Rapport de MM. PAIR et LE CORRE

L'introduction de l'informatique dans l'Éducation nationale
 

     L'EPI apprécie la richesse de ce rapport y retrouvant l'essentiel des préoccupations qu'elle exprime depuis bien longtemps. Cette satisfaction ne va pas sans quelques réserves mais surtout, la mise en oeuvre des mesures proposées lui paraît bien lente. Cinq mois se sont écoulés depuis la diffusion du rapport au Ministère, les réformes de structures conditionnent l'introduction de l'informatique dans les établissements ; faute d'une politique claire ment affirmée, la richesse de ce rapport peut en constituer la principale faiblesse. Sans choix prioritaires et « tout n'étant pas possible », des opérations de freinage sont à redouter. Quand on sait quelle est, dans les difficultés actuelles, la part de responsabilité du coup d'arrêt porté en 1976 par M. HABY, il faut s'inquiéter et rester vigilant.

LES OBJECTIFS

     « Le rôle de l'éducation dans le contexte social et économique actuel est considéré comme primordial. La population concernée ne se limite pas aux jeunes en formation initiale mais à ceux qui ont quitté l'école sans qualification et aux personnes plus âgées qui souhaitent reprendre leurs études.

     Les objectifs poursuivis par l'Éducation nationale à l'aide des nouveaux moyens technologiques basés sur l'informatique sont les suivants :

  • Éveiller les esprits à la discipline et au contexte informatique,

  • Appliquer ces moyens à :

    • l'assimilation des connaissances,

    • la formation de l'esprit logique,

    • la réflexion personnelle ou collective,

    • la documentation pédagogique,

    • l'information sur l'éducation et le passage à la vie active,

  • Les appliquer en particulier aux jeunes en difficulté scolaire (cas sociaux, handicapés, isolés, immigrés...)

  • Permettre à l'enseignant de les adapter facilement à sa classe et aux circonstances,

  • Assurer l'existence de produits pédagogiques d'expression et de culture française adaptés à ces moyens et capables de concurrencer les productions étrangères,

  • Étudier l'impact de ces moyens en vue de les adapter, de les développer et de définir leur rôle et leurs caractéristiques futurs.

     Les considérations suivantes doivent être respectées :

  • obtenir l'accord des personnes de l'Éducation nationale concernées,

  • éviter les inégalités sociales qui pourraient être induites,

  • corriger au contraire ces inégalités par cette technologie,

  • tenir compte des acquis et des expériences multiples déjà effectuées,

  • assurer la compatibilité des produits et des matériels,

  • pouvoir suivre et évaluer l'expérience dans les établissements scolaires,

  • assurer la protection et la diffusion des didacticiels produits par l'Éducation ationale. »

     Cela nous paraît une définition correcte des objectifs de l'introduction de l'informatique.

LA RECHERCHE

     « La recherche pédagogique et en sciences de l'éducation a été asphyxiée pendant plusieurs années dans les Universités ; l'I.N.R.P. ne dispose pas des moyens qui lui permettraient de remplir sa fonction. » Les considérations des constructeurs, des entreprises privées pouvant être étrangères à l'éducation et à notre culture, le Ministère doit s'intéresser à la recherche technologique et veiller à la nature et à la qualité des outils et produits éducatifs informatiques.

     Un grand développement de la recherche s'impose ; il doit concerner de multiples équipes (universitaires, I.N.R.P., C.R.D.P. et C.D.D.P. ou relevant d'autres ministères) : la coordination reviendra à l'I.N.R.P. et à son Conseil scientifique (une nouvelle direction de programme et un laboratoire de télématique devraient être créés.

     Mais les moyens fournis aux enseignants ne sont qu'incidemment évoqués : « la distribution des heures de décharges », serait confiée à des commissions académiques qui recevraient les propositions de recherches des établissements. Cette vague formulation permet le retour à des errements qui ont prouvé leur nocivité (saupoudrages d'heures supplémentaires).

LA FORMATION

     Elle est prioritaire. Tous les enseignants (y compris les personnels de documentation administratifs, conseillers pédagogiques..) devraient posséder :

  • « une connaissance générale de la nature de l'informatique et de ses applications,

  • la compétence nécessaire pour employer des didacticiels dans leur enseignement. »

     Cet emploi, comme la gestion quotidienne des ordinateurs, suppose l'existence d'équipes ; les membres de ces équipes recevant des décharges de service affectées aux établissements. Mais « ces équipes devraient jouer également un rôle dans la production des didacticiels » : mêler ainsi formation, recherche et animation crée la confusion.. l'EPI réclame pour l'animation seule, l'équivalent d'au moins un demi-service.

     Le rapport propose trois niveaux de formation continue.

     La formation légère (80 heures) des enseignants volontaires assurée par une équipe pluridisciplinaire de professeurs formateurs.

     « La formation légère doit être effectuée dans chaque établissement dans l'année de son équipement. Elle peut être reprise ensuite pour les enseignants qui ne l'auraient pas suivie cette année-là.

     Elle a un double objectif :

  • pour tous les enseignants volontaires, les former au niveau 1 : familiarisation avec l'informatique et ses applications, emploi de l'enseignement assisté par ordinateur.

  • dégager une équipe d'animation comportant au moins une personne par discipline (ou groupe de disciplines volontaires). »

     Mais la proposition suivante en recul sur la pratique actuelle est inacceptable. « Il faudrait envisager d'effectuer la formation en dehors du service en payant aux enseignants, par exemple, une heure supplémentaire. »

La formation à l'animation

     « Elle commence en même temps que la formation légère. Puis, chaque année, l'équipe d'animation fait état, dans le rapport qu'elle doit fournir à la commission académique, des besoins de formation complémentaire qu'elle ressent. La commission organise les formations nécessaires avec l'aide de l'enseignement supérieur (centre de stage, I.R.E.M.), des formateurs, du C.R.D.P. »

La formation approfondie (1 an)

     Le rapport préconise l'accroissement du nombre de stagiaires et l'ouverture de nouveaux centres. Ces centres assurant également le « suivi » des anciens stagiaires, une animation et une recherche.

La formation initiale

     « L'initiation à l'informatique devrait faire l'objet d'une unité valeur dans toutes les formations universitaires conduisant à l'enseignement (D.E.U.G., instituteurs, licence...). Cette unité de valeur serait bien liée à la discipline principale de l'étudiant. D'autre part, dans l'année de formation professionnelle (écoles normales) centres de formation à l'enseignement spécial, centres de formation de P.E.G.C., E.N.N.A., C.P.R.), serait intégrée une formation qui insisterait sur l'insertion de l'informatique dans l'enseignement. »

     Le rapport préconise la création d'options de D.E.A. « Informatique et enseignement ».

     Comme pour la formation continue, l'enseignement supérieur joue un rôle essentiel.

     L'EPI préconise la participation, aux côtés des universitaires, d'enseignants formés et expérimentés de tous les autres ordres d'enseignement ; cela est entrepris dans les actuels centres de stage. L'étude du fonctionnement de ceux-ci devrait d'ailleurs permettre de préciser, voire d'améliorer les contenus de formation.

     Les micro-ordinateurs de plus en plus puissants deviennent des outils complets pour les applications pédagogiques, la documentation pédagogique et l'information sur l'éducation (I.N.R.P., C.N.D.P., C.R.D.P, C.D.D.P., O.N.I.S.E.P. et C.I.O, C.D.I...) l'équipement des C.R.D.P., C.I.O. et C.D.I. doit être poursuivi.

     Les échanges exigent des matériels compatibles et des logiciels « portables ».

     Le rapport préconise des mesures permettant aux établissements de compléter eux-mêmes leurs équipements aux conditions du marché Éducation nationale, le raccordement ultérieur à un réseau national, l'amélioration de la maintenance.

La télématique « grand public »

     Les expériences en cours sont rappelées (Antiope, Télétel...), l'Éducation nationale est concernée par les produits qu'elle y diffuse et ceux qu'elle contrôle, par l'introduction de terminaux dans les établissements scolaires et l'évaluation de l'impact sur les élèves. Des propositions faites, retenons l'idée qu'il faut avancer avec prudence dans ce domaine en participant à quelques expériences, en s'assurant de la qualité des didacticiels, en créant des commissions de concertation...

     Il nous semble que, pour l'instant, le M.E.N. est en retrait par rapport au Ministère des P.T.T. et que bien peu d'informations parviennent aux enseignants sur les études faites à propos de ces différentes expériences.

« Éducation nationale »

     Il s'agit des projets « Documentation C.N.D.P. - C.R.D.P. - C.D.D.P. - C.D.I. », « Réseau d'information C.N.D.P. C.D.I. - C.I.O. - O.N.I.S.E.P. » et « enseignement à distance », relativement plus faciles à définir. Une collaboration sera également nécessaire avec les ministères des P.T.T. et de la Communication.

Les logiciels

     « L'un des principaux goulets d'étranglement de l'introduction de l'informatique dans l'enseignement est l'insuffisance des didacticiels en nombre et en qualité. »

     Deux principes pouvant orienter le mode de production sont avancés : décentralisation (car il faut partir de l'expérience des enseignants) mais coordination (l'ampleur et la difficulté du travail supposent des équipes efficaces, des normes d'élaboration des logiciels et l'évaluation de la qualité de ceux-ci sont nécessaires).

     Une cellule nationale serait à créer (avec des relais régionaux) pour la production, l'évaluation et la diffusion des didacticiels.

     « Le rôle de la cellule serait donc :

  • recevoir les prototypes, les évaluer et les faire évaluer, dialoguer avec les équipes,

  • passer des contrats de production et assurer la recette de produits,

  • effectuer des travaux de production (en nombre limité) et de modification,

  • diffuser les produits,

  • recevoir les propositions de modification,

  • assurer le contact avec les constructeurs.

     Elle serait constituée de personnels enseignants, en principe mis à la disposition pour une durée limitée et de techniciens de l'informatique. Elle aurait évidemment un responsable dont le choix est particulièrement important.

     Son rattachement administratif est à discuter. Son rôle ainsi que la nécessité de relais régionaux pour lesquels les C.R.D.P. paraissent indiqués, militent en faveur d'un rattachement au C.N.D.P. Il convient d'étudier si le C.N.D.P. est prêt à l'accueillir, à participer à sa dotation en personnel et à lui assurer une autonomie suffisante de fonctionnement. Elle pourrait, dans premier temps, être rattachée à une mission pour l'informatique.

     La constitution de la cellule pourrait sans doute être aidée par l'Agence de l'Informatique. Elle pourrait reprendre certains personnels actuellement placés à la Direction des Lycées pour transposer le logiciel existant. »

     Il paraît difficile d'imaginer que le secteur public puisse être en situation de monopole. Il faut considérer les sociétés françaises comme des partenaires, sous peine de les défavoriser dans la concurrence qui s'instaurera sur le plan international. Le secteur public doit cependant être fort pour répondre aux besoins réels et imposer une exigence de qualité.

     Si « la création d'un langage de haut niveau pour l'écriture des didacticiels » (langage-auteur) est évoquée, il est dommage que la L.S.E. ne soit pas mentionné ici car il est actuellement le seul langage permettant des échanges faciles entre LX et MICRAL.

Les structures

     Une commission (consultative) de l'informatique devrait être mise en place dans chaque académie. Elle serait composée de trois parts égales de :

  • représentants de l'administration,

  • représentants des personnels (syndicats)

  • personnalités qualifiées (universitaires, parents d'élèves, formateur élus par ses collègues et un membre de l'EPI).

     Au niveau national existerait une commission tripartite analogue.

     Chaque direction pédagogique devrait se doter d'une cellule informatique.

     Le meilleur organe de coordination de l'ensemble du dispositif serait une mission légère directement rattachée au Ministère.

     Tous les autres éléments du rapport mériteraient d'être évoqués et les annexes apporteraient bien des renseignements concrets, utiles. Nous limitant ici, faute de place, à quelques citations et remarques, nous savons encourir le reproche d'avoir mal choisi et caricaturé. Fin décembre 1981, le Secrétariat de l'EPI a fait parvenir le texte du rapport aux responsables des Régionales pour diffusion. Le bureau souhaite vivement recueillir vos appréciations auxquelles les prochains bulletins devraient pouvoir faire une large place ; écrivez-nous.

Paru dans la  Revue de l'EPI  n° 25  de mars 1982.

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Association EPI

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