L'usine à gaz ou le eportfolio de « Big Brother »

Robert Bibeau
 

     Il existe trois approches, dans le développement et l'usage du portfolio numérique en éducation : (1) l'approche « C'est à moi » ; (2) l'approche « Usine à gaz de Big Brother » ; (3) l'approche « Trois portfolios distincts ».

1) La première approche se caractérise par un certain nombre de notions, de concepts et de pratiques que tous reconnaîtront.

     C'est le portfolio pour apprendre. C'est le compendium des savoirs et des compétences. C'est le portfolio outil de métacognition et d'autorégulation. C'est le lieu de l'évaluation formative. C'est l'instrument qui aide l'apprenant à gérer ses apprentissages et qui lui offre les outils numériques d'indexation et d'élaboration de ses travaux. C'est le lieu de rangement ordonné de ses brouillons, de ses esquisses, de ses travaux et des commentaires, critiques et appréciations qui les accompagnent. C'est un lieu d'essais-erreurs, de réflexions et d'expression en toute discrétion. C'est le portfolio d'apprentissage que l'élève contrôle, gère et ouvre à qui il veut. Un outil de travail collaboratif et un dépôt que l'apprenant conserve et transporte d'une institution à une autre, d'un ordre d'enseignement à un autre.

     Mais cet outil peut-il servir à l'évaluation et à la certification ?

     Certainement répondent les tenants de l'« Usine-à-gaz de Big Brother ».

2) L'approche « Usine-à-gaz de Big Brother » dans le développement et l'usage du portfolio numérique se caractérise, elle aussi, par un certain nombre d'expressions et de pratiques.

     C'est le eportfolio institutionnel fait pour gérer les apprenants et l'enseignement. C'est le portfolio de l'évaluation sommative, des référentiels de compétences pour la régulation et la certification, pour l'enregistrement des notes et la présentation des bulletins. C'est le portfolio qui veut garantir la « traçabilité » (vous savez comme en boucherie), pour assurer le « suivi » de l'élève et « certifier » sa conformité aux standards. C'est le eportfolio pour le bilan des acquis, les équivalences certifiées, les bulletins et les diplômes reconnus.

     C'est le portfolio numérique en interconnexion avec les centres de services aux entreprises, les agences de placement et de recouvrement et les multiples banques d'information gouvernementales pour la vérification des curriculum vitae, de la solvabilité et la validation des acquis normés tout au log de la vie.

     Une citation glanée dans une revue informatique récente rend bien compte de ce portfolio « L'IMS Global Learning Consortium a annoncé le lancement public de la spécification IMS eportfolio. L'implantation de cette spécification permet de communiquer, d'une manière interopérable, différentes données consignées dans un portfolio numérique. La spécification sert collectivement les intérêts des institutions d'enseignement et des organisations qui recourent de plus en plus à cet outil pour témoigner d'une démarche apprenante ou professionnelle »  [1].

3) La troisième approche dans l'usage du portfolio numérique en éducation tente de concilier plusieurs aspects des deux approches précédentes et pour cela segmente les fonctions du eportfolio en trois portfolios distincts.

     Dans cette approche chacun des portfolios, le portfolio d'apprentissage « Je travail, j'apprends, je conserve » ; le portfolio de présentation « J'expose, j'affiche ce que je fais, je montre qui je suis » ; et le portfolio d'évaluation « Je m'auto-évalue, je reçois les commentaires de mes pairs et l'évaluation de mes professeurs, je rends des comptes, je complète des épreuves et je reçois ma certification », chacun des portfolios disions-nous, est indépendant mais interconnecté (avec la permission de l'apprenant), inter-opérable (avec mot de passe et système de sécurité pour protéger les données sensibles) et portable (l'apprenant peut tout effacer, sauvegarder ou recommencer). Voilà les fonctions de base qui servent à évaluer la qualité d'un bon portfolio numérique  [2].

     Chacun de ces trois portfolios numériques indépendants assure la fonction qui lui est propre avec le niveau d'étanchéité et de discrétion qui sied à sa mission dans le respect des règles d'accès à l'information. La confiance étant ainsi rétablie l'apprenant utilise ses trois portfolios numériques dans ses apprentissages collaboratifs car apprendre est une activité éminemment communautaire.

30 septembre 2005

Robert Bibeau

NOTES

[1] http://www.profetic.org/normetic2004 et http://www.europeanims.org/.

[2] http://ntic.org/guider/textes/div/portfoliobasque/portfoliobasque.html et pour les références sur le eportfolio http://ntic.org/guider/textes/portfolio.html.

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Association EPI
Novembre 2005

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