LES LOGICIELS DE SIMULATION

Substituts du réel ou véritables aides didactiques
pour l'enseignement de la biologie-géologie ?

Christian Orange
Professeur de Biologie-Géologie ; IUFM Saint-Lô
 

     Les logiciels de simulation sont parmi les didacticiels les plus utilisés dans l'enseignement de la Biologie-Géologie.

     On les présente souvent uniquement comme des substituts d'expériences réelles, dans les cas où celles-ci sont irréalisables en classe, ou trop difficiles, ou trop longues. Ils apparaissent alors comme des pis-aller, voire des solutions de facilité.

     Et pourtant l'utilisation des logiciels de simulation correspond, dans certaines situations d'apprentissage, moins à une contrainte qu'à un véritable choix didactique. C'est ce que nous voulons analyser ici à partir d'un exemple.

UTILISATION D'UN LOGICIEL DE SIMULATION DANS UNE ACTIVITÉ D'ÉLABORATION DE MODÈLES PAR LES ÉLÈVES

     Le travail présenté ici a été mené en 1re S. Il porte sur des situations de construction, par les élèves, de modèles globaux de la nutrition humaine, avec pour objectifs :
- l'appropriation, par les élèves, d'un tel modèle ;
- la compréhension de la démarche de modélisation et de la signification des modèles en sciences.

     Il s'agit d'aboutir à un modèle qui explicite les relations entre les entrées et les sorties de l'organisme adulte, en termes d'équilibres, de réserves et de seuils minimaux de sorties. Le travail se fait essentiellement par groupes de 3 ou 4 ; il donne lieu à plusieurs phases de confrontation et aboutit à une structuration qui synthétise les différents modèles obtenus.

     Ce travail de modélisation demande de nombreux allers et retours entre modèle et résultats expérimentaux. Il faut, d'autre part, pouvoir contrôler indépendamment un certain nombre de paramètres. Pour cette phase les élèves utilisent un logiciel de simulation que nous avons mis au point  [1]. Il permet de travailler sur des sujets de masse et de sexe choisis et de fixer :
- les entrées d'eau, de sels minéraux, de lipides, glucides, protides pour une journée ;
- les activités (marche, course, repos...) du sujet.

     Il donne, en retour, les valeurs de variables non directement contrôlables entrées d'oxygène ; sorties d'eau, de sels minéraux, d'urée ; prise de masse ; tout cela pour une journée.

LA SIMULATION : VÉRITABLE AIDE DIDACTIQUE

     Le choix d'utiliser un logiciel de simulation peut paraître uniquement lié aux contraintes matérielles. Il est vrai qu'une grande partie des expériences menées par les groupes sont difficilement réalisables réellement...

     Mais, ici, l'utilisation d'un logiciel de simulation est plus qu'un simple « ersatz » de l'expérience réelle : elle permet d'atteindre les objectifs en limitant le travail de l'élève aux tâches directement liées aux apprentissages visés.

     L'élaboration d'un modèle est, en effet, une activité difficile et l'activité décrite correspond au début de son apprentissage. Il n'est alors pas possible, pour les élèves, de mener conjointement la tâche de modélisation et la maîtrise d'une expérimentation réelle.

     Donc, même si les expériences réelles étaient réalisables en classe par les élèves, le choix de la modélisation, pour les objectifs choisis ici, s'imposerait encore. Le logiciel de simulation intervient, dans cet exemple, comme aide didactique, c'est-à-dire qu'il prend en charge une partie des difficultés non directement en relation avec les apprentissages visés. Cette aide didactique permet de mettre les élèves dans une véritable situation problème telle que la définit Philippe Meirieu  [2] une situation de complexité régulée.

     Deux remarques s'imposent alors :

- un tel choix ne veut en aucun cas dire que la véritable expérience est éliminée de l'enseignement de la Biologie : l'expérimentation réelle correspondra à des objectifs travaillés dans d'autres situations, avec d'autres aides didactiques (EXAO par exemple) ;

- cette façon de concevoir la gestion de l'apprentissage en utilisant des aides didactiques pour réguler la complexité s'oppose à une conception où la simplification serait obtenue par morcellement complet du travail par le professeur, au point de lui faire perdre tout son sens : on fait une expérience, on l'interprète collectivement, on fait une autre expérience « bien choisie », on l'interprète etc. Dans l'exemple analysé ici, les élèves sont bien dans une activité de modélisation complète, qui garde tout son sens (ils gèrent leurs hypothèses, leurs expériences...), mais dans une activité aménagée.

CONCLUSION

     Considérer un logiciel de simulation comme une aide didactique et non comme un substitut du réel, c'est lui donner un véritable statut dans l'enseignement de la Biologie-Géologie. C'est aussi, pour le professeur, dépasser la simple gestion des contraintes pour une gestion plus réfléchie des apprentissages.

Paru dans L'intégration de l'informatique dans l'enseignement et la formation des enseignants ; actes du colloque des 28-29-30 janvier 1992 au CREPS de Châtenay-Malabry, édités par Georges-Louis Baron et Jacques Baudé ; coédition INRP-EPI, 1992, p. 116-118.

NOTES

[1] Logiciel Alex ; édité, dans une version améliorée, par Langage et Informatique sous le nom d'« Activité et Nutrition », 1992.

[2] Meirieu P. ; Apprendre... Oui, mais comment ?, Paris, ESF 1987 (4e édition 1989, p. 64).

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