Les TICE à l'École élémentaire

Contribution à l'étude des compétences et des représentations
des élèves de l'école élémentaire concernant les nouvelles technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement

Holo Amon
 

Résumé : Quelles sont les activités informatiques des élèves de l'école primaire en classe et en milieu familial ? Quelles sont les contraintes liées à l'utilisation des nouvelles technologies dans l'enseignement ?
La question fondamentale que je me suis posée et qui est l'axe de ma recherche est la suivante : quelles sont les compétences et les représentations des élèves de l'école élémentaire concernant les Tice ?
Ces questions ont servi de base à mon étude dont l'hypothèse était que les compétences et les représentations des élèves concernant les Tice dépendent de la fréquence et de la qualité des activités effectuées en classe.

Cet article tente de donner quelques éléments de réponse : L'ordinateur semble avoir un double emploi pour les élèves ; outil de travail à l'école, instrument de jeu et objet ludique en milieu familial. Par ailleurs, il apparaît que posséder un ordinateur familial ne suffit pas à acquérir des compétences et des représentations plus développées et que la fréquence et la qualité des activités menées par l'enseignant permettent aux élèves de s'approprier les nouvelles technologies.

Mots-clés : représentation, compétence, informatique scolaire, nouvelles technologies de l'information et de la communication, ordinateur, internet

Introduction

     L'ordinateur est utilisé dans l'enseignement depuis son introduction dans la sphère de l'éducation. C'est à partir des années 1980 que l'informatique va être pratiquée de façon effective à l'école élémentaire.

     L'école se voulant le reflet de la société de son époque, se devait de faire entrer les technologies nouvelles en son sein, si bien qu'on parle de nos jours de technologies éducatives, de e-learning... Les infrastructures en nouvelles technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement quant à elles sont en perpétuel développement bien que leurs usages semblent insuffisants à l'école. Pourquoi cet état de fait ? Quelles sont les compétences et les représentations des élèves ?

     Ma recherche a été menée dans deux écoles primaires que j'ai nommé école A et B du 10e arrondissement de Paris pour essayer de répondre à quelques-unes de ces questions, à travers une étude exploratoire comparative des compétences et représentations des élèves.

Contexte de l'étude

     Mon étude se situe dans le cadre général de l'informatique éducative et s'inscrit en particulier dans la droite file des études sur « les représentations » qui ont été menées avant moi par d'autres étudiants. Je mentionnerai l'étude de Efthalia Giannoula et celle de Nathalie Pelpel (2000).

     En ce qui concerne mes recherches empiriques, elles ont eu lieu entre le 10 février et le 31 mars 2005 dans une classe de CE2 de l'école que j'ai nommé « A » et une classe de CM2 de l'école dite « B ».

     Après avoir pris des contacts téléphoniques avec les enseignants, il a été convenu d'un rendez-vous pour leur expliquer, ainsi qu'aux élèves, mon travail de recherche et déterminer les modalités de ma présence dans les classes.

Présentation de mon travail de terrain

Hypothèse et Méthodologie

     Après avoir eu un aperçu des problématiques se rapportant à l'utilisation des Tice, et partant de mon problème de recherche, qui est d'étudier les représentations et les compétences des élèves de l'école primaire concernant les Tice, j'émets l'hypothèse suivante : Les compétences et les représentations des élèves concernant les Tice dépendent de la fréquence et de la qualité des activités effectuées en classe.

     J'ai déjà souligné que des recherches similaires ont été effectuées les années précédentes par d'autres étudiants, notamment celles Efthalia Giannoula (2000), qui, après son enquête auprès d'élèves de CM2 dans leur classe et aussi dans leur milieu familial, a montré « qu'un environnement familial permettant une plus grande familiarité avec l'ordinateur est un facteur favorisant des représentations de meilleures qualités mais que du point de vue des compétences, cet environnement familial montrait ses limites car il ne permet pas une maîtrise susceptible de donner une vision globale et opérer des transformations sur l'objet de l'activité ». Quant à Nathalie Pelpel, elle a mené son étude dans deux classes, l'une (classe A) avait des activités informatiques soutenues et l'autre (classe B) aucune activité de ce type. Elle constate que les élèves de la classe A ont des représentations moins développées, et que les élèves de la classe B ont des représentations plus élaborées, fantaisistes. Elle en conclue que les activités scolaires en informatique influencent les représentations des élèves et que dans les deux cas, les élèves ont une connaissance de surface de l'ordinateur. En d'autres termes ces élèves sont moins compétents dans les Tice.

     Il s'agit pour moi, à travers une étude modeste puisqu'elle ne se déroule que sur une courte période et ne concerne que deux classes, d'essayer d'en savoir davantage sur la question des représentations et des compétences des élèves en vue de vérifier mon hypothèse. Pour cela, la méthodologie choisie a été la suivante : j'ai demandé aux élèves

  • la production de dessins accompagnée d'un court texte expliquant les dessins,
  • la réalisation d'entretiens avec les élèves,
  • des observations de séances d'informatique.

     La suite de ce texte expose les résultats obtenus.

Recueil des données et résultats

École A

     L'école A est située dans un secteur peu favorisé du 10e arrondissement de Paris et classée en ZEP (Zone d'Éducation Prioritaire). Elle compte 9 classes pour un total de moins de 200 élèves, 9 enseignants et une assistante d'éducation. Le chef d'établissement (le directeur) est favorable et encourage la pratique des technologies de l'information et des communications. L'école a reçu ses premiers ordinateurs en l'an 2000. L'ensemble des élèves de cette école procède à des activités informatiques plus ou moins soutenues.

     L'école dispose d'une salle informatique peu spacieuse car une partie de cette salle sert de bibliothèque. Elle est dotée de 12 ordinateurs comme la plupart des écoles de la ville de Paris. La ville prévoit remplacer ces machines qui sont vieilles de cinq ans, cette année (2005). Les ordinateurs sont installés en réseau avec un accès internet. On compte également trois imprimantes, dont une seule est en état de marche et un scanner.

     La salle possède peu d'affichages pédagogiques liés à l'utilisation de l'ordinateur. Ces affichages ont été complétés pendant la période de mon étude. Ils sont essentiellement composés d'informations relatives aux touches du clavier (espace, majuscule, minuscule, effacer...) et d'une liste de logiciels utilisés (20/20 en orthographe, Wino vocabulaire, Le pagicien...).

     L'assistante d'éducation travaille à plein temps dans l'école. Elle prend en charge les activités informatiques de presque toutes les classes bien qu'elle ne soit pas formée et affectée expressément à cette tâche. Néanmoins, elle travaille en collaboration avec les enseignants, un compte rendu des activités informatiques effectuées avec les élèves leur est fait.

     La classe de CE2 qui m'a accueilli compte 19 élèves (10 filles et 9 garçons) âgés de 8 à 10 ans. Ils suivent deux séances hebdomadaires d'informatique d'une durée d'une heure chacune en demi-groupe ce qui revient à une heure d'informatique par semaine pour chaque élève. 11 d'entre eux possèdent un ordinateur familial.

     L'enseignant de cette classe est considéré comme un pionnier dans cette école. Il est l'un des rares à effectivement pratiquer les activités informatiques avec ses élèves en demi-groupe en confiant l'autre groupe à l'assistante d'éducation qui reste dans la classe pour faire d'autres activités telles que les exercices de mathématiques, de français... Il est la personne ressource, met en place des activités informatiques (des exercices) qu'il partage avec d'autres enseignants, des activités de création de cédérom avec les élèves lors des classes découvertes.

     Deux visites hebdomadaires dans la classe ont été programmées sur la période du 10 février au 7 mars. Des activités prévues sont des productions de dessins, de textes, des entretiens et des observations de séances d'informatique.

Productions de dessins et de textes

     Il convient de remarquer que le dessin est un excellent moyen pour recueillir les représentations des enfants. Il leur offre l'occasion de s'exprimer librement sur une feuille de papier. Le dessin d'enfant est un message. Il parle, il raconte, explique tout ce que l'enfant ne peut pas formuler verbalement. L'étude de dessins d'enfant procure des renseignements très précieux aux parents, mais également aux éducateurs qui désirent comprendre l'enfant pour mieux le guider.

     Cette activité de production a été réalisée dès ma première visite. Cette séance a eu lieu en classe complète en présence de l'enseignant. La consigne qui avait été donnée est la suivante : « Dessine-moi l'ordinateur dans ton monde et écrit un court texte pour expliquer l'ordinateur à un extraterrestre ». L'enseignant m'a laissé l'initiative de dire cette consigne.

     Les enfants ont eu trois quarts d'heures pour cette activité : une demi-heure pour le dessin et un quart d'heure pour le texte. Certains élèves ont posé des questions, ils ont par exemple voulu savoir s'il fallait colorier les dessins, je leur ai répondu qu'ils étaient libres d'utiliser ce dont ils ont besoin pour leur dessin.

L'observation de séances d'informatique

     L'observation est une étape très importante dans un travail de recherche. Elle permet de comprendre l'environnement dans lequel on évolue. Dans le cadre des activités informatiques, cela va m'apporter quelques éléments quant aux compétences en informatique des élèves.

     Compte tenu du manque de temps, je n'ai pu participer qu'à deux séances d'informatique qui se sont déroulées en salle informatique, dirigées par l'enseignant de la classe de CE2, avec un demi-groupe de 9 élèves. Je ne reviendrai pas sur la description de la salle informatique qui a été déjà faite.

Séance 1

Le maître a disposé les élèves. Chacun a un ordinateur pour travailler. L'activité préconisée est la recherche d'informations sur internet. L'enseignant leur a demandé d'allumer leur machine, ensuite d'ouvrir leur dossier personnel. La consigne de travail donnée est la suivante : cliquez sur l'adresse du site à l'écran (adresse pré-enregistrée dans leur dossier par l'enseignant), lisez le texte qui apparaît et répondez aux questions (qui sont aussi préalablement enregistrées dans les dossiers). Le travail se fait sous le logiciel Open-Office.

Ils se sont mis à la tâche, Le travail consistait à lire un texte, le comprendre pour pouvoir répondre aux questions. Ceux qui n'arrivent pas à ouvrir leur dossier, à accéder au site ou à comprendre les questions se font aider par leur voisin, ou demandent l'intervention du maître.

Après trois quarts d'heures de travail, l'enseignant a demandé aux enfants d'imprimer puis d'enregistrer leur travail dans leur dossier personnel et d'éteindre les ordinateurs.

La plupart des enfants ont fait sans aide les tâches demandées. Ils savent ouvrir un dossier, rechercher des informations sur un site internet, imprimer un document, l'enregistrer dans un dossier.

Séance 2

Cette deuxième séance s'est déroulée dans les mêmes conditions que la première, c'est-à-dire le travail en demi-groupe, un ordinateur par élève...

Le travail se fait avec le logiciel de traitement de texte Works. L'enseignant distribue des textes, les élèves ouvrent leur dossier. L'exercice du jour est un travail de traitement de texte qui consiste à faire la mise en forme du texte distribué après l'avoir recopié. Il s'agissait de mettre des parties du texte en gras, de changer la taille des caractères, de mettre des couleurs, de centrer le texte...

Quelques élèves en difficulté demandent l'aide du maître, certains sont très lents pour recopier le texte ce qui entraîne des retards pour le reste du travail.

Cette séance a duré trois quarts d'heures, chacun a imprimé son travail, l'a enregistré, fermé son dossier.

L'entretien

Des entretiens sont prévus afin de permettre aux élèves d'exprimer leurs représentations de l'ordinateur par des mots.

J'ai procédé par petits groupes de trois. La durée de l'entretien avec chaque groupe ne dépassait pas vingt minutes. La question principale était la suivante : « Pouvez vous expliquer un ordinateur à une personne qui ne l'a jamais vu ? » J'ai aussi posé un certain nombre de questions sur l'utilisation de la machine pour essayer de comprendre ce qu'ils savent faire avec un ordinateur. Trois séances ont été nécessaires pour finir ces entretiens.

École B

     Située également dans le 10e arrondissement de Paris, à l'inverse de l'école A, l'école B n'est classée ni en ZEP ni en ZUS (Zone Urbaine Sensible). Elle est construite dans un micro quartier dans lequel il n'y a pas de logement social. Le quartier est habité par des familles de cadres supérieurs, de professions libérales.

     Elle compte sept classes dont une CLIS (classe d'intégration scolaire) de type 1, c'est une classe spécialisée qui accueille des enfants porteurs de handicap mental. L'école compte un nombre total de 140 élèves, sept enseignants et une assistante d'éducation.

     Le directeur de l'école est très favorable à l'utilisation des TICE. Il est le pionnier dans l'école. Contrairement à l'école A, l'assistante d'éducation n'est pas chargée de faire les activités informatiques, c'est le directeur qui prend souvent certaines classes pour les séances d'informatiques(quand il en a le temps) à la place de certains enseignants qui n'utilisent pas souvent l'ordinateur avec leurs élèves. Il n'y a pas d'ordinateurs dans les classes. Seule la CLIS dispose de 3 ordinateurs dans la salle de classe.

     L'école a une salle informatique spacieuse qui compte également 12 ordinateurs neufs livrés au mois de janvier 2005 en remplacement des anciennes machines acquises il y a cinq ans. Il y a un scanner et 12 casques. Cette salle dispose de quelques affichages pédagogiques relatifs à l'utilisation des touches du clavier (espace, ponctuations...) Les ordinateurs sont en réseau avec une liaison internet ADSL de base.

     La classe de CM2 qui m'a accueilli compte 22 élèves âgés de 10 à 11 ans. Ils sont issus d'un milieu social favorisé. Ils ont presque tous un ordinateur familial (22/23), une heure d'activités en salle informatique est prévue mais l'enseignante de cette classe n'utilise pas souvent les ordinateurs avec ses élèves.

Lors de ma première rencontre avec l'enseignante, nous avons convenu du nombre de mes passages dans sa classe. C'est ainsi que deux jours par semaine ont été retenus.

     Ma première visite a été consacrée à la production de dessins et de textes. La consigne est la même que celle de l'école A (Dessine-moi l'ordinateur dans ton monde et écrit un court texte pour expliquer l'ordinateur à un extraterrestre).

Production de dessins et de textes

     Après avoir distribué du papier à dessin aux élèves avec l'aide de l'enseignante, j'ai donné la consigne en présence de l'enseignante qui l'a reprise une deuxième fois. Les élèves ont posé quelques questions comme « est-ce qu'il faut mettre des couleurs », « faire des traits avec une règle...  » L'enseignante a tenu à jeter un coup d'oeil sur le travail de chacun avant de me le rendre. La séance a duré trois quarts d'heures. La plupart des élèves se sont appliqués comme s'il s'agissait d'un exercice de dessin habituel.

Observation de séances informatiques

     Compte tenu du programme chargé de la classe de CM2, les deux séances ont été effectuées en une heure soit une demi-heure par séance. C'est l'enseignante de la classe qui a choisi les exercices mais les séances étaient conduites par le Directeur. La durée des séances (une demi-heure chacune) était insuffisante, ce qui n'a pas permis aux élèves de finir leurs exercices.

Séance 1

Il était prévu un exercice de traitement de texte qui consistait à remettre en forme un texte extrait du livre de lecture des élèves. Il avait été pré-enregistré, tronqué, la ponctuation, les accents avaient été volontairement omis. Les élèves devaient reconstituer le texte semblable à l'original, en se servant de leur livre. Ils devaient mettre des parties du texte en gras, souligner... Le logiciel du traitement de texte utilisé était « open office ».

Les élèves avaient beaucoup de difficultés, le directeur était très sollicité pour rappeler comment mettre un mot en surbrillance, comment faire un copier coller... Il m'expliquait que les élèves avaient oublié les bases du traitement de texte par manque de pratique.

Séance 2

Le deuxième exercice consistait à faire une recherche sur internet. Il s'agissait de trouver de la documentation sur le Brésil à l'aide du moteur de recherche « Google ». La plupart des élèves ont pu trouver des pages Web et de la documentation sur le Brésil.

J'ai constaté qu'ils étaient plus à l'aise pour cet exercice, mais que cependant le vocabulaire lié à internet était mal maîtrisé ; beaucoup de confusions, par exemple certains enfants prétendaient que « Google » était un site.

Entretiens

Des entretiens avec tous les élèves de la classe ont eu lieu. Le mode d'organisation des entretiens était similaire à celui de la classe de CE2 de l'école A et les questions non plus n'ont pas été modifiées

Analyse des résultats et perspectives

Analyse des résultats

     Les données recueillies vont faire l'objet d'une analyse dans cette partie de mon travail. À travers les dessins, les entretiens et les observations, j'ai pu constituer des données très riches mais difficiles à exploiter et qui, je l'espère me permettront de dégager les éléments nécessaires en relation avec mon hypothèse de travail. Il convient de signaler que l'interprétation de ces données est relative à un contexte bien précis ; les représentations et les compétences des élèves qui se dégageront restent limitées à un moment bien donné. Il s'agit de jeunes enfants dont les représentations, et les compétences ne sont pas figées, qui évoluent dans le temps.

     Néanmoins, les résultats de mes recherches reflètent bien la réalité de ce qui a été vu, observé et entendu.

     Je voudrais signaler que j'ai établi des codes pour désigner chaque élève afin de garder l'anonymat de ces personnes. Ainsi, le code A1 signifie élève 1 de l'école A, au code B3 se réfère à l'élève 3 de l'école B. Le numéro est attribué suivant l'ordre alphabétique des prénoms.

L'analyse des dessins et textes

     L'analyse des dessins me permettra de pouvoir dégager les représentations et compétences des élèves. Pour cela une observation très fine sera nécessaire. Une première vue d'ensemble de ces dessins m'a permis de voir un ensemble de composants, de connexions, et des textes explicatifs.

L'analyse va se faire, autour de ces aspects :

Les dessins : représentations des composants et connexions

     Il apparaît, après une observation rapide de l'ensemble des dessins, que ceux des CM2 sont plus soignés, 10 sont légendés, faits sur du papier dessin distribué par leur enseignante. Tous les élèves ont utilisé des règles pour tracer des lignes droites. Cela ressemble à un véritable exercice. Quant aux élèves de CE2, ils ont fait des dessins peu soignés, 9 sont légendés, souvent à main levée mais qui répond à la consigne.

     Un autre examen plus poussé m'a permis de voir 4 composants représentés par la grande majorité des élèves (clavier-souris-écran-unité centrale).concernant les élèves de CE2, 16 / 18 dessins (voir par exemple celui de l'élève A13).


Dessin de l'élève A13

     Et les CM2, 18/23 (représentation de l'élève B21).


Dessin de l'élève B21

     À partir de ce constat, on peut penser que les élèves de ces deux classes, dans l'ensemble ont une bonne connaissance des composants clés, visibles, liés à l'ordinateur. Quant au trio souris-clavier-écran il est représenté par l'ensemble des élèves des deux classes. Pour ces élèves l'ordinateur est avant tout composé de ces trois éléments.

     Nous avons ensuite un autre groupe de composants (micros, casques, haut-parleurs, imprimantes, scanners) qui sont assez peu visibles sur l'ensemble des réalisations ; casques et micros et haut-parleurs : 3 dessins pour les CE2 contre 6 pour les CM2. Les imprimantes et scanners ne sont pas représentés par les CE2 alors qu'ils apparaissent 5 fois sur ceux de leurs copains de l'école B.

     La faible représentation de ces éléments pourrait s'expliquer par leur absence ou leur utilisation et manipulation peu fréquentes à l'école par les élèves. En effet lors de l'observation de quelques séances d'informatique, les scanners ou les imprimantes ont été peu utilisés. Cette absence de représentation pourrait aussi s'expliquer par les difficultés pour les plus jeunes à représenter graphiquement ces éléments. Les micros et casques ont été moins présents sur les dessins des CM2 bien que tous les ordinateurs de l'école B en soient munis.

     À noter qu'un décodeur (la Freebox) est dessiné par un élève de CM2. Un autre représente un modem ADSL sur lequel on voit un signe « W » (on peut penser à un modem Wanadoo). Ici, il s'agit d'une référence à leur expérience personnelle, familiale liée à l'utilisation d'internet puisqu'il n'y a pas de Freebox à l'école. Mais il faut remarquer que seuls 2 dessins en y font allusion.

     Concernant les connexions, chez les CE2, 3 dessins représentent une liaison de l'ordinateur à une prise électrique contre 2 sur ceux des CM2. La connexion entre composants s'établit comme suit : chez les CE2, 5 montrent des connexions conformes à la configuration de la classe c'est-à-dire que le clavier, la souris et l'écran sont reliés à l'unité centrale par des câbles contre 6 connexions correctes chez leurs aînés du CM2. Les autres dessins dans les deux classes, représentent des liaisons plus exotiques (clavier-souris ; écran-souris ; imprimante-écran ; imprimante-scanner, voir dessin B 21). Très peu d'élèves ont été capables d'établir des connexions correctes. Ils ont dans l'ensemble une vue erronée de la façon dont les composants sont liés entre eux. J'estime qu'une attention particulière n'est pas mise sur cet aspect lors des séances informatiques.

     Toujours concernant les dessins, chez les CE2, 5 représentent des écrans non vierges (les ordinateurs en marche). Sur 1 de ces écrans, on peut lire « traitement de texte », sur un autre « internet-poste de travail-bureau » On peut voir sur les 3 autres écrans, des icônes. Chez les CM2, nous avons également 5 dessins représentant des ordinateurs en marche dont 3 écrans nous montrent des pointeurs de souris, 1'écran fait allusion à internet, 1 autre représente des icônes, et sur le cinquième écran, du gribouillage ; on ne voit rien de significatif.

     Bien que beaucoup d'enfants aient présenté des écrans vierges, quelques écrans allumés nous renseignent sur les activités informatiques de ces élèves.

     Il convient de remarquer que les élèves de CE2 (avec 27 % de connexions réussies lors de l'exercice pratique), bien que de niveau inférieur, plus jeunes, de milieu social peu favorisé et ne possédant pas tous d'ordinateur familial (11/18 élèves) font presque aussi bien que leurs aînés de CM2 (29 %) provenant presque tous de quartier favorisé et possédant des ordinateurs (22/23 élèves). Ils les surpassent même sur certains points ; concernant les quatre principaux composants cités antérieurement, nous avons 90 % de réussite chez les CE2 contre 86 % chez les CM2. Nous avons là, un premier indice allant dans le sens de la confirmation de mon hypothèse (les compétences et les représentations des élèves concernant les Tice dépendent de la fréquence et la qualité des activités effectuées en classe).

     Les dessins ne suffisant certainement pas pour que les élèves puissent exprimer tout ce qu'ils savent de l'ordinateur, les textes qui les accompagnent nous en diront peut être davantage.

Les textes

     Chez les élèves de CE2, plus de la moitié des textes (11) font allusion aux activités scolaires ; « l'ordinateur sert à écrire des textes, à faire des recherches, à avoir des informations » et fait aussi référence aux activités ludiques ; « l'ordinateur sert à jouer, à dessiner, à chercher des images, regarder des DVD... ». Voici ce que l'élève A10 a écrit : « l'ordinateur sert à taper ou apprendre à taper des textes, on peut parfois regarder des cédéroms sur l'ordinateur, on peut aussi dessiner. »

     Sept textes n'évoquent ni jeux, ni travail mais essayent d'expliquer le fonctionnement de l'ordinateur, l'élève A7 écrivait ceci : « Pour allumer l'ordinateur, on appuie sur le bouton », un autre (A10) écrivait, « sur le clavier il y a une longue touche, cette touche s'appelle la touche espace, elle sert à faire des espaces ».

     Chez les CM2, six textes font exclusivement référence aux activités scolaires (recherches, informations, traitement de texte...), 10 parlent de travail et de jeux, 3 de jeux uniquement, 3 autres ne font référence ni aux jeux ni au travail scolaire.

     À travers la lecture de ces textes, nous constatons que l'ordinateur est considéré comme un instrument de travail et de loisir pour la grande majorité des élèves. Plus de la moitié des élèves de CE2 (11) associe étroitement l'aspect « travail et ludique » de l'ordinateur contre 10 chez leurs grands frères de l'école B.

Les entretiens

     Après transcription et lecture des entretiens, j'ai regroupé toutes les réponses par rubrique en rapport avec les questions posées.

Ainsi, à la question : « Comment expliquer un ordinateur à une personne qui ne l'a jamais vu ? »

     Voici donc ce qui ressort des réponses :
Certains élèves ont cité quelques composants (le clavier, l'écran, l'unité centrale, souris), quelques explications sur le fonctionnement de l'ordinateur, l'élève A7 dit : « pour éteindre l'ordinateur, tu regardes en haut, il y a une croix, tu appuies, après tu vas sur démarrer, après, tu fais arrêter, après tu vois arrêter, annuler, on clic sur arrêter et après, on fait ok. »
Il est aussi vu comme un outil de communication, pour l'enfant B21 « c'est une machine qui sert à communiquer avec les autres ».

     Mais dans l'ensemble il y a deux types de réponses qui émergent du lot : d'abord « l'ordinateur comme outil d'apprentissage » apparaît 16/18 dans les entretiens avec les élèves de CE2 et 16/23 chez les CM2, pour A6 « L'ordinateur, c'est une machine, on peut taper des textes dessus, chercher des renseignements ».
Ensuite « l'ordinateur comme outil de jeux » qu'on retrouve respectivement 11/18 et 14/23. Pour l'élève B17 « l'ordinateur c'est fait plutôt pour s'amuser ».

À la deuxième question : « Qu'est ce que vous aimer faire avec l'ordinateur ? »

     Nous retrouvons les deux thématiques qui sont d'un côté les activités ludiques (les jeux, les dessins, les images, les films DVD...) sont citées 17 fois par les CE2 et 21 fois chez les CM2. B23 disait « moi, j'aime bien regarder des films, jouer, chercher des images » et A1 « j'aime dessiner, faire des jeux, chercher des sites, avoir des photos ».
Et de l'autre côté les activités scolaires (recherches, textes...) sont citées 14 fois par les CE2 et 10 fois par les CM2. A16 « moi, j'aime écrire des textes qui sont sur une feuille que le maître donne, rechercher des choses, et répondre aux questions qui sont sur les fiches ».

À la troisième question, « Qu'est ce que vous savez faire avec l'ordinateur ? »

     Il y a deux grands axes qui se dégagent, « le traitement de texte » et « les recherches sur internet ».
Pour le premier axe, 8/18 élèves de CE2 disent savoir-faire un traitement de texte et 7/23 chez les CM2.
Concernant les recherches sur internet, chez les CE2, 4 élèves déclarent savoir « surfer » et rechercher des informations contre 9 chez les CM2.

     Au-delà de ce que les uns et les autres ont pu dire, les observations que j'ai effectuées lors des séances informatiques m'ont permis de constater que la grande majorité des élèves de CE2 a quelques compétences en matière de traitement de texte (mettre un texte en gras, de changer la taille des caractères, mettre des couleurs, centrer le texte, copier, coller...).

     Quant au CM2, j'ai observé chez un grand nombre d'entre eux, quelques difficultés pour mettre un mot ou une phrase en surbrillance, en gras, à copier ou coller. Le directeur qui dirigeait cette séance observée a confirmé mon observation en affirmant que les élèves avaient oublié les bases par manque de pratique. Il faut rappeler que c'est le directeur qui s'occupe des séances d'informatique pour la plupart du temps quand il est libre bien sûr.

     Cependant la grande majorité sait faire des recherches à partir du moteur de recherche Google et trouver des informations, bien que ces élèves aient des problèmes de terminologie ; ils confondent aisément moteur de recherche et site internet en affirmant par exemple que « Google est un site internet ».

À la quatrième interrogation : « L'ordinateur est-il capable de répondre à toutes les questions ? »

     À cela, 10 élèves de CE2 pensent que l'ordinateur ne peut pas répondre à toutes les questions, A16 disait « il ne sait pas quelle notre couleur préférée »,
7 affirment le contraire, A5 « dans le nouveau, il sait, il y en un qui est sorti, il répond à toutes les questions ». Un élève n'a pas pu répondre à la question.
Quant aux CM2, ils pensent majoritairement (22/23) que l'ordinateur ne peut pas répondre à toutes les questions, seul un élève répond par l'affirmative.

Au vu de l'ensemble des analyses des données, nous pouvons confirmer notre hypothèse. Les compétences et les représentations des élèves des nouvelles technologies de l'information et de la communication dépendent de la fréquence et de la qualité des activités effectuées en classe.

     En effet, les élèves de CE2 qui font régulièrement des séances informatiques semblent plus compétents que ceux de CM2 qui sont moins présents en salle informatique. L'ordinateur familial dont ces derniers disposent n'a pas contribué efficacement à l'acquisition des compétences dans la mesure où l'ordinateur domestique me semble-t-il sert beaucoup plus aux activités ludiques que scolaires, nous avons pu constater que les jeux, les films et dessins avaient une place privilégiée dans leurs pratiques extrascolaires.

     Les uns et les autres ont développé leurs représentations de l'ordinateur, nous avons constaté également que les CE2 savent ce qu'est un ordinateur, à quoi ça sert, comment ça marche, bien que provenant pour la majorité de milieu défavorisé et ne disposant pas tous d'ordinateur à la maison.

Conclusion et perspectives

     J'arrive au terme de mon étude sur les compétences et les représentations des élèves. J'ai essayé de montrer que la fréquence et la qualité du travail effectué par l'enseignant permettaient aux élèves de s'approprier les nouvelles technologies de l'information et de la communication à l'école. Cette étude a aussi permis de comprendre les idées que les élèves se font de l'ordinateur. Les uns et les autres ont développé des représentations suffisamment riches sur lesquelles l'enseignant pourrait s'y appuyer pour bâtir un apprentissage plus adéquat.

     Je proposerais donc que l'étude des représentations des élèves soit un préalable pour l'enseignant afin de mieux cerner ses élèves.

     À la différence de la radio ou de la télévision éducative, les Tice grâce à l'ordinateur qui est une machine « révolutionnaire », que certains comparent à l'invention de l'imprimerie, ont à mon avis un avenir prometteur au service des élèves mais à condition d'y mettre les moyens qui ne sont plus d'ordre matériel.

     Pour ce qui est de ma question de recherche proprement dîtes, cette étude exploratoire m'a permis d'avoir accès aux représentations et aux compétences des élèves de deux classes de l'école élémentaire. Il me semble désormais intéressant de prolonger celle-ci par une étude plus poussée qui prendrait en compte différentes classes, différentes situations, en particulier la prise en main du traitement de texte, du tableur et du travail personnel des élèves.

Holo Amon
étudiant en master de sciences de l'éducation,
Université René Descartes, Paris V

Références bibliographiques

Abric Jean-Claude (1994). Pratiques sociales et représentations, PUF, 2e édition 1997.

Baron Georges-Louis et Bruillard Éric (1996). L'informatique et ses usagers dans l'éducation, PUF, 312 p.

Bonfim Souza (1999). Internet à l'école : Une étude exploratoire sur les représentations des élèves, mémoire de DEA, École normale supérieure de Cachan, 57 p.

Giannoula Efthalia (2000). L'enfant et l'ordinateur : Pratiques familiales et attentes scolaires, mémoire de DEA, Université René Descarte, Paris V, 82 p.
http://archive-edutice.ccsd.cnrs.fr/edutice-00000407.

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Association EPI
Septembre 2005

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