Une expérience d'un enseignement de l'informatique
formation de niveau IV et III sous contrat d'apprentissage

Jean-Christophe Larrosa
 

Contexte

   N'oublions pas que toute pratique pédagogique existe et se réalise dans un contexte bien déterminé. Aussi avant d'aller plus avant dans la présentation de ma pratique m'apparaît-il important de préciser le cadre de cette pratique.

Le cadre

   Le cadre est celui d'un Centres de Formation d'Apprentis (CFA) de Chambre des Métiers. Ce qui veut dire que même si nous sommes sous contrôle de l'Éducation nationale, à travers l'académie de région et le SAIA (Service Académique de l'Inspection de l'Apprentissage), notre organisme de tutelle, nous en sommes aussi, en terme de pratiques pédagogiques et de collaboration, relativement éloignés. Même si cet organisme délivre les autorisations d'enseigner, il ne faut pas oublier que depuis les lois sur la décentralisation (1981-1982) ce sont les Conseils régionaux qui ont la responsabilité de la mise en oeuvre des formations professionnelles par le financement des CFA. Leur tâche est celle du financement mais aussi de l'harmonisation.

   Le cadre de nos actions dépend énormément – 1° de l'équipe (président et directeur des services) dirigeant la Chambre de Métiers (organisme consulaire sous la tutelle du secrétariat d'État à l'Artisanat) qui agit comme organisme de gestion ; – 2° de l'équipe de direction du CFA (directeur, directeur adjoint, responsable pédagogique, responsable de filière...). Nos accréditations à enseigner suivent les recommandations des référentiels et sont effectives à réception de tableaux de stratégie des formations et après accord de la COREFOR (COmission REgionale pour la FORmation). Nous participons à des réunions inter-académiques pour la préparation des examens et des diplômes sous la tutelle d'un IPR. Nos relations avec l'Éducation nationale sont avant tout des relations de mise en conformité.

   À côté de cette relation avec l'EN nous développons aussi dans le cadre de Certificat de Qualification Professionnelle des formations à des diplômes de branche. Nos interlocuteurs sont ici donc les professionnels d'une branche en demande de formation spécifique en vue de former des personnels qualifiés.

Les formations et le public

   Les formations dont il sera question sont des formations de niveaux III et IV. Autrement dit Bac Pro et BTS (Référentiels EN) et des jeunes en formation de Contrat de Qualification Professionnelle (CQP).

   Ils sont issus pour la plupart :

  1. de Lycée d'Enseignement Professionnel,
  2. des lycées d'Enseignement Général,
  3. d'une formation en CAP ou BEP après un passage au collège.

   Tous ces jeunes sont en apprentissage ou en contrat professionnel, c'est à dire qu'ils suivent un enseignement par alternance (généralement 15 jours en entreprise et 15 jours en centre de formation). Leur statut est celui de salariés.

Historique d'une pratique : l'informatique comme matière

   Tout d'abord un rapide coup d'oeil à ma formation (atypique ?). Rien ne me prédisposait à l'informatique. Après une formation musicale (conservatoire et horaires aménagés...) j'ai intégré une seconde technique. Puis en première la section H au lycée. J'ai donc été formé à l'informatique avec des cours d'informatique, technologie des matériels, d'algorithmie, langage machine, analyse, programmation Cobol... à l'époque où la micro informatique était plus que balbutiante. Après un Bac H et un BTS d'informatique de gestion (le nec plus ultra était alors de gérer des bases de données via le Minitel), et un court passage dans une société de service, j'ai abandonné l'informatique pour me tourner vers les métiers des carrières sociales. Dans le cadre de ces études j'ai renoué avec l'informatique (Atari, Commodore, les premiers Mac...) en assurant des formations dans le cadre associatif. Depuis elle est au centre de ma pratique professionnelle, comme outils mais aussi comme pilier de ma pratique pédagogique.

Des cours d'informatique

   Après avoir enseigné trois ans les mathématiques auprès de CAP, le directeur du CFA et son adjointe, sachant mes compétences en informatique, m'ont proposé d'encadrer des jeunes sur des séquences pour les aider à réaliser leur dossier de fin d'année. Il s'agissait donc ici essentiellement de bureautique. Les cours se déroulaient sous GEM avec des postes en réseau.

   Je me suis vite rendu compte que ne faire que de la bureautique n'apportait pas grand chose aux élèves en terme de compétences et que certaines lacunes freinaient leur progression. Aussi, petit à petit je me suis orienté vers des séquences mettant en oeuvre une réelle stratégie de formation avec une acquisition progressive des savoirs de base. Utilisant mes propres expériences, face à un public demandeur, après maints tâtonnements, j'ai échafaudé peu à peu un véritable déroulé. Technologie, arborescence, commandes DOS de base... Parallèlement je formais aussi les personnels administratifs, les faisant passer de la machine à écrire ou du terminal de saisie à un travail autonome sur PC.

   Le centre de formation montant en puissance ( création des bac pro et des BTS), on me confia la charge d'agir aussi dans ces formations. Je tenais donc entre mes mains la possibilité de former pendant cinq ans, au sein d'une filière des jeunes à l'outil informatique (2 années de BAC, une année de classe préparatoire au BTS et deux ans de BTS). La direction me laissa libre d'organiser au sein de l'équipe et en transversalité sur des créneaux bien référencés « cours d'informatique ». Donc pendant 15 ans j'ai échafaudé, avec mes collègues d'enseignement général et technologique, un programme spécifique où l'informatique était une matière.

Un lieu

   J'ai eu la chance d'avoir une salle que j'ai pu organiser à ma façon. Certes ce n'est pas un exemple d'esthétique. Ce n'est ni un temple ni une église. On l'appelle laboratoire d'informatique et son activité n'est pas celle d'un centre informatique ou d'un CDI. S'y déroulent en priorité les cours d'informatiques et les séquences de production des mémoires. Hors de ces cours, elle est disponible pour les autres enseignants (consultation ou utilisation de logiciels pédagogiques). De plus, elle est en libre service entre midi et deux heures.

   Chaque élève possède un compte utilisateur qui lui est propre (pas de machine assignée) et une ressource sur un serveur de fichier. Pas d'autorisation d'installation d'applicatif, mais possibilité à la demande. 15 postes sont disponibles avec une connection internet. L'organisation est centrée sur les impératifs liés à la production des documents spécifiques aux formations (dossiers, mémoire...), mais offre aussi des possibilités de consultation. Un Intranet diffuse les travaux des élèves (sites et dossiers) et quelques documents ressources. Le laboratoire est indépendant de tout autre réseau.

Objectif et contenu

   L'objectif était simple : permettre à des jeunes de réaliser en autonomie leur dossier de fin d'année. Pour les BAC et les CQP leur rapport de stage, pour les BTS leur dossier d'Épreuve Professionnelle de Synthèse.

   Je me suis servi de cet objectif comme d'un prétexte, mon véritable objectif étant de rationaliser l'utilisation de l'ordinateur grâce à des entrées multiples. Pour arriver à une pratique raisonnée, efficace et citoyenne. Pour que l'élève arrive en fin de cursus à une certaine autonomie grâce à des savoirs clairement identifiés et recontextualisables.

   La formation que j'ai mise en place essaie de recouvrer le plus possible, le plus grand nombre d'aspects de l'utilisation d'un ordinateur et de créer une dynamique autour de la matière qui assoit l'élève dans un vécu positif de l'école. Pas sa forme polysémique l'informatique peut fédérer les autres pratiques, de façon plus ou moins prégnante. Le laboratoire d'informatique (nous l'avons appelé ainsi car c'est un endroit ouvert aussi à la recherche et à l'expérimentation) devient alors le centre de convergence de pratiques multiples mais avec toujours en toile de fond l'utilisation de connaissances déjà acquises lors de cours d'informatique. Ainsi s'y crée une dynamique où la transversalité n'est pas un leurre. L'informatique devient un socle sur lequel les autres matières peuvent s'appuyer en toute confiance. Comme la physique s'appuie sur les mathématiques, la communication sur le français... Ce n'est plus une option (comment peut-on penser qu'aujourd'hui cela en soit encore une ?), mais bien une matière où sont acquises des connaissances et affinées des pratiques utilisant une méthodologie et répondant à des critères de rigueur et non pas à des compétences en bricolage.

Exemple de transversalité

   L'objectif est de visualiser le point du seuil de rentabilité enseignant associé ; professeur de gestion, professeur de mathématiques.

   Séquences propres à l'informatique : tableur, formules, représentation graphique, recherche internet.

   On aborde ici le traitement de l'information à travers un cas bien précis Les élèves ont cherché sur internet les différents tarifs des supports d'information (liaison avec une séquence de technologie des matériels ou d'un exposé) disque dur, CD, DVD... On place le cadre de l'étude sous forme d'un cahier des charges discuté (on fixe des bases). Quelle référence ? Quel traitement ? Que cherche-t-on à obtenir comme résultat ? Une fois ceci posé et uniquement ceci posé (notion d'analyse) on peut mettre le problème en équation (transversalité vers les mathématiques et les études de fonction). Une fois la mise en équation faite on peut représenter les courbes grâce au tableur. On doit y retrouver ce que l'on cherche à savoir un seuil de rentabilité (notion présentée auparavant par le professeur de gestion) et réaliser que cette visualisation (intersection de deux courbes) peut être retrouvée par le calcul (mathématiques). Enfin l'élève s'aperçoit que si l'on change les données en entrée, le calcul se refait automatiquement : il touche alors à la notion de traitement automatisé de l'information autrement dit à la définition stricte de l'informatique.

Bilan

   L'enseignement du professeur de mathématiques a trouvé une réalité, la notion de seuil de rentabilité est maintenant disponible pour le professeur de gestion. L'élève a approché la notion d'analyse, celle de programmation avec le tableur et la notion fondamentale de traitement automatisé de l'information. Cette étude donnant lieu à la rédaction d'un mini-dossier, il s'approprie l'étude par un produit fini.

   Accessoirement, il s'aperçoit que les clés USB ne sont pas une solution en terme de stockage de l'information !!

Autre projet transversal

   La réalisation d'un site internet sur un problème de société en collaboration avec l'enseignant de français.

Objectif : le jeune choisit un sujet dans une liste proposée par l'enseignante de français par exemple un thème de société qui lui tient à coeur.

   Le professeur utilise certaines de ces séquences pour cadrer méthodologiquement la réalisation du contenu du site.

   Parallèlement en informatique commence l'initiation à la création de pages HTML On peut commencer aussi par des séquences sur l'historique (Arpanet guerre froide) transversalité avec les cours de Connaissance du Monde Contemporain et le fonctionnement d'Internet (architecture client serveur, principe de la requête, liens hyper texte).

La première étape est donc 1°) en français la réalisation du fond ; 2°) en informatique l'apprentissage des outils nécessaires à la réalisation.
La deuxième étape est la réalisation encadrée par le professeur d'informatique.
L'évaluation et la validation se font en collaboration français/informatique.

Intérêt : la réalisation d'un site internet oblige à une forte rigueur en terme d'organisation de l'information. Racine, dossier, sous-dossier, sous-sous-dossier... La réalisation passe alors par la méthode et oblige à des efforts de concentration et d'organisation.

   Ensuite l'élève approche la notion de code grâce au langage HTML. On peut même aller plus loin en intégrant des applets Java.

   Enfin, on touche à un ensemble d'applications allant du traitement d'images à celui du son, et à l'épineuse notion de format de fichiers (qui pose problème à beaucoup).

   Le professeur de français est dégagé de la réalisation mais peut cependant intervenir ponctuellement durant la réalisation pour s'assurer de l'adéquation fond/forme.

   Au final, à travers un projet, l'élève a abordé en transversalité les méthodes de rédaction, les règles de communication et de mise en forme, la pratique d'applications diverses. Il a réalisé un produit fini qu'il peut mettre en ligne.

   Je me suis rendu compte que ce genre de projet apportait beaucoup en terme d'autonomie une fois le site réalisé. Par exemple, il n'est plus nécessaire par la suite de revenir sur la notion d'arborescence, et les élèves pestent beaucoup moins lorsque les pages internet mettent du temps à s'afficher puisqu'ils savent pourquoi. On gagne en lisibilité... et en sérénité.

   Le travail se faisant en réseau et le serveur Intranet étant sur un PC serveur clairement identifié, la navigation sur le réseau est réellement assimilée. La notion d'enregistrement au petit bonheur la chance est généralement abandonnée : l'élève est capable d'organiser ces données et de les synchroniser le cas échéant.

   Par ces multiples entrées ce projet permet également la construction d'une bonne culture informatique de base et, par conséquent, offre à l'élève les prérequis nécessaires à une pratique évolutive, et un accès à l'autonomie.

Constat

   Avoir des cours d'informatique dans une formation permet d'éviter ce que l'on rencontre trop souvent quand il n'y en a pas : graphiques sans légende ou à une échelle inappropriée donc inexploitables, mise en page aléatoire (cadrage avec des espaces au lieu de tabulations), sauvegardes anarchiques (méconnaissance du format, de l'application, stockage au petit bonheur la chance, fichiers perdus dans l'arborescence, copié collé de raccourcis...), méconnaissance des unités (confusion vitesse de téléchargement et débit, document texte image énorme car image au format natif (merci les appareils photos numériques à 8 millions de pixels), pensée magique « msieur mon ordinateur il veut pas... », confusion fichier dossier (contenu, contenant), chez les plus âgés pas de distinction entre erreurs syntaxiques et erreurs sémantiques, etc.

   Elle permet à d'autres enseignants ayant besoin d'utiliser l'informatique de pouvoir compter sur une pratique efficace et de se consacrer à l'essentiel sans perte de temps ni d'énergie. En effet, que reste t-il à un professeur s'il doit apprendre à un élève à se servir d'un ordinateur ? Sa matière se délite au lieu de se concentrer. Il passe plus de temps à apprendre à l'élève à se servir de l'outil qu'à l'utiliser. Donc souvent il ne fait pas la démarche. Tandis que si les pré-requis sont assis au sein d'une matière clairement identifiée, les savoirs sont disponibles ou au moins en droit de l'être. Dans ce cas, leur absence doit être justifiée et non pas excusée ou passée sous silence. La situation est plus claire.

   L'informatique telle que je l'ai pratiquée était en relation avec tous les enseignements : le français, la physique, les langues vivantes, la communication, l'histoire géographie... Elle développe chez l'élève la curiosité, lui fait apparaître que les savoirs ne sont pas des choses isolées, mais des éléments en liens les uns avec les autres.

   Elle participe à la mise en sens de l'enseignement en étant le point de rencontre, le hub, d'autres savoirs. L'endroit où on réalise que l'on sait parce que l'on sait qu'on peut réaliser. Un endroit où des savoirs permettent d'en acquérir d'autres, et vice versa ! Un endroit aussi où l'on s'aperçoit que certaines règles (comme la priorité des calculs) peuvent être universelles. Un endroit où l'entrée est peut être, en filigrane, éducative.

   Combien d'élèves utilisent leur MP3 sans savoir que c'est un format de fichiers ?. Combien ne font pas la relation entre poids d'un fichier image ou son et qualité ? Que l'Internet passe davantage dans des câbles sous-marins que par des satellites ? Mais comment apprendre cela sans un enseignement spécifique ?. Certains disent que tout cela se trouve sur Internet. Mais ceux qui vont sur Internet le savent ! Et ceux qui n'y vont pas ? N'iront-ils jamais ?

   Je parle là d'ignorance et de savoirs : l'école est là pour justement pour faire que les jeunes échappent à l'ignorance. Je suis stupéfait chaque année par ces jeunes qui croient savoir ce qui est bien pire que de ne pas savoir. Ils manipulent des acronymes, de vagues notions, des choses entendues, mal digérées car transmises sans cadre.

   J'interviens parfois sur des ordinateurs d'élèves ou d'amis qui fonctionnent mal. Je suis désolé par ce que j'y trouve : trois antivirus, un pare-feu pas paramétré, des tonnes de fichiers dans « mes documents », des économiseurs d'écran avec des images énormes, des fonds d'écran colossaux... Et un système à bout de course. Comment faire pour éviter cela ? Comment faire pour que l'utilisation devienne rationnelle et efficace, donc intelligente et agréable ?

   Non pas considérer l'informatique comme une option mais comme une matière faisant partie du socle des connaissances. Sinon, le monde numérique dans lequel nous vivons, cette révolution numérique en marche, laissera sur le bord du chemin ceux qui comme les chasseurs cueilleurs lors de la révolution néolithique, seront restés ignorants du bouleversement de l'organisation de leur environnement... et on finit par disparaître sans qu'on leur demande leur reste.

   Faire de la pédagogie, c'est accompagner vers les savoirs. Il y a bien, dans l'informatique, un savoir savant que l'enseignant adapte pour en transmettre une partie, que l'élève éprouve dans ses pratiques. Avec la chance pour lui de pouvoir continuer à les éprouver chez lui dans le cadre d'activité de loisirs s'il le désire. À nous de le contextualiser pour que, se l'étant approprié, l'élève le recontextualise. Il doit en aller ainsi des savoirs s'ils doivent servir au jeune à être au monde, acteur de la société.

   Est-ce pour cela que ce n'est pas une matière ? Parce que quelque part en bout de course il y a une pratique « domestique » touchant au loisir ?. Alors plutôt que d'utiliser cette entrée comme une force pour agir, on s'appuie dessus pour ne pas agir faisant confiance à la vulgarisation comme vecteur de savoir! Attention dans ce cas là à ne pas créer une génération de pousse-bouton, aux pratiques déconnectées de la réalité.

   Je ne pense pas que le débat soit de la distinction entre une conception transversale et la création d'une discipline. La solution est, à mon avis, davantage celle d'une discipline transversale. Elle nécessite un travail d'équipe, donc des équipes stables et communicantes. Elle nécessite aussi des directeurs, des responsables pédagogiques (intendants, chefs de travaux...) qui maitrisent ce dossier. Ils devraient être capables de négocier et d'argumenter auprès des instances de gestion, de tutelle et de financement, afin que les choses évoluent pour que cette discipline transversale puisse exister de plein droit. Et pour cela il faut qu'il soient proches des équipes sur le terrain et qu'il y règne un climat de confiance. C'est peut être aussi cela qui est difficile : s'atteler à des difficultés structurelles dans les établissements et animer efficacement des équipes pédagogiques. Voici peut être aussi pourquoi cette notion de discipline transversale est si délicate à mettre en oeuvre.

Conclusion

   J'ai eu la chance donc pendant plusieurs années de pouvoir enseigner l'informatique au sein d'une matière clairement identifiée. J'ai bâti avec mes collègues des séquences de formation en relation avec toutes les autres matières. J'ai vu des élèves rentrer (malgré le B2I) avec aucune base en informatique et en sortir capable d'administrer des forums. J'ai même eu un élève qui en attente d'un contrat de travail, a gagné sa vie en montant des PC alors qu'il ne connaissait rien en arrivant dans la formation 3 ans auparavant. De façon générale, les cours permettent aux élèves d'être autonomes, et efficaces face à un PC et d'avoir les bases de compréhension du monde numérique qui leur permettra d'évoluer dans la société de demain.

   Elle permet aux collègues de compter sur des compétences qu'ils n'ont plus à transmettre et d'ainsi mieux se concentrer sur leur matière.

   Elle crée une dynamique autour d'un objet protéiforme, d'un lieu convivial et dynamique. Elle parvient même parfois, par son aspect « domestique », à réconcilier les élèves avec l'école, en créant une passerelle entre les mondes, en oeuvrant pour la porosité et la diversité, pour plus de curiosité et d'intérêt.

   L'informatique comme matière amène des pratiques raisonnées et citoyennes, parce qu'ancrée dans la raison et la connaissance et non pas dans la croyance et la pensée magique. Par le savoir, elle se dégage du bricolage et de l'approximation et favorise l'avenir d'un enseignement égalitaire.

   Égalitaire parce que si on n'enseigne pas l'informatique à tous, (seuls certains des plus favorisés y ayant accès), on reproduit les inégalités sociales. Ce concept n'est portant pas nouveau. Mais ne pas donner accès aux savoirs et aux pratiques numériques ne fera que renforcer cet état de fait.

Épilogue

   Aujourd'hui, la nouvelle équipe de direction ne veut plus entendre parler de cours d'informatique. Ce n'est pas une matière me répond-on ! Oui, certes ! Mais quid de tout le travail effectué ? Quid de la transversalité ? Plutôt que d'intégrer la matière certains référentiels l'ont fait disparaître. Par contre la compétences apparaît partout ! Comment les élèves acquièrent-ils ces compétences sachant que la plupart n'ont pas les pré-requis ? Les enseignants des autres matières vont donc diluer leur enseignement avec les notions d'informatiques justes nécessaires ? Quid alors de l'adaptation aux outils de demain ? Le temps gagné ne sera t-il pas finalement du temps perdu ? Quid de la qualité des production des élèves ? Le « trop bien » est-il définitivement proscrit ?

   Pourquoi ne pas utiliser notre expérience pour aller plus loin ? Pour mettre en avant nos pratiques et débattre de leur pertinence ? Pourquoi renoncer alors que tant de chemin a été parcouru ?

   Par frilosité, par ignorance, par manque d'imagination ? Par aveuglement, par méprise ? N'est ce pas criminel en quelque sorte, d'abandonner des élèves à errer, alors que le chemin commence à être tracé et que certains, arrivés à destination, reconnaissent son efficacité ?

   Certes le problème de TIC, NTIC, ITIC, TICE, B2I, C2I... est assez illisible pour un néophyte et ressemble au prime abord à une jungle assez inextricable. Mais il faut s'efforcer d'éclaircir le débat, de s'atteler à la complexité. Car c'est bien de cela aussi qu'il s'agit en considérant l'informatique comme une matière : rendre simple quelque chose que nous avons complexifié en croyant qu'elle était simple.

   De positionnement en remédiation, l'enseignement de l'informatique tâtonne depuis des décennies. J'avoue ne pas bien comprendre encore pourquoi. Je suis cependant témoin des effets de cet abandon. J'ai essayé d'y remédier à ma façon et aujourd'hui tente de combattre l'obscurantisme des décideurs. Ce que j'ai fait n'est pas un modèle. Je sais que le contenu, les approches sont perfectibles. Loin de moi l'idée d'avoir découvert la pierre philosophale qui transmuterai l'ignorance en savoir !

   Mais il a le mérite d'exister et celui de fonctionner en regard des objectifs fixés.

   Je suis convaincu que l'informatique est une science, et qu'elle doit aussi être une matière, enseignée au même titre que les mathématiques ou le français. Et que de cet enseignement peut-être résultera une meilleure démocratie que celle promise par Georges Orwell dans son roman 1984.

Jean-Christophe Larrosa

ANNEXE

   En fait peu importe. Voici cependant une liste (à adapter aux niveaux de formations) de ce que j'y mets. Pour :
a) une culture numérique minimum (l'objet informatique, son histoire, son environnement)
b) des pratiques globales et raisonnées (l'outil informatique, le « manipulatoire » numérique)

  • Historique du numérique(de Alan Turing à Bill Gates)
  • Les unités de transfert,de stockage, de traitement...
  • Technologie des matériels
    • unité centrale
    • périphériques*
  • arborescence
  • Sauvegarde et chargement
  • Systèmes d'exploitation : Linux, Windows XP...
  • Formats de fichiers et nécessaires conversions
  • Logiciel de PAO
  • Traitement de texte (rappel des règles typographiques de base et bref historique de l'imprimerie, jusqu'à la gestion des documents longs pour les formations sup)
  • Tableur (y compris les formules conditionnelles en relation avec le module d'algorithmie)
  • Base de données (principes et notions)*
  • Algorithmie (notions)*
  • Programmation (notions, langage simple)
  • Architectures Réseau LAN
  • Architecture Réseau WAN
  • (Modèle OSI) (enseignement sup seulement)
  • Historique d'Internet
  • Création de pages Internet (du LHT à l'applet JAVA voir au-delà pour les formations sup (PHP MySQL...)

   Pour des formations spécifiques (hors socle de base)

  • Numération : historique et principe
  • Binaire et hexadécimal
  • Algèbre de Boole (rappel de la logique comme champ de la philosophie)
  • Portes logiques
  • Circuits logiques (logiciels de simulation genre EWB)
  • Systèmes logiques (l'additionneur, le multiplexeur...)

* présentation recherche ou exposé élèves
* cours, démonstration, TD, TP
* sous forme de jeu (plus petit, plus grand, tri, machine à café...)

   Voici grosso modo ce qui faisait l'objet de mon enseignement. Il ne s'agit pas de faire des cours magistraux mais plutôt de brèves séquences avec recherche documentaire ou exposés d'élèves en suivant. Pour les outils bureautiques et ce qui relève du manipulatoire, je favorise la structure cours, démonstrations (vidéo projecteur), TD, TP.

   Ceci n'a rien d'exhaustif et n'a pas la prétention d'être universel. Chaque partie peut être plus ou moins développée ou approfondie en fonction du niveau de la formation. Cela suit en gros le déroulé du B2I et du C2I. En terme de contenu rien de neuf sous le soleil (en pédagogie il n'y a de nouveauté que dans les pratiques...). Mais ceci était fait dans le cadre d'une matière clairement identifiée sur des créneaux horaires déterminés et toujours en transversalité avec les autres matières. L'informatique était ici une matière, lieu de partage, de rencontre et d'étude des savoirs, lieu de va-et-vient entre outil et objet, étude de l'objet et apprentissage de l'outil.

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Association EPI
Mars 2008

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