantage de comportements observables.

"…mettre en œuvre une consultation raisonnée du support d'information…"

Qu'en est-il d'une consultation, d'une utilisation raisonnées?

"…choisir à bon escient…", "…faire preuve d'esprit critique…" nous paraissent autant d'attitudes difficiles à mesurer.

Il serait dommage de ne pas dire un mot de la feuille de position qui constitue un élément original et stratégique de ce B2i.

L'idée nous paraît excellente de donner au candidat la possibilité de s'auto -évaluer dans le processus. C'est d'ailleurs cette idée qui nous a inspirés dans le test d'évaluation proposé aux étudiants du DES– TEF. C'est à l'apprenant de prendre conscience de ses difficultés, de ses limites à travers des défis qu'on lui propose.

Les questions que nous nous posons sont, d'une part celle des critères qui vont permettre aux évaluateurs d'acter que les compétences sont attestées [12], d'autre part, celle de la pertinence de la formulation de celles-ci dans la feuille de position.

Voici quelques exemples parmi les plus significatifs. Il est clair que de nombreux items ont du sens. Ceux qui suivent nous paraissent parfois mal formulés, parfois difficiles à attester, parfois insensés.

"J'utilise la souris pour déplacer le pointeur et fixer la position du curseur, ou pour valider un choix"

Si l'élève n'est pas capable de ça, que fait-il? L'utilisation du clavier comme instrument de commande semble bien aujourd'hui réservé aux utilisateurs qui veulent augmenter leur efficacité. On peut également s'interroger sur la pertinence du mot "curseur", pourquoi pas "point d'insertion". Mais ceci reste anodin.

"Je sais ouvrir un fichier existant, enregistrer dans le répertoire déterminé par l'enseignant un document que j'ai créé moi-même.

Je sais ouvrir et fermer un dossier (ou répertoire)."

Si les traitements dont il est question sont fondamentaux, dans ces deux items consécutifs, les mots "dossier", "répertoire", "fichier", "document" sont utilisés sans discernement. Est-on certain de la bonne représentation des élèves à leur propos?

"Je sais que les données et les logiciels ont un propriétaire.   Je sais que je dois respecter cette propriété."

La formulation est un peu douteuse. L'élève peut cocher cette case sans problème car s'il ignorait la chose, la simple lecture de la "compétence" suffit à l'acquérir.

"Je sais copier, coller ou imprimer l'information que j'ai trouvée."

Dans quel contexte sommes-nous? Et si le document est protégé (un document au format pdf, par exemple). Le coller où? Il nous semble que cette affirmation devrait être précisée ou mise en contexte.

Nous n'allons pas examiner l'ensemble des items proposés. Nous nous contenterons de préciser différentes choses qui nous conviennent moins dans le type d'évaluation proposé. D'une part, nous pensons que la précision de la formulation des items peut être considérablement améliorée. Il est évident que les intentions cachées derrière ces items sont les bonnes à quelques exceptions près. L'autre élément un peu gênant, de notre point de vue, est la manière dont ces items sont classés mélangeant allègrement des niveaux d'apprentissage relativement différents et faisant se côtoyer des compétences de base (de l'ordre des connaissances) et des compétences ultimes (de l'ordre du jugement) si l'on s'en réfère, par exemple, à la bonne vieille taxonomie de Bloom.

Cela dit, on sent bien que ce projet est en devenir et qu'il ne peut que s'améliorer dans le futur, enrichi par l'expérience de la pratique.

Passeport TIC

Nous ne disposons malheureusement pas encore d'information véritable sur les items qui décriront avec plus de précision, les notions, concepts, savoir-faire à mettre en place.   Chacun des modules est décrit de manière très brève et l'on en reste au niveau des intentions.

A titre d'exemple, citons pour le module "Maîtriser les premières bases de l'outil informatique" et en ce qui concerne le plan pratique (le seul qui soit évalué réellement):

Pas de quoi faire de nombreux commentaires, vous en conviendrez. Il n'est guère possible d'envisager une évaluation sérieuse sur base d'une description aussi peu approfondie. Sans vouloir médire, le projet semble avoir puisé de bonnes idées, les avoir quelque peu restructurées, mais ne pas être en mesure de proposer une concrétisation immédiate et sérieuse d'une quelconque évaluation.

On regrettera également que les notions de programme, de fichier, types de fichiers, etc. figurent au plan de la culture informatique et ne soient pas soumises à évaluation. On sourira à la lecture de la remarque "L'établissement qui utilise un autre système d'exploitation développera l'environnement qu'il exploite." alors que jusque là dans la description du projet, aucun système d'exploitation n'avait véritablement été mis en avant. Faut-il admettre qu'il existe le système d'exploitation et puis les autres?

Une expérience personnelle

Pour notre expérience au niveau du DES – TEF, l'objectivité nous pousse à reconnaître que nous n'avions pas encore examinés les autres projets avant de nous lancer dans la constitution de ce que nous voulions être un questionnaire d'autoévaluation. Il existait, à l'intention des candidats étudiants, un document intitulé "pré-requis" et qui constituait une sélection de quelques items choisis dans une des premières versions du questionnaire de l'ECDL [13]. Fort insatisfaits par ce questionnaire et trouvant qu'il véhiculait des représentations pas très heureuses du travail avec l'ordinateur, nous avons donc entrepris de développer notre propre questionnaire en soignant la formulation des items et en veillant à ce que chaque question fasse référence à des choses observables, voire mesurables.

Nous nous sommes rendus compte assez rapidement de l'ampleur de la tâche. Les problèmes essentiels tenaient dans la difficulté de formuler les questions dans des termes qui soient à la fois véhicules de bonnes représentations et qui soient également compréhensibles par les étudiants.

Si l'expression "lancer un logiciel" nous déplaisait profondément, l'expression "charger un logiciel dans la mémoire de l'ordinateur" pouvait en surprendre plus d'un. Pourtant, nous avions envie de persister dans cette idée que les bons utilisateurs ont besoin de comprendre ce qui se passe, du moins dans certaines limites, pour pouvoir fonctionner efficacement.

Cette difficulté, nous avons tenté de la surmonter au niveau des réponses possibles aux items. A des réponses qui devaient traduire un niveau de connaissance, de compréhension ou d'utilisation, nous avons ajouté la réponse possible "je ne comprends pas la question".

L'impact de l'existence d'une telle réponse n'est pas à négliger. Celui qui la fait n'avoue pas une carence au niveau de sa perception d'un concept mais plus simplement une lacune au niveau de la perception générale du domaine des technologies de l'information, lacune qui peut se commuer assez simplement en une demande de formation supplémentaire. Or ce type de demande est un de nos objectifs cachés.

Très rapidement, nous avons identifiés les problèmes comme étant d'une part des problèmes de vocabulaire [14] et de compréhension générale du traitement de l'information numérique [15], d'autre part comme des problèmes d'attitude marqués par l'absence d'usages susceptibles d'augmenter l'efficacité du travail.

La répartition en modules

Nous avons délibérément pris le parti de nous intéresser à des catégories de logiciels dont l'utilisation constitue la part la plus importante du travail de nos étudiants à savoir:

On pourrait s'étonner de ne rien retrouver concernant des généralités à propos du traitement de l'information. Il y a au moins deux explications à cela. La première, c'est que nous sommes partis de l'existant, c'est-à-dire d'un questionnaire, rappelons-le, inspiré d'une des premières versions ECDL. La seconde, c'est que nous avons voulu parer au plus pressé et tenter de dégager les lacunes de manière assez directe, sur base de ce que les étudiants pouvaient nous dire à propos de leur pratique des logiciels les plus courants. D'un autre côté, consacrer une partie du questionnaire à des généralités pouvait faire penser à ceux qui le remplissent qu'on s'intéresse à autre chose qu'à l'efficacité de leur pratique des logiciels. Nous pensons donc que dans l'avenir, ce questionnaire évoluera en s'étoffant de questions nouvelles mais qui resteront dans le cadre de la pratique des logiciels que nous considérons comme les plus utiles à la pratique de nos étudiants.

Les items proposés

Notre réflexion nous a conduit à distinguer des acquis qui soient de l'ordre des connaissances, d'autres qui soient de l'ordre des savoir-faire et d'autres encore qui soient de l'ordre des attitudes mais que nous avons plutôt appelés des usages.   Nous avons été agréablement surpris de constater par la suite que certaines réflexions en cours à d'autres niveaux corroboraient nos choix. Nous avons cependant constaté, suite à des remarques de nos collègues, que les items étaient parfois de niveaux d'exigence très différents. De manière un peu subjective, nous avons classé ces items en les attribuant soit à un utilisateur averti, soit à un utilisateur expert, précisant que pour nos besoins (ceux du DES – TEF), nous pensions que les étudiants devaient pouvoir se situer entre l'utilisateur averti et l'utilisateur expert [16]. Il nous paraît que cette distinction des niveaux pourrait encore s'affiner pour que, selon les publics concernés, les items restent utilisables mais le niveau à atteindre soit à préciser.

Pour ménager notre public, nous avons également décidé d'intituler ce questionnaire "Quel genre d'utilisateur(trice) êtes-vous?" [17].

L'ampleur de la tâche que nous avons évoquée s'est également traduite par l'impossibilité de réaliser un travail exhaustif. Le document que nous venons de mentionner est donc largement incomplet et mériterait une bonne relecture et une série de critiques [18]. Toutefois, nous nous sommes consolés en pensant que quelques items suffiraient à faire percevoir aux étudiants l'état de leurs rapports actuels aux TIC, ce qui est notre but.

Décrivons quelques-uns des exemples mais présentons d'abord les systèmes de réponses.

Certaines compétences sont donc liées à des savoirs et donc à des connaissances. Dans ce cas, nous avons recours aux codes suivants:

1: Je ne comprends pas la question

2: Je ne connais pas de réponse

3: Je connais une partie de réponse

4: Je suis capable de donner une réponse

La première réponse possible fait référence à des formulations qui respecteraient les représentations mentales correctes à installer chez les utilisateurs mais qui les déstabiliseraient par manque de connaissance du vocabulaire ou plus fréquemment par une absence, à leur niveau de ces représentations mentales correctes.

Au niveau des savoir-faire, une liste de compétences techniques de base est également fournie pour que l'étudiant puisse auto-évaluer sa capacité à effectuer ces opérations. Pour ce faire, les codes sont les suivants :

1: Je ne comprends pas ce qui est demandé

2: Je ne suis pas capable de le faire

3: Je peux y arriver en tâtonnant

4: Je suis capable de le faire

5: Je suis capable d'expliquer comment faire à quelqu'un d'autre

Nous ferons la même remarque pour la première réponse possible. L'accent est mis ici sur une prise de conscience de la profondeur d'acquisition du savoir-faire. Les réponses 2 à 5 traduisent la volonté de cerner cette information.

L'autonomie se mesure également à la manière de recourir à de multiples techniques d'utilisation et à mobiliser de nombreux moyens. Chacun pourra se rendre compte, dans cette partie, de son niveau de performance lors de l'utilisation des logiciels puisqu'il sera questionné sur ses usages.

Les codes pour cette partie sont:

1. Jamais

2. Quelquefois

3. Régulièrement

Il faut signaler à ce propos que ces questions ne sont pas normatives. L'utilisateur patenté d'un logiciel de traitement de texte peut très bien n'utiliser que des raccourcis-clavier et, de la sorte, augmenter l'efficacité de son travail. Si donc on lui demande s'il fait usage du "glisser-déplacer", l'interprétation de sa réponse doit être nuancée en fonction de ses réponses aux autres questions.

Exemples

Voici donc quelques exemples soumis à votre critique. Nous n'avons repris ici de manière plus détaillée que les questions concernant le système d'exploitation et l'environnement graphique de travail, agrémentées de quelques commentaires. D'autres exemples concernant les autres logiciels sont également fournis en vrac à titre d'illustration.

Système d'exploitation et environnement graphique de travail

1. Connaissances

Averti

Quelles sont les opérations élémentaires qu'un système d'exploitation permet d'exercer sur un fichier?

Quelles sont les opérations élémentaires applicables à une fenêtre et comment l'environnement graphique le permet-il?

Savez-vous comment on identifie un fichier qui est un programme?

Savez-vous comment on identifie un fichier qui est un document (au sens large: texte, image, son,...)?

Expert

Quelles sont les grandes fonctionnalités d'un système d'exploitation?

Dans le domaine des TI, qu'est-ce qu'un "fichier"?

Comment un système d'exploitation donné distingue-t-il les fichiers qui correspondent aux programmes et ceux qui correspondent aux données et comment cela se traduit-il généralement en termes d'utilisation de l'environnement graphique?

Comment reliez-vous ou distinguez-vous les concepts suivants: tâche, fenêtre, application?

Lorsqu'au démarrage d'un ordinateur vous devez fournir un identificateur et un mot de passe, savez-vous quelles en sont les implications?

Connaissez-vous plusieurs stratégies possibles aboutissant au chargement d'un programme en mémoire?

Ces questions ne s'adressent évidemment pas à des élèves de 12 ans. Elles demanderaient sans doute une adaptation plus, de notre point de vue, au niveau de la formulation qu'au niveau du contenu.

Rappelons que l'objectif ici est très différent! Il n'est pas d'identifier de bonnes réponses, mais de faire prendre conscience à l'utilisateur de sa perception des technologies et de ses éventuelles carences, à la fois au niveau de ses représentations mentales et de l'efficacité de son travail. Il n'y a aucun objectif de certification ou d'attestation.

Les connaissances dont il est question ici sont la base de la compréhension et d'une utilisation efficace. Ce ne sont pas des connaissances pour la connaissance.

2. Savoir-faire

Avec le matériel et le système d'exploitation qui vous sont habituels, êtes-vous capable de...

Averti

Démarrer un ordinateur et lui faire afficher un environnement de travail

Eteindre correctement un ordinateur

Charger un programme en mémoire par la voie la plus classique

Charger en mémoire un document après l'avoir identifié dans une arborescence de dossiers

Effectuer les opérations élémentaires sur les fichiers et les dossiers: les copier, les déplacer, les renommer

Gérer les tâches en cours (passer de l'une à l'autre sans les clôturer)

Déplacer ou modifier la taille des objets de l'environnement graphique (fenêtres, icônes,…)

Installer un programme en suivant les indications très élémentaires d'un assistant d'installation

Expert

Retrouver l'emplacement d'un programme (en le faisant apparaître dans une liste, par exemple) à partir d'une partie de l'information le concernant (une partie de son nom, par exemple)

Retrouver un document à partir d'une partie de l'information le concernant (une partie de son nom, par exemple)

Rechercher un fichier dont le nom, une partie du nom ou d'autres renseignements sont connus

Installer un programme en effectuant des choix personnalisés en en comprenant les implications

Appliquer une technique de compression à un ou plusieurs fichiers

Décompresser un ou plusieurs fichiers

Le vocabulaire utilisé peut dérouter certains utilisateurs. Pour certains, l'expression "lancer un programme" voire "ouvrir un programme" est plus significative que "charger un programme en mémoire". N'oublions pas qu'ils ont la possibilité de signaler qu'ils ne comprennent pas la question et que le nombre de réponses de ce type peut être un bon indicateur de la nécessité d'une mise à niveau, notamment concernant des représentations correctes à développer.

Nous tâchons d'introduire la nuance et de la répartir dans les deux niveaux actuels. On peut savoir installer un programme lorsque la procédure est élémentaire mais hésiter à faire des choix personnalisés pour cette installation.

Les données des problèmes à résoudre sont précisées autant que faire se peut (pour une recherche de document, par exemple).

3. Usages

Lors de l'utilisation des progiciels en général,...

Averti

Faites-vous usage du "glisser-déplacer"?

Avez-vous le réflexe "annulation de la dernière commande"?

Expert

Faites-vous usage des menus contextuels?

Avez-vous le réflexe "aide en ligne"?

Utilisez-vous les raccourcis-clavier?

Les usages sont également de bons indicateurs de l'efficacité des utilisateurs. Leur poser des questions à ce propos peut les interpeller et leur faire prendre rapidement conscience d'améliorations possibles.

Voici à titre illustratif d'autres exemples tirés des autres parties du questionnaire pour les rubriques "connaissances" (qui, rappelons-le, sont des connaissances "intéressées") et "usages" (qui sont liés à l'efficacité du travail).

Traitement de texte

Connaissances

Averti

Pouvez-vous expliquer ce que sont: une police de caractères, un style, une puce, la casse,...?

Expert

Qu'est-ce qu'un paragraphe?

Quelle différence faites-vous entre un retour à la ligne et une fin de paragraphe?

Usages

Averti

Avez-vous l'habitude de formater un document en utilisant des styles?

Expert

Vous arrive-t-il de déplacer le point d'insertion à un endroit particulier sans utiliser la souris dans les circonstances où elle n'est pas très utile (Ex: page 27 ou fin du document ou fin de la ligne courante)?

Vous interdissez-vous le retour à la ligne pour gérer les espacements entre les paragraphes?

Pour supprimer les retours à la ligne et les espaces inutiles d'un texte, pensez-vous spontanément aux fonctions de recherche-remplacement?

Présentation

Connaissances

Averti

Pourriez-vous citer plusieurs déroulements possibles d'une présentation?

Expert

Pourriez-vous décrire les moyens mis à votre disposition par le logiciel de présentation que vous utilisez pour standardiser vos présentations?

Connaissez-vous les formats des fichiers qui peuvent être intégrés dans une diapositive?

Usages

Averti

Utilisez-vous des modèles prêts à l'emploi?

Alternez-vous les modes de travail (plan, diapositive,...)?

Expert

Avez-vous l'habitude de configurer la mise en forme et en page de l'ensemble des diapositives avant de créer une présentation?

Utilisez-vous des modèles personnels?

Pour le reste, nous vous renvoyons à http://www.ulg.ac.be/ste/destef/competences.html où des améliorations du document sont attendues dans les prochaines semaines.

En guise de conclusion…

L'examen de différents projets d'évaluation des compétences en TIC nous a surtout permis de constater que les objectifs étaient quelques fois très limités. C'est l'impression que nous a donné le PCIE. Parfois aussi, leur réalisation est freinée par les moyens disponibles. Dans le cas du B2i et du Passeport TIC, les objectifs sont solides mais on a l'impression que les épreuves proposées ne sont pas toujours à la mesure de ces objectifs. Dans tous ces projets, tout une série d'observations qui nous paraissent intéressantes ne sont pas faites ou, en tous cas, ne font pas partie de l'évaluation. On peut le regretter.

Concernant le questionnaire proposé aux étudiants du DES TEF, il n'a évidemment pas l'envergure des autres projets. Ses objectifs sont très spécifiques et le travail reste un chantier. Il a surtout servi à justifier les besoins d'une formation rapide de mise à niveau technologique. Il pourrait cependant faire l'objet d'une réflexion plus poussée et éventuellement adaptée à des publics plus jeunes, permettant à des enseignants, par exemple, de disposer de points de repère un peu plus sérieux que ceux qui consistent à vérifier qu'un résultat a été obtenu sans trop se soucier du processus mis en œuvre. Ce sont ces points de repère qui, selon nous, devraient pouvoir être pris en compte et multipliés dans des projets comme le B2i et le Passeport TIC.

Pour ce qui est de l'expérience elle-même, inutile de préciser qu'une formation consécutive à ce type de test, a non seulement recueilli l'adhésion de pas mal d'étudiants qui auraient sans doute considéré leur formation technologique actuelle comme suffisante, mais a aussi permis de mener une formation basée sur un discours méthodologique faisant la part belle à des stratégies d'utilisation efficaces.   Tout autre chose que des descriptions de manipulations à reproduire...

Ces enseignements sont pour nous un encouragement à poursuivre. Toute critique, toute remarque constructive est évidemment la bienvenue et à adresser à

etienne.vandeput@fundp.ac.be

Bibliographie

AC-TICE LE MENSUEL INTERACADEMIQUE DES TICE

n°29 Novembre 2002

BULLETIN OFFICIEL DU MINISTERE DE L'ÉDUCATION NATIONALE ET DU MINISTERE DE LA RECHERCHE

n°42 du 23 novembre 2000

EUROPEAN COMPUTER DRIVING LICENCE ET INTERNATIONAL COMPUTER DRIVING LICENCE

Syllabus Version 3.0 CH-f

ECDL Foundation Février 2000

Sitographie

ECDL (plusieurs sites parmi lesquels…)

http://www.ecdl.co.uk/

PCIE

http://www.pcie.tm.fr/sitepcie/html/introduction.htm

LE BO n°42

http://www.education.gouv.fr/bo/2000/42/encart.htm

B2i (de nombreux sites s'y consacrent)

http://www.cafepedagogique.net/dossiers/b2i/

http://www.educnet.education.fr/plan/b2i.htm

PASSEPORT TIC

http://www.educnet.education.fr/plan/b2i.htm

COMPETENCES EN TICE POUR LE DES TEF

http://www.ulg.ac.be/ste/destef/competences.html

INFOS SUR LE DES TEF

http://www.det.fundp.ac.be/destef/

LA TAXONOMIE DE BLOOM

http://parcours-diversifies.scola.ac-paris.fr/PERETTI/taxonomi1.htm

http://www.coun.uvic.ca/learn/program/hndouts/bloom.html


[1] en français, le PCIE (Passeport de Compétences Informatique Européen)

[2] "…dans l'enseignement ou la formation, le futur utilisateur des technologies de l'information apporte la preuve de ses compétences de base,..."

[3] Nous examinons aussi les problèmes liés à la mise en place d'un tel brevet.

[4] Des moyens semblables existent aussi au niveau du B2i.

[5] Nous verrons laquelle.

[6] Cette expression reste à définir.

[7] On peut se demander dans quelle mesure cette idée est pure ou dictée par les contraintes.

[8] Le mot "compétences" est souvent utilisé abusivement et se rapporte assez régulièrement à de simples manipulations.

[9] Utiliser le copier-coller est pourtant souvent décrit comme une compétence ;-)

[10] peut paraître ambitieuse à ce niveau.

[11] Pour prendre un exemple simple et archi-connu, on peut connaître la fonctionnalité du passage à la ligne, en ignorant qu'il est accompagné d'un changement de paragraphe, et s'en servir pour créer un espacement dans le texte.

[12] Est-ce volontaire ou non, l'adjectif "attestée" est préféré à l'adjectif "acquise".

[13] Il faut dire que dans cette version, les items étaient davantage critiquables et faisait parfois une référence immédiate à des produits (évoquant, par exemple, le bouton "Démarrer").

[14] Le vocabulaire se révèle extrêmement déterminant dans le décodage des messages adressés à l'utilisateur via les interfaces graphiques et dans la consultation des systèmes d'aide, pour ne citer que cela.

[15] La naïveté des utilisateurs à propos de la manière dont les traitements sont formalisés reste étonnante.

[16] Ceci peut ressembler à une manœuvre destinée à encourager les gens à ne pas se contenter du minimum et à tenter d'atteindre le meilleur niveau qui soit.

[17] A l'heure où nous écrivons cet article, le document peut être visualisé à l'adresse internet suivante http://www.ulg.ac.be/ste/destef/competences.html

[18] Elles sont les bienvenues et vous pouvez les adresser à etienne.vandeput@fundp.ac.be


Étienne Vandeput
Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix
Namur Belgique
etienne.vandeput@fundp.ac.be
http://www.det.fundp.ac.be/~eva/

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Éditeurs : Bernard André
Georges-Louis Baron
Éric Bruillard
© INRP/GEDIAPS

Mis en ligne le 2 octobre 2003
Dernière mise à jour le 15 octobre 2003