MODÉLISATION ET SIMULATION EN CHIMIE

Marie-Christine Milot
Professeur de Sciences physiques,
Chargée d'études à la Direction des Lycées et Collèges (DLC 15)
 

     L'introduction générale a bien montré l'intérêt de logiciels aidant l'élève à s'approprier les démarches de modélisation. La simulation permet de « faire fonctionner » le modèle, d'en voir les limites de validité.

     Il s'agit de bien distinguer les objectifs de l'apprentissage : pratiques expérimentales, recherche d'un modèle, assimilation du modèle.

     L'exemple classique en terminale, du dosage d'une solution d'acide faible par une solution de base forte va permettre d'envisager les deux aspects retenus :
- construction d'un modèle à partir d'un système expérimental,
- utilisation des possibilités de simulation afin de faire fonctionner le modèle et d'en étudier la validité et les limites.

1. CONSTRUCTION DU MODÈLE

1.1. Mesures expérimentales

     Il s'agit de la situation classique du dosage de l'acide acétique par la soude de concentration 0,1 mol.l-1. L'acquisition est automatique, semi-automatique ou entrée au clavier des mesures faites en TP. Le logiciel (SIMULTIT, SEMAP (licences mixtes)) représente les points expérimentaux. Quatre zones sont remarquables : le début, le point d'inflexion avec le pKa, le point d'équivalence et le domaine basique.

1.2. Modélisation

     La réaction de neutralisation est régie par des équations que vérifient les différentes espèces présentes dans la solution. Ces équations peuvent être établies par des élèves de terminale, mais n'ont pas de solution algébrique simple (5 équations à 5 inconnues !) : seuls des calculs approchés sont possibles « à la main » dans certains domaines. Le logiciel calcule la solution du système en utilisant les algorithmes classiques de calcul numérique.


Graphique 1

     La courbe obtenue par calcul numérique permet de comparer les mesures expérimentales et de la courbe calculée : les électrodes de pHmètre n'ont pas toujours de bonnes réponses dans tout le domaine de pH mais en l'étalonnant dans les domaines intéressants on obtient des résultats satisfaisants dans ces domaines (voir graphique 1 domaine basique).

     En pratique, une formule d'approximation classique est utilisée pour effectuer les calculs :

     Quelle est la validité de cette approximation, qui amène à faire des approximations sur les ordres de grandeur des quantités d'espèces présentes ? Ceci est important car ces approximations sont à la base de nombreux calculs et évaluation de résultats en chimie. Or cela pose problème à de nombreux élèves qui pensent que seul le professeur sait celles qui sont justifiées.

     Les résultats obtenus par calcul approché sont comparés avec ceux que fournit l'ordinateur sans approximation. (voir graphique 2 obtenu avec REGRESSI, logiciel édité par MIICRELEC en licence mixte).

Graphique 2

2. VALIDITÉ DU MODÈLE

     Il s'agit de montrer si les caractéristiques mises en évidence dans le cas précédent, sont valables pour d'autres concentrations de la solution acide et pour d'autres acides dits « faibles » et mêmes pour des acides dits « forts ».

     Cette étude peut être menée de façon expérimentale mais c'est long (encore que l'utilisation de réseaux permettrait d'envisager d'autres pratiques mais cela est une autre histoire...). La synthèse risque de ne plus passer, les apprenants ayant perdu de vue l'objectif du travail. Les possibilités de calcul et de représentation graphique rapides permettent par contre de « faire tourner le modèle » pour essayer d'en voir les « limites ».

     Elle permet de montrer rapidement :
- les propriétés du modèle les plus générales : point d'équivalence, saut de pH autour de ce point ;
- dans quelles limites de concentration, la courbe permet-elle de retrouver la constante d'acidité ?
- dans quelles limites de valeurs pour la constante d'acidité, le résultat ainsi obtenu est-il valable ?

CONCLUSION

     L'enseignement de la physique a du mal à faire passer l'idée qu'un modèle est une certaine représentation d'une réalité qui doit permettre d'une part de regrouper un certain nombre de phénomènes sous la même description et d'autre part de faire des prévisions à partir de mesures expérimentales. Suivant le but recherché, la précision des prédictions souhaitées, le niveau des apprenants, on peut choisir un modèle plus ou moins compliqué.

     Les outils classiques ne permettant pas de visualisation de résultats expérimentaux sans un très long travail préalable, l'élève était obligé de « croire » sur parole la généralité d'un modèle ou ses limites.

     Les possibilités des outils actuels entraînent une modification des comportements des élèves mais aussi des enseignants ou futurs enseignants ; les réponses rapides de l'ordinateur aux modifications de paramètres ouvrent la porte à de nombreuses questions : que devient la courbe si on dose un acide de pKa plus grand ? Si on dose un acide faible avec une base faible ? Si on modifie les concentrations ? Une expérience réelle demande une demi-heure ; elle est nécessaire pour deux raisons essentielles : acquisitions de pratiques expérimentales et construction du modèle, mais son assimilation ne peut se faire qu'après avoir envisagé d'autres valeurs des paramètres, les logiciels de simulation ont alors toute leur place. On en vient même à construire d'autres expériences pour voir...

     Un logiciel comme SIMULTIT (licence mixte) édité par SERMAP est un outil très riche dans ce domaine. Il existe aussi des logiciels de simulation permettant l'apprentissage de techniques expérimentales (didacticiels du L.E.M.M. à l'Université des Sciences et Technologies de Lille).

     Les outils actuels devraient permettre de modifier les méthodes d'enseignement mais aussi les programmes.

     L'enseignement d'une notion suppose que le professeur ait fait la synthèse d'un ensemble de connaissances concernant cette notion. L'utilisation d'outils de simulation dans la formation initiale ou continue des enseignants doit les aider à mieux maîtriser les domaines qu'ils devront enseigner et leur donner les moyens d'en faire profiter leurs élèves.

QUELQUES RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

ACTES DES JOURNÉES INFORMATIQUE ET PÉDAGOGIE DES SCIENCES PHYSIQUES (UDP et INRP), 1988-1990-1992.

BULLETIN DE L'EPI : plusieurs numéros dont les numéros 57 à 62 de mars 1990 à juin 1991.

BULLETIN DU BUREAU INTERNATIONAL D'ÉDUCATION n° 250 L'Informatique en Éducation : Quelles évolutions ? (UNESCO UPP/V, 1 rue Miollis, 75015 Paris).

BULLETIN DE L'UdP : numéros divers (UDP, 44 boulevard Saint Michel, 75270 Paris cedex 06).

CARI-INFO : numéro spécial « logiciels en licence mixte » mai 1990 (CRDP, Chemin de l'Hébergement, 44072 Nantes cedex 03).

MEDIALOG, CRDP de Créteil et Paris, juin 1989 : Sciences Physiques et informatique, J. Winther (CRDP de Paris).

Paru dans L'intégration de l'informatique dans l'enseignement et la formation des enseignants ; actes du colloque des 28-29-30 janvier 1992 au CREPS de Châtenay-Malabry, édités par Georges-Louis Baron et Jacques Baudé ; coédition INRP-EPI, 1992, p. 104-108.

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