S3IT 2008
Schéma Stratégique
des Systèmes d'information et des Télécommunications

Une stratégie pour le numérique dans l'éducation et la recherche

MENESR, secrétariat général, cellule de pilotage des systèmes d'information,
août 2006. Contact : cepsi@education.gouv.fr
 

   Nous avons reçu du Ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (MENESR) le S3IT, nouveau schéma stratégique des Systèmes d'information et des Télécommunications dans l'éducation et la recherche. Ce nouveau schéma définit de grands axes stratégiques. « Il affirme l'ambition de l'Éducation nationale d'intensifier l'utilisation des technologies de l'information et de la communication dans les classes, à l'université, dans les organismes de recherche, dans les laboratoires et dans les services administratifs. » (Éditorial du Ministre)

   Le S3IT 2008 prolonge l'acquis du schéma établi en 2000  [1] et de son actualisation en 2002. Mais, si les précédents S3IT se concentraient sur les outils et les infrastructures, « le nouveau S3IT doit encourager les usages pertinents du numérique dans l'École, de la maternelle à l'université » (page 4).

   À l'évidence, si l'on en croit ce texte dense et très technocratique, le MENSER souhaite une généralisation des TICE. Le tout est de savoir s'il s'en donne les bons moyens.

   Le document définit 7 axes stratégiques. Nous nous arrêterons plus spécialement sur les 4 axes concernant les « priorités majeures » dans l'enseignement scolaire (enseignements primaire et secondaire).

Suivre et piloter les parcours et les acquis des élèves

   Il s'agit là de mieux suivre, de mieux évaluer et de mieux adapter la réponse éducative en liaison avec les familles et les partenaires. L'EPI s'est récemment exprimée et a émis quelques craintes à propos des données nominatives  [2], nous n'y reviendrons pas ici.

Généraliser un usage pertinent des TICE dans les activités pédagogiques et éducatives

   Effectivement, il serait temps. Souvenons-nous que l'expérience française d'introduction de l'informatique dans l'enseignement secondaire (expérience dite des 58 lycées  [3]) est née en 1970, se fondant sur les conclusions d'un séminaire de l'OCDE. Si l'expérience fut quantitativement modeste, elle fut qualitativement très riche d'enseignement, comme en témoignait le rapport d'évaluation publié par l'INRP  [4].

   Trente cinq ans après... le S3IT propose « la poursuite des études sur l'impact des TICE et leur mise en perspective par une observation systématique des pratiques pertinentes » (page 14). Une vague impression d'avoir lu cela bien des fois et depuis bien longtemps ! Mais nous sommes trop impatients : « C'est un chantier de plusieurs années que de conduire le renouvellement pédagogique... » (page 14). Certes, encore faudrait-il qu'il soit conduit régulièrement, rigoureusement, avec des financements publics importants mais aussi avec des moyens qui ne soient pas seulement matériels.

   « Les outils pédagogiques correspondant aux nouvelles approches des savoirs devront (notez le futur) être mis en place dans chaque discipline et dans la transdisciplinarité (...) possibilité pour chaque élève de progresser à son rythme (...) l'élève doit apprendre à "construire" son savoir avec l'aide de l'enseignant et non plus seulement à "recevoir" un savoir transmis. » De telles déclarations ont déjà été faites, pratiquement dans les mêmes termes, il y a de nombreuses années. Qui disait récemment que le système éducatif n'avait pas de mémoire ?

Aider à la généralisation des environnements, des services et des ressources numériques

   À l'horizon 2008 chacun devra pouvoir utiliser un portail et disposer de ressources pédagogiques et professionnelles adaptées (déploiement des ENT, réduction de l'écart numérique entre les établissements, meilleure coordination du travail collaboratif, développement des outils de liaison...). Acceptons-en l'augure. Souhaitons une continuité d'action entre les gouvernements successifs.

Favoriser les partenariats avec les collectivités territoriales

   Le S3IT nouveau propose de conduire une politique de partenariat et d'échange de données entre l'État et les collectivités territoriales. Cela correspond effectivement à une demande de ces dernières qui se plaignent également d'un certain désengagement de l'État  [5].
 


 
   Ces 4 axes stratégiques plus spécifiquement orientés « enseignement-éducation » répondent-ils aux besoins assez bien identifiés par le rapport du groupe de travail pour le développement des TIC dans l'Éducation nationale dont l'EPI a publié récemment sa « lecture »  [6] ?

   Répondent-ils concrètement aux problèmes qui freinent le déploiement de l'informatique et des TIC dans le système éducatif ? Rien n'est moins sûr.

   Si l'on cherche à comprendre pourquoi si peu d'enseignants utilisent pédagogiquement l'ordinateur avec leurs élèves, alors que la plupart disposent d'un ordinateur à domicile et s'en servent pour préparer leurs cours, plusieurs causes très prosaïques reviennent systématiquement et depuis longtemps :

  • L'insuffisante formation aux utilisations pédagogiques qui entraîne un manque de confiance en soi. De façon générale, les enseignants sont bien formés dans leurs disciplines respectives mais mal formés dans le domaine des TICE. Il est facile de comprendre qu'ils ne soient pas portés à les utiliser dans la classe.

  • À cela s'ajoutent le manque de soutiens technique et pédagogique, les difficultés d'accès aux machines, l'inadaptation des logiciels pédagogiques, le manque de modèles d'usage, le manque d'incitation des programmes d'enseignement, les difficultés de la gestion du temps dues aux structures contraignantes...

   C'est évidemment sur ces causes identifiées de longue date qu'il faudrait concentrer les efforts avec détermination et en restant très proche des réalités du terrain.

   Certes, les matériels sont indispensables en nombre suffisant et les efforts consentis par les collectivités territoriales sont décisifs mais les blocages les plus importants sont ailleurs. Ils sont pour l'essentiel organisationnels et humains. Surmonter ces blocage n'est pas hors de portée et ne nécessite pas forcément des moyens financiers démesurés.

   Au moment où le Bureau de l'EPI peinait à lire ce nouveau schéma S3IT, a été rendu public l'audit sur les collèges  [7]. Il confirme, pour ce niveau d'enseignement, bien des points déjà signalés. Si de nets progrès ont été accomplis en termes d'équipements informatiques des collèges, et d'accès à internet, 53 % des chefs d'établissement du secteur public et 68 % du privé estiment que les TIC ne font pas l'objet d'un soutien financier, logistique et méthodologique suffisant. L'audit pointe notamment le manque de personnels compétents dû à l'insuffisance des formations initiale et continue, mais aussi les limites d'une politique logicielle manquant d'ampleur et de perspectives à long terme. Ainsi, commencent à apparaître des analyses qui ne se contentent plus de pointer les problèmes matériels (nombre d'ordinateurs, branchement aux réseaux) mais s'intéressent également aux contenus et aux aspects humains que l'EPI a été longtemps seule à identifier.

   Et puisque nous parlons de contenus, nous sommes obligés de remarquer, une fois de plus, que tous les textes officiels et para-officiels (le S3IT nouveau ne fait pas exception) se placent résolument dans l'optique « politiquement correcte » : L'informatique et les TIC sont des « outils » (même pas des instruments !) que l'on « utilise ». Toute idée d'enseignement spécifique n'est même pas envisagée, au profit d'apprentissages empiriques dont on connaît le résultat. Apprentissages sous la responsabilité d'enseignants souvent moins compétents (tout est relatif) que leurs élèves. Il s'agit là d'une situation nouvelle que les maîtres ont beaucoup de mal à vivre, mal formés à l'informatique et aux TIC, non préparés à assumer en face de leurs élèves cette formation approximative qui est d'autant moins tolérable que la pratique des équipements numériques se généralise hors de l'École.

   Devant la réalité d'une situation globalement peu satisfaisante, compte tenu de la très longue expérience de notre pays en matière d'« informatique pédagogique », l'EPI a proposé depuis bien longtemps un enseignement « I+TIC » spécifique, structuré et continu du collège au lycée. Enseignement complémentaire de l'approche par les différentes disciplines et activités  [8].

   Reconnaissons que, bien seuls dans cette entreprise, nous n'avons pour l'instant pas pu convaincre.

   Notre pays s'engage dans le siècle de l'information et de la communication avec une population bien mal formée aux TIC. Cette situation s'enracine dans les enseignements scolaires. Nous n'avons pas vu dans le schéma S3IT les réponses attendues qui soient à la hauteur des enjeux.

Paris, 25 octobre 2006
Le Bureau national EPI
courrier@epi.asso.fr

NOTES

[1] Éditorial de la Revue de l'EPI n° 98 de juin 2000, sur le S3IT : http://www.epi.asso.fr/revue/98/b98p005.htm.

[2] ENT, le problème des données nominatives : http://www.epi.asso.fr/revue/lu/l0610t.htm.

[3] Quelques jalons : http://www.epi.asso.fr/revue/histo/h85ep.htm.

[4] Dix ans d'informatique dans l'enseignement secondaire (1970-1980), Recherches pédagogiques INRP, 198 pages.
Dix ans plus tard, un autre rapport, rédigé par Monique Grandbastien, où tout était dit ou presque : Les technologies nouvelles dans l'enseignement général et technique, fut remis au Ministre de l'Éducation nationale : http://www.epi.asso.fr/revue/56/b56p055.htm.
Et, il y en eu d'autres !

[5] Les Régions engagées dans les TIC pour l'éducation bien au-delà de leurs obligations (Communiqué de l'Association des Régions de France). Extraits : http://www.epi.asso.fr/revue/lu/l0601u.htm.

[6] Lecture EPI du rapport du groupe de travail pour le développement des TIC dans l'Éducation nationale :
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a0609a.htm.

[7] Dépêche Aef du 17-10-06 : http://www.educnet.education.fr/aef/articles/html/aef-69998.htm.

[8] Socle commun des connaissances et compétences et enseignement de « l'informatique et des TIC » :
http://www.epi.asso.fr/revue/docu/d0601b.htm.

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Association EPI
Octobre 2006

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