La prise en compte de l'informatique en Tunisie
étude de cas dans deux lycées  [1]

Abassi Hadhami
 

ASPECTS CONTEXTUELS

Bref rappel géopolitique

     La Tunisie, jadis Ifrikia est un pays d'Afrique du nord qui s'étend très profondément dans la méditerranée et la longe sur environ 1 500 km. Cette position géographique transitaire entre l'Europe froide et l'Afrique sub-saharienne chaude lui confère par conséquent (d'ailleurs comme les autres pays du Maghreb à savoir l'Algérie et le Maroc) des spécificités remarquables sur une superficie assez petite : 164 000 km².

     Elle compte 9 910 000 d'habitants en avril 2004.

     La population tunisienne est à 65 % urbaine. Le grand Tunis, principal centre urbain du pays, abrite 2,4 millions d'habitants en 1999.

     Le taux d'accroissement démographique est tombé à 1,2 % au cours de la dernière décennie contre 2,3 % en 1994. Ce fléchissement de la population doit pouvoir continuer jusqu'à atteindre 0,9 % au cours de la période 2005-2010.

     Sur la base de ces prévisions, la population tunisienne devrait s'établir à 12 millions en 2010  [2].

Le système éducatif tunisien

     La Tunisie consacre, depuis son indépendance, une part considérable de son budget au secteur de l'éducation. De grandes réformes ont été engagées en 1958, en 1991 et en 2002 mettant ainsi en avant plusieurs priorités. Les plus importantes étant d'abord celle de permettre à tous, dans un souci d'égalité des chances, l'accès à l'éducation fondamentale ; ensuite celle de préparer, grâce à une éducation et une formation de qualité, les ressources humaines qui doivent prendre en charge les problèmes de développement économique et social afin d'intégrer les nouvelles technologies en milieu scolaire et de les inscrire progressivement dans les curricula.

     Aujourd'hui, la loi stipule que l'école est obligatoire pour tous les enfants des deux sexes de six à seize ans en vertu de quoi toute personne qui s'abstient d'inscrire son enfant, ou le retire avant l'âge de seize ans, s'exposerait à une amende. Cette mesure vise notamment à enrayer l'abandon scolaire précoce des jeunes filles en milieu rural.

     Le ministère de l'éducation a la charge de la totalité du service public de l'éducation qui accueille plus de 2,3 millions d'élèves dans l'enseignement de base et secondaire sur la population totale du pays. La Tunisie dont 25 % de la population est aujourd'hui scolarisée, dispose de 4 441 écoles primaires dont 2 679 en milieu rural, et de 985 écoles préparatoires et lycées.

     Annuellement, une moyenne de 40 nouveaux établissements construits permet à l'état de développer et d'étendre les infrastructures scolaires et d'améliorer ainsi les conditions de travail et d'enseignement.

     Du côté des enseignants, les quelques 60 000 enseignants du primaire sont encadrés et évalués par 400 inspecteurs et 800 assistants pédagogiques et les 37 000 professeurs du secondaire, par 220 inspecteurs et 250 conseillers pédagogiques. L'intérêt de cette évaluation pour l'appréciation du comportement professionnel de l'enseignant est par conséquent devenu crucial et appelle les évaluateurs à l'aborder comme une pratique formative et à être ouverts aux innovations.

     En collaboration avec la banque mondiale et son application de la stratégie nationale de mise à niveau, un projet intitulé PAQSET  [3] et réalisé par le ministre de l'éducation et de la formation cherche à promouvoir la qualité, l'excellence et à lutter contre l'échec scolaire. Il comporte deux composantes : la première se rattache à l'acte éducatif et vise la rénovation des méthodes et moyens de l'apprentissage. La deuxième englobe l'amélioration des performances des institutions scolaires.

     Des réflexions sur les contours de l'école du XXIe siècle ont dégagé des objectifs ambitieux. Il s'agit de préparer des profils à même de relever les défis du passage à la société de l'information, de la globalisation et de la transition vers un statut de pays qui se veut moderne.

     Face à ces défis, en dépit de leur ampleur, cela n'empêche cependant que les fondements et les principes directeurs du système éducatif, réaffirmés à chaque réforme restent absolument stables : gratuité de l'éducation de base pour tous, obligation de l'enseignement, nécessité d'ouverture sur l'environnement, impérieuse diversité des programmes et des filières, acquisition et maîtrise des technologies, des mathématiques et des langues.

Un acteur important du développement des TIC : l'Institut national de la Bureautique et de la Micro Informatique  [4]

     L'INBMI a pour ancêtre la CBMI (Centre de Bourguiba de la Bureautique et de la micro informatique) qui a été créé en octobre 1984 par Mokhtar El Atiri, fondateur de l'École nationale des Ingénieurs de Tunisie.

     En parallèle avec le plan de l'informatique pour tous qui a été lancé en France en 1985, le gouvernement tunisien a amorcé la banalisation progressive de l'utilisation du matériel informatique un peu partout, dans les ministères, dans les offices, dans les entreprises.

     Il en fut ainsi dans les établissements scolaires où l'achat du matériel s'est effectué assez souvent avec la participation volontaire des parents d'élèves.

     En 1990, Moktar El Atiri est remplacé à la tête du nouvel institut par Taher Hafaied lequel a mis l'accent sur la formation des enseignants du secondaire en bureautique et en micro informatique. Ce dernier a oeuvré auprès du ministère de l'éducation nationale pour faire inscrire l'informatique comme matière d'enseignement en 4e année secondaire (classe terminale). L'institut de son côté s'est chargé de former des cadres administratifs des ministères en informatique.

     En 1995, Taher Hafaeid a lancé une expérience d'apprentissage du langage Logo : une équipe spécialisée en matière a été chargée de former un certain nombre de clubs scolaires (lycée Montfleury, lycée rue de Marseille..., bref, des lycées de la capitale) d'initier des élèves de classes primaires et du premier cycle secondaire appelé actuellement collège, à ce langage qui fut le premier langage enseigné aux élèves. L'apprentissage s'est effectué en plusieurs étapes : le premier temps a porté sur le lexique, sur la syntaxe, sur le repérage des touches correspondantes sur l'ordinateur afin d'amener les apprenants à prendre conscience de la touche de validation, ce qui n'était pas évident pour eux tous. Ce moment d'apprentissage du code se faisait en « mode direct » avec la tortue Logo, en fonction des figures géométriques simples. Ensuite on est passé, dans une seconde phase, à une plus grande interactivité et autonomie où les élèves de différents niveaux ont été invités à porter des modifications ou des ajouts de couleurs ou encore à créer des figures. Enfin, on leur demandait de sauvegarder sur le serveur et d'imprimer après leur avoir fait une ou plusieurs démonstrations.

     En 1996, l'association francophone sur la didactique de l'informatique (AFDI  [5]) a organisé à Monastir en Tunisie avec la participation de Taher Hafaied, un colloque pour réfléchir sur le statut de l'informatique dans les institutions d'enseignement et de formation.

     En 1998, Adel Gaaloul a succédé, à la tête de l'INBMI, à Taher Hafaeid. À la même année, a été engagé un processus de décentralisation de cet institut. Un centre régional a été ainsi créé dans chaque gouvernorat.

     Celui-ci concentra ses efforts sur la vague Internet et a entamé la formation de l'ensemble des enseignants de l'éducation nationale et des inspecteurs en TIC.

     À partir de 2002, des expériences pilotes ont été tentées dans quelques établissements secondaires notamment à Sadiki, au lycée Byrsa de Carthage etc.

L'ENQUÊTE

     J'ai choisi d'étudier la prise en compte des TIC dans deux établissements secondaires différents de point de vue stratégie géographique et politique. Pour ce faire, j'ai opté pour une enquête basée sur une seule technique de recueil de données, le questionnaire.

     Elle a concerné 106 élèves répartis en quatre classes : trois appartenant au lycée Sadiki : un établissement vitrine et où se déroule une action pilote connue sous le nom « les TIC et la commission de l'intelligence ». Le quatrième groupe se rapporte à celui de Borj-Cédria, une institution implantée à la périphérie de la banlieue sud de la capitale et à l'intérieur de laquelle il y a un enseignant qui procède à une innovation pédagogique en utilisant les TIC en classe pour enseigner et qui décide d'inscrire cela dans sa stratégie d'enseignement.

     Le dépouillement des questionnaires a été effectué au moyen du logiciel SPSS version 10.

     Les taux de non réponse étaient généralement peu importants. Quelques unes, cependant, ont été considérées comme des réponses négatives.

     Les résultats dégagés ne peuvent être extrapolés étant donné que l'échantillon n'est pas représentatif. Cependant, ce travail empirique pourrait constituer une étude de cas étant donné qu'il porte sur deux établissements contrastés.

Age et sexe

     On constate que le nombre des filles est important (40), que l'âge des élèves s'échelonne entre 15 et 18 et que ceux qui ont atteint 17 ans et plus sont des redoublants. Ils représentent 24 % de la population prise en considération. La majorité des élèves qui ont atteint 16 ans sont aussi bien à Sadiki qu'à Borj-Cédria et que les garçons sont plus nombreux au premier qu'au second.

La CSP des parents des élèves interrogés

     Un regroupement des professions a été effectué en trois grandes catégories à savoir : défavorisée, moyenne, favorisée.

     Il est aussi important de signaler que la profession des parents de cet échantillon n'est pas représentative de la population tunisienne. Il est également important de remarquer que puisque 53 % des élèves n'ont que 15 et 16 ans, il paraît logique que les retraités (uniquement les pères) soient peu nombreux et ne représentent qu'un pourcentage plus que modeste.

     Je peux dire qu'aussi bien pour Sadiki que pour Borj-Cédria, la catégorie favorisée relative aux pères est plus représentée par rapport à celle des mères.

L'équipement informatique à domicile

     Trois quarts des élèves déclarent posséder un ordinateur et 6 affirment qu'ils en ont même deux chez eux. Le pourcentage des garçons qui possèdent un ordinateur à la maison (82 %) est supérieur à celui des filles (60 %), une relation significative après avoir réalisé le test de c² entre la variable « sexe » et la variable « posséder un ordinateur à la maison » a été relevée.

     Cela s'explique peut-être par le fait que les garçons sont plus motivés que les filles en ce qui concerne l'achat d'un ordinateur et ceci probablement pour s'adonner à leurs nouveaux jeux préférés.

     Quarante trois apprenants sur 106 disent être connectés à Internet. Ce chiffre est très important dans la mesure où une connexion signifie une prise de conscience vis-à-vis des NTIC en Tunisie et de l'apport que cela pourrait fournir à l'enfant, à la famille et à tout son entourage ; et aussi un consentement pour investir dans les NTIC car être abonné à Internet est coûteux par rapport au budget familial tunisien. Les 63 restants demeurent sans connexion chez eux.

     Cependant, les élèves des deux établissements ne sont pas également connectés à Internet chez eux. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, il s'avère que 50 % des élèves du lycée Borj-Cedria sont connectés à Internet contre 36 % des élèves de Sadiki.

     Je remarque également que l'équipement de ces jeunes adolescents ne se réduit pas uniquement à la possession d'un ordinateur, bien au contraire. La plupart d'entre eux sont munis chez eux d'une imprimante, d'un lecteur CD. La possession d'un ordinateur à la maison peut aussi s'expliquer par le fait que 41 % des pères des élèves interrogés dans les deux établissements exercent un métier qui appartient à la catégorie favorisée.

     Ce qui peut être avancé en ce qui concerne l'achat de l'ordinateur familial, c'est qu'il se décide à partir du revenu du père, étant donné que la majorité des mères de cette population n'exerce pas un métier rémunéré. En plus, le nombre de personnes par famille pourrait constituer un frein à la prescription d'un ordinateur dans le budget familial (on note que 40 % des ménages relatifs à cette population comptent 5 personnes par famille).

Les pratiques des TIC à domicile 

Les pratiques de l'ordinateur

     Soixante et un des répondants sur 106, affirment qu'ils utilisent l'ordinateur à la maison et 36 chez des amis. Toutefois, le nombre des élèves qui utilisent l'ordinateur en dehors de la maison est aussi important. À ce propos, on note 40 jeunes personnes de l'ensemble de l'échantillon qui se rendent dans un club et 23 dans un « publinet ».

     Cependant cette utilisation de l'ordinateur par ces apprenants est plutôt réservée beaucoup plus pour les jeux que pour des préoccupations scolaires. On relève que 60 % des élèves ont recours à l'ordinateur pour jouer avec une fréquence considérable.

     En comparant l'utilisation de l'ordinateur des interrogés des deux lycées, pour s'adonner à des jeux, je constate que les pourcentages sont très rapprochés. Cela supposerait probablement que les principales utilisations de l'ordinateur par la plupart de ces élèves se font dans un but ludique.

     Lorsque je m'intéresse aux utilisations que font ces élèves de l'ordinateur, je constate que les garçons utilisent l'ordinateur plus que les filles et encore plus quand il s'agit de jouer sauf pour faire de la bureautique.

Où ces jeunes adolescents ont-ils appris à se servir d'un ordinateur ?

     La majorité des élèves (54 %) disent avoir appris à se servir d'un ordinateur seuls ou grâce à des proches, comme les frères, les soeurs ou les amis.

     Si 31 % de l'ensemble des élèves disent avoir reçu une formation dans un « publinet » où ils se rendent pour recevoir une formation, 29 % ont appris à utiliser l'ordinateur au lycée, 7 % au collège et 5 % à l'école primaire. Néanmoins 10 % de cette population interrogée déclarent avoir eu recours à un autre moyen pour apprendre à utiliser l'ordinateur notamment dans un club d'informatique au sein de l'établissement scolaire. Retenons par ailleurs que ces clubs ont joué un rôle important dans l'apprentissage des élèves en informatique et notamment pour ceux qui n'ont pas l'occasion de pratiquer les TIC ailleurs.

Les pratiques de l'Internet

     Si une majorité des jeunes personnes ne peuvent utiliser Internet chez eux, 81 % disent y avoir accès, 32 % disent le pratiquer chez des amis, 55 % dans un club au lycée, 32 % dans les « publinets » et 9 % dans d'autres lieux, probablement, dans les lieux de travail de leurs parents. Mais retenons que dans l'ensemble 5 % déclarent n'avoir jamais eu recours à Internet.

     S'ils utilisent Internet c'est dans la plupart du temps pour jouer ou pour consulter leurs messageries électroniques ou encore pour effectuer des recherches sachant que 62 % des élèves des deux établissements ont une adresse électronique personnelle.

     Cependant, d'autres pratiques sur Internet s'avèrent possibles mais d'une manière moins fréquente comme par exemple communiquer (forums de discussion / t'chat), télécharger des fichiers...

Où ont-ils appris à utiliser Internet ?

     La première remarque à faire est celle de retenir que la majorité des élèves ont appris seuls à utiliser Internet ; leur pourcentage s'élève à 59 %. Toutefois, 38 % ont appris à utiliser Internet au lycée et 23 % dans un cyber espace. Minoritaires demeurent ceux qui ont appris au collège ou à l'école primaire et dont le pourcentage est 8 % et ceux qui ont appris dans un autre lieu notamment chez des amis, chez des parents ou encore dans les locaux de travail de l'un des parents.

     Par conséquent, il est important de retenir, en ce qui concerne cette population, que la majorité déclare avoir acquis des compétences seuls chez eux aussi bien pour l'utilisation de l'ordinateur que pour l'Internet.

Ordinateur et Internet au Lycée

Utilisation de l'ordinateur

     Plus de huit élèves sur dix déclarent avoir utilisé l'ordinateur en libre service à l'intérieur du lycée et 71 % affirment l'utiliser en classe pendant les cours sauf en ce qui concerne les disciplines « arabe », « éducation civique » et « éducation islamique » et pour certains d'entre eux en cours d'anglais. Quatre sur dix ont pu utiliser en 2002 l'ordinateur dans la bibliothèque et 33 % en technologie.

     En outre 91 % affirment qu'ils sont à deux par poste contre 7 % opérant en classe seuls sur un ordinateur. 73 % des répondants déclarent que le professeur parle moins que d'habitude quand l'ordinateur est utilisé en classe. Même en contrastant les deux lycées, je constate que 56 élèves parmi 74 en ce qui concerne le lycée Sadiki et 21 élèves parmi 32 en ce qui concerne l'autre établissement font le même constat. En plus, si je considère dans l'ensemble, tous les élèves, je retiens 60 % des élèves déclarant que la relation est meilleure quand ils font usage de l'ordinateur en classe.

Les compétences des élèves en technologies de l'information et de la communication

     Que disent les élèves de leurs compétences en TICE ?
Bon nombre d'élèves disent savoir se servir plus au moins bien de l'ordinateur et de l'Internet.

a) Vient, en ce qui concerne l'Internet

En première position la compétence de consulter un site pour trouver une information (95 %).
En deuxième position, la compétence d'adresser un message électronique à un ou plusieurs destinataires (54 %).
En troisième position, la compétence d'envoyer un fichier de texte, d'image en pièce jointe ou attachée (70 %).
En dernière position, la compétence de participer à des forums de discussion (55 %).

     Par conséquent, plus la pratique est complexe et coûteuse, moins la compétence est maîtrisée.

b) En ce qui concerne l'informatique

     Le premier grand ensemble où les élèves se déclarent être les plus compétents est celui qui concerne les opérations les plus courantes de la bureautique : ouvrir un document (83 %), saisir et modifier un texte (84 %), charger un fichier (73 %) et organiser les dossiers (69 %).

     Le second ensemble où les élèves se disent moins compétents est celui où la compétence devient plus recherchée mais qui concerne toujours la bureautique : consulter un cédérom ou un DvdRom (71 %), une base de données pour trouver une information et la copier dans un dossier (66 %) ; trouver une information et rechercher des éléments qui permettent d'en analyser la validité(55 %) ; créer une feuille de calcul (55 %) ; créer des graphiques (50 %).

     Mais si nous croisons la variable « compétence » avec la variable « posséder un ordinateur à la maison », nous ne relevons aucune relation significative entre les deux.

     Cela suggère que le lycéen peut avoir l'impression de posséder des compétences en informatique sans être équipé au moins d'un ordinateur à la maison. Néanmoins, le fait d'en posséder un l'aide encore plus à pratiquer les TIC et à améliorer son savoir faire.

     En outre, nous pouvons retenir à partir de ces résultats que garçons et filles déclarent le même niveau de compétence.

     En guise de synthèse, nous pouvons affirmer que cette population d'élèves pense posséder des compétences aussi bien pour manipuler l'ordinateur que pour utiliser Internet. Mais, comme nous l'avons déjà indiqué plus haut, ce sont des compétences qui sont surtout liées aux activités ludiques. Cependant, ils ont moins de compétences quand il s'agit de faire appel à des connaissances en lien avec les programmes scolaires.

     Les « sadikiens » n'apparaissent pas plus compétents que les élèves de l'autre établissement bien que dans leur lycée se déroule une expérience pilote. Il ne semble donc pas que les compétences ont été acquises dans le cadre de l'enseignement mais la création des clubs informatiques à l'intérieure des établissements secondaires, l'existence des « publinets » et le taux important de l'équipement des familles en ordinateur, qui n'est pas à négliger, joue vraisemblablement un rôle important.

Les opinions des élèves

     Il est important dans de pareilles circonstances, où on opère des changements dans le domaine de l'éducation, de connaître l'opinion des élèves en ce qui concerne l'intégration de l'ordinateur en classe et l'utilisation, même occasionnelle, de l'Internet.

     Une majorité des élèves (53 %) pense que l'utilisation de l'ordinateur en classe est non seulement moins fatigante mais aussi plus agréable que l'intervention du professeur. En revanche, les avis sont nettement plus partagés lorsqu'il s'agit de répondre à la question de savoir si travailler à deux sur un ordinateur n'est pas plus avantageux du fait qu'ils peuvent s'entraider pour comprendre les connaissances ou mieux les assimiler, ou quand on leur demande si le travail en binôme n'est pas de nature à profiter au plus faible des deux utilisateurs qui peut demander l'aide à son camarade ou à son coéquipier.

     Il en est de même lorsque j'étudie les réponses des élèves sollicités de dire si, dans le cas où le cours du professeur ne leur semble pas assez clair, ou s'il n'est pas bien assimilé, le recours à l'ordinateur ne leur est pas utile.

     Notons aussi que pour l'ensemble des élèves, les avis sont également partagés quand il leur est demandé de donner leurs opinions sur les cours qui se feraient en ligne, ce qui leur éviterait d'aller à l'école.

     Aussi bien les filles que les garçons déclarent que l'utilisation de l'ordinateur est moins fatigante et en même temps plus agréable que le cours du professeur mais, leurs positions sont différentes quant à la manière d'utiliser l'ordinateur et l'apport que ce dernier pourrait leur fournir. Cependant le nombre des garçons qui préfèrent ne plus aller à l'école et recevoir une formation à la maison à l'aide d'Internet est inférieur au nombre des filles.

     Il est aussi à noter qu'il n'y a aucune différence significative entre les opinions des deux lycées.

En effet, il y a des différences entre garçons et filles en ce qui concerne le taux d'utilisation de l'ordinateur et de l'Internet et les usages qui en sont faits.

     Les garçons utilisent beaucoup plus l'ordinateur et Internet que les filles par ce qu'ils sont plus motivés par les jeux. Les filles sont plutôt attirées par la recherche sur Internet par la bureautique. Le fait que les ordinateurs et Internet soient considérés par ces élèves comme un moyen de divertissement a sans doute facilité leur intégration dans leurs habitudes quotidiennes d'autant plus que ces pratiques leur procurent un sentiment de liberté.

     En ce qui concerne la dimension compétence, qui consiste à évaluer le degré et le type de compétences acquises par les jeunes lors de l'utilisation de l'ordinateur et de l'Internet, il apparaît que les compétences de ces adolescents sont dans l'ensemble élevées sauf en ce qui concerne l'utilisation du tableur-graphique et pourraient se développer si les pratiques ne cessent pas.

     En ce qui concerne les opinions et les attentes des répondants, nous constatons qu'elles sont positives quand il s'agit d'utiliser l'ordinateur et l'Internet à la maison. Mais quand il est question de remplacer les établissements scolaires par des cours en ligne les avis sont plus partagés, néanmoins la majorité d'entre eux souligne le besoin permanent du professeur et l'importance de son rôle dans le processus d'apprentissage.

     En ce qui concerne l'utilisation de l'ordinateur et de l'Internet à l'école, ces jeunes considèrent que les usages y sont limités et dictés par les enseignants ou par les responsables des laboratoires et qu'Internet n'est pas toujours accessible. Par conséquent, le mieux pour eux est d'y accéder ailleurs, à la maison ou dans un autre lieu, où la marge de liberté est plus grande.

     Nous pouvons donc conclure que l'hypothèse selon laquelle l'utilisation que font les jeunes adolescents de l'ordinateur et de l'Internet en dehors de l'école a une influence positive sur les compétences. Pour ce qui concerne l'utilisation que les jeunes font de l'ordinateur de l'Internet chez eux, elle a certes une influence sur leurs opinions et leurs attentes au sujet des TIC à l'école, mais cette influence est à approfondir et est certainement sujette à des évolutions.

CONCLUSION

     Il ressort de cette enquête que la volonté de moderniser l'enseignement est très fortement ressentie à l'intérieur de ces deux établissements. Cette volonté a aidé à l'intériorisation et au développement des compétences TIC chez ces jeunes adolescents.

     Cette enquête a aussi permis de mettre en valeur l'importance de la médiation humaine dans le processus enseignement-apprentissage. En effet, bien qu'un nouveau rapport au savoir commence à se forger grâce à l'utilisation des technologies de l'information et de la communication en classe, une tranche de la population interrogée, peu influente mais non négligeable, dénonce le fait que les TIC assumeraient entièrement les tâches de l'enseignant.

Abassi Hadhami

RÉFÉRENCES

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AFDI, 1996. Les actes de la cinquième rencontre francophone sur la didactique de l'informatique, Monastir, 10-12 avril 1996, imprimerie officielle de la république tunisienne, Tunis.

Langouët Gabriel, 1986. Suffit-il d'innover ? PUF.

Baron Georges-Louis, 2000. « Ordinateur et pratiques privées des jeunes ; l'informatique dans l'enseignement quelle intégration ? » in G. Langouët (sous la direction), Les jeunes et les médias : l'état de l'enfance en France, France, Paris, Hachette.

Baron Georges-Louis et Bruillard Éric, 1996. L'informatique et ses usagers dans l'éducation, PUF.

Baron Georges-Louis, Harrari Michelle, 1994. Le point de vue des élèves de collège à l'égard de l'informatique, Rapport final de synthèse des études menées en 1993 pour la Direction des lycées et collèges, Rapport INRP 94/TECNE-0201.

Ben Dhiaf Mohamed, 1964. « Gratification des gens de l'époque des nouvelles des Émirs ayant gouverné la Tunisie... », Histoire de la Tunisie, tome 6, publié par le secrétariat d'état des affaires culturelles et de la communication, l'imprimerie officielle de la Tunisie.

Daoud Mohamed, 2000. Politique et planification linguistique : accommodation des conflits linguistiques, p. 206-224. (titre traduit par moi-même) et article pris sur Internet sur le site : http//www.miis.edu/docs/langpolicy/ch14.pdf.

Dieuzeide Henri, 1994. Les nouvelles technologies outils d'enseignement, Les Repères pédagogiques, Nathan.

Cros Françoise, Adamczewski Georges, 1996. L'innovation pédagogique en éducation et en formation, Paris : De Boeck université.

Porcher Louis, 1994. L'école parallèle, Paris , Larousse.

Mac Mullen T., 1978. L'innovation dans l'enseignement secondaire, Paris, OCDE.

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Chobaux Jacqueline, Segré Monique, 1981. L'enseignement du français à l'école élémentaire : quelle réforme ? Le plan de rénovation de l'enseignement du français en est un exemple saisissant, Paris, PUF.

Le rapport publié sur le site de l'institut national des statistiques suivant :
http://www.tunisie.com/société/education.html
et le site suivant aussi : http://www.ins.nat.tn/.

Le rapport du PNUD : http://www.tn.undp.org/TB3.html.

Le rapport de l'UNESCO Encyclopédie of the word 2001.

Le rapport de l'UNESCO paru sous le titre : Le développement de l'éducation en Tunisie. 1996-2001.

Programme pour la mise en oeuvre du projet « école de demain » (2002-2007) imprimerie officielle de la république tunisienne, Tunis, 2002.

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Le site du réseau éducatif tunisien : http://www.edunet.tn.

NOTES

[1] Ce travail a été réalisé en 2005 par Madame Abassi Hadhami sous la direction du professeur Georges-Louis Baron.

[2] Ces chiffres ont été extraits du rapport publié en 2004 de l'institut national des statistiques (INS).

[3] PAQSET : projet d'amélioration de la qualité du système éducatif tunisien, d'après le rapport de l'UNESCO, Encyclopedia of the word 2001.

[4] Toutes ces informations ont été recueillies à partir d'une interview que j'ai effectuée auprès de Monsieur Mokhtar El Atiri, la première personne à avoir introduit les ordinateurs dans le pays. Il est actuellement conseiller auprès du Président de la République.

[5] AFDI (1996). Les actes de la cinquième rencontre francophone sur la didactique de l'informatique, Monastir, 10-12 avril 1996, imprimerie officielle de la république tunisienne, Tunis, 1996.

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Association EPI
Juin 2005

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