Réponse de José Bové, candidat à l'élection présidentielle 2007,
au questionnaire d'APRIL pour l'initiative Candidats.fr

mars 2007 – extrait.

 

   Le questionnaire destiné aux candidats à la présidentielle a été notamment rédigé en collaboration avec la FFII France (partie Brevetabilité), l'initiative Racketiciel (partie Vente liée) et l'Association Enseignement Public & Informatique (partie Éducation).

14 - Enseignement de l'informatique et logiciels libres dans l'éducation

- Question 14a : Êtes-vous favorable à ce que l'informatique soit une composante à part entière de la culture générale scolaire de tous les élèves sous la forme notamment d'un enseignement d'une discipline scientifique et technique au lycée ?

Oui.
Au même titre que savoir lire, écrire ou compter, l'informatique devient une nécessité dans la vie de tous les jours, par exemple pour communiquer, pour rechercher un itinéraire, mais aussi pour comprendre les enjeux de l'informatisation de la société (fichage, virus, informatique et liberté...). De plus, l'informatique est très souvent nécessaire dans la vie professionnelle.

Cependant, nous ne sommes pas tous égaux devant l'informatique, notamment à cause des capacités et motivations de chacun mais aussi du prix des machines et de l'existence ou non de personnes compétentes autour de soi. C'est la fracture numérique.

Assurer l'égalité dans l'accès aux connaissances a toujours fait partie des objectifs de l'école républicaine, et à ce titre l'enseignement de l'informatique au lycée est nécessaire. Cet enseignement doit être traité comme une matière à part entière, et pas comme une « sous-partie » de l'enseignement des mathématiques ou de la physique. Les méthodes mises en oeuvre, si elles font parfois appel aux mathématiques, sont différentes. De même, la culture informatique n'est pas la culture mathématique.

Nous proposons donc la création d'une discipline informatique au lycée, avec au moins 2h d'enseignement par semaine, et la création d'options « informatique avancée » en première et/ou en terminale, adaptées aux différentes sections scientifiques et littéraires.

Cette discipline devenant une discipline à part entière, il s'appliquera à celle-ci les mêmes modalités de vie que pour les autres disciplines : élaboration des programmes, formation initiale et continue des enseignants... Cette nouvelle discipline sera présente lors de l'examen du baccalauréat.

La création de cette discipline donnera lieu au recrutement de personnels compétents, tant pour l'enseignement que pour l'administration des salles machines nécessaires. Les enseignants de cette discipline informatique devront faire l'objet d'un plan de formation au niveau du CAPES et de l'Agrégation pour aboutir à la fin de la législature à ce que tous les lycées aient cet enseignement en place.

Bien entendu, l'enseignement de l'informatique ne doit pas se limiter au lycée, mais doit aussi être présent dès l'école primaire et le collège (culture générale, maniement de l'ordinateur, internet), et, selon les orientations choisies, se poursuivre dans l'enseignement supérieur. Commencer l'enseignement de l'informatique très tôt est nécessaire pour éviter que la fracture numérique se forme au sein des nouvelles générations, et que celle-ci ne conduise à une très grande hétérogénéité de niveau, rendant par la suite l'enseignement de l'informatique extrêmement difficile.

- Question 14b : Êtes-vous favorable à ce que les élèves soient formés non pas à une gamme de produits (la suite Microsoft Office...) mais à des catégories d'outils (traitement de texte, tableur, logiciels de présentation...) ?

Oui.
L'objectif n'est pas de former l'élève à des logiciels, mais aux tâches qu'ils lui permettent d'effectuer (par exemple rédiger un compte-rendu de TP, participer à une liste de discussion, réaliser une présentation pour un exposé...). Il existe souvent
plusieurs moyens d'accomplir ces tâches, et, sur le plan pédagogique, il est intéressant d'en présenter plusieurs lors de la formation (deux traitements de texte différents, par exemple). Cela permet de faciliter la compréhension « en profondeur » des concepts manipulés.

Il y a plusieurs raison de ne pas former les élèves à des logiciels spécifiques :

Premièrement, un élève ou un étudiant peut avoir à utiliser des logiciels différents à l'école, chez lui, lors de stages professionnels, et, par la suite, au travail.

Deuxièmement, les logiciels évoluent et changent très rapidement. Certains tombent en désuétude, et les élèves formés exclusivement à l'usage d'un seul logiciel se trouveront alors handicapés. Ils auront plus de difficultés à s'adapter aux nouveaux logiciels. Au contraire, les élèves formés à des catégories de logiciels et à des fonctions génériques seront plus à même de s'adapter, car ils retrouveront des éléments déjà connus dans les nouveaux logiciels (par exemple la notion de copier-coller est présente dans de nombreux logiciels). De même, les préférences, les options et les menus, sont des fonctions propres à chaque logiciel qui permettent d'adapter le logiciel à ses besoins ; aussi pour être rapidement efficace, il faut avoir manipulé ces fonctions de nombreuses fois avant de rentrer dans la vie professionnelle. A titre d'exemple, GNU-Linux apparaît aujourd'hui comme une alternative à Windows à la fois plus stable, plus sécurisée, plus crédible et intéressante sur de nombreux points. Cependant, le « basculement » vers GNU-Linux est freiné du fait que la plupart des gens sont formés uniquement à l'usage de Windows. Le nouveau « Vista » de Microsoft, par exemple, va nécessiter de manière inutile un matériel onéreux et parfois même mal adapté ; et beaucoup d'entre eux seront contraints de faire le choix d'un autre système d'exploitation.

Troisièmement, pour garantir aux enseignants le contrôle du contenu des savoirs à transmettre et leur indépendance dans les choix des logiciels à utiliser, il est nécessaire que les programmes scolaires n'imposent pas de logiciel précis.

- Question 14c : Partagez-vous cette vision que les logiciels libres et les ressources libres sont en phase avec les missions du système éducatif et la culture enseignante de diffusion et d'appropriation par tous de la connaissance et des savoirs ? Si oui, comment voyez-vous votre engagement et ses modalités ? Par exemple en matière :
* d'environnements numériques de travail libres (ENT) prenant toute leur place dans les écoles et les établissements scolaires ;
* d'un poste de travail pour les élèves et les enseignants qui soit globalement vraiment pluraliste et divers ;
* de ressources pédagogiques libres, « acteur à part entière » d'un univers éditorial qui évolue sous l'influence de l'ordinateur et d'Internet.

Oui.
L'une des missions de l'école républicaine est de diffuser la connaissance et le savoir le plus largement possible. Les logiciels et ressources libres permettent d'attendre cet objectif pour les raisons suivantes.

Premièrement, les sources des logiciels libres sont disponibles, ce qui permet de comprendre le fonctionnement du logiciel. Sa modification est aussi permise, ce qui est utile par exemple à des fins d'expérimentation.

Deuxièmement, les logiciels et ressources libres peuvent être librement distribués aux élèves, ce qui, s'il possède le matériel adéquat, leur garantit la possibilité d'utiliser les logiciels et ressources utilisés à l'école chez eux. Au contraire, le coût de certains logiciels propriétaires est un handicap pour les élèves peu fortunés.

Enfin, l'utilisation de logiciels et de ressources libres participe à l'indépendance nationale. En particulier, la possibilité de modifier les logiciels ou ressources libres permet de réaliser facilement des versions françaises (ou bretonnes, basques, corses, occitanes, créoles,...) de ces logiciels ou ressources.

Les postes de travail en milieu scolaire doivent disposer de plusieurs logiciels de chaque type (plusieurs traitements de texte, par exemple).

Certains logiciels ou ressources libres sont réalisés et / ou maintenus par des enseignants. Lorsque ces produits sont de qualité et que l'existant est insuffisant, une forme de rémunération doit être envisagée, par exemple sous forme de décharge horaire. Le service public du logiciel libre (voir réponse 12) pourra aussi réaliser des logiciels ou ressources libres pour l'éducation, en particulier pour des logiciels que peuvent difficilement réaliser les enseignant eux-mêmes.

Concernant les ENT le service public du logiciel libre sera chargé d'élaborer des ENT libres correspondants aux besoins identifiés du service public d'enseignement, en relation avec les enseignants, les personnels de vie scolaire, les chefs d'établissement et leurs organisations syndicales. Le service public du logiciel libre sera chargé d'assurer le suivi de ces ENT et leur évolution. Il sera aussi chargé d'engager avec les IUFM les formations des personnels à l'utilisation des logiciels libres briques des ENT.

Concernant les ressources et logiciels produits par les services du Ministère de l'Éducation Nationale ils seront dotés de licence libre et mis gratuitement à disposition des établissements scolaires : exemple logiciel BCDI et ses fiches documentaires La migration vers les logiciels libres ne peut pas être immédiate ; en particulier il est nécessaire d'assurer au préalable la formation et / ou le recrutement du personnel. La migration doit cependant être la plus rapide possible. Nous proposons que toute migration future ait lieu obligatoirement vers des logiciels libres, dans la mesure où il existe des logiciels libres répondant au besoin. S'il n'en existe pas, le développement de logiciels libres appropriés doit être initié, par le service public du logiciel libre si nécessaire.

Texte intégral de la réponse (15 pages au format pdf) sur :
http://www.candidats.fr/documents/reponses-candidatsfr-jose-bove.pdf.

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Association EPI
Avril 2007

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