Quelques propositions du Comité sur l'Enseignement des sciences de l'Académie des sciences
relatives à la réforme de la classe de Seconde
du Lycée général et technologique

Novembre 2008
 

Un texte de l'Académie des Sciences, concernant la réforme du lycée général et technologique, récemment adressé au ministre de l'Éducation nationale, Xavier Darcos.
Voir notamment les différents passages concernant l'informatique. On notera qu'« Un groupe de travail est mis en place à l'Académie des sciences et pourra faire sous peu des propositions plus précises ».

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Ces propositions se réfèrent à quelques-uns des principes posés dans le Rapport du Comité  [1] relativement à l'enseignement des sciences en classe de Seconde (Juillet 2008) et ici rappelés. Elles sont émises à la suite du projet ministériel de réforme de la classe de Seconde du 21 Octobre 2008.

Principe 1 : Les élèves de Troisième, se destinant au lycée général et technologique, commencent à se déterminer par un choix – non définitif – entre une voie orientée plutôt « Lettres ou Sciences humaines et sociales » et une voie orientée plutôt « Sciences ou Technologies ».

Ce principe est satisfait dans le projet ministériel dans la mesure où les élèves choisiront en classe de Troisième les deux Modules (optionnels) de leur premier Semestre de classe de Seconde.

Principe 2 : Tous les élèves, y compris ceux qui s'orienteront vers les Lettres ou les Sciences humaines et sociales, reçoivent un enseignement scientifique.

Ce principe est satisfait dans le projet ministériel dans la mesure où un enseignement minimal de sciences (Mathématiques + Sciences expérimentales, soit M + SExp) sera dispensé dans les Enseignements généraux, EG, suivis par tous les élèves de Seconde.

Principe 3 : Pour les Sciences expérimentales, l'emploi des méthodes expérimentales doit être amplifié.

Ce principe doit être réaffirmé, puisque la place et l'évolution pédagogique des travaux pratiques en seconde demeure à ce jour indéterminée : un horaire plus réduit de sciences en EG risque de réduire encore la place des méthodes expérimentales et d'investigation.

Principe 4 : Des « laboratoires de Mathématiques » permettront d'expérimenter intuitions, conjectures et applications des Mathématiques.

La mis en oeuvre de ce principe demande expérimentation et innovation, puisque ces laboratoires n'existent que très rarement à l'heure actuelle.

Principe 5 : Les bases de l'Informatique doivent être enseignées dès la Seconde.

Ce principe est satisfait dans le projet ministériel, dans la mesure où l'un des modules Sciences porte le titre Informatique et monde numérique. Néanmoins, une certaine place devrait être faite à l'informatique au sein des Mathématiques et des Sciences expérimentales dans EG, afin de sensibiliser tous les élèves.

Principe 6 : Pour la majorité des élèves, dès la classe de seconde, un choix des majeures de leur orientation est souhaitable.

Ce principe aurait pour conséquence de renforcer, dans les choix de modules, le nombre de ceux d'une même coloration – par exemple sciences – par opposition à une grande diversité de menus. Le projet actuel ne précise pas la marge de choix qui sera laissée aux élèves.
 

   Les principes 2 à 4 s'appliquent tout particulièrement aux EG, auxquels tous les élèves sont astreints, pour ces deux enseignements que sont M et SExp. L'ambition de ceux-ci doit être de renforcer – après l'école et le collège – la formation des élèves à l'esprit scientifique, leur pratique du raisonnement et leur ouverture à la culture, tout autant que de leur faire acquérir un savoir scientifique.

   Les principes 3 et 4 expriment l'ambition de donner le goût des sciences à un nombre accru d'élèves, qui dans leurs orientations initiales hésiteraient à les choisir.

   Ceci en sorte que – entre autres raisons – la France dispose de la population de scientifiques, chercheurs, ingénieurs et techniciens qu'exigent nos laboratoires et nos entreprises pour participer pleinement au développement du monde.

   Le principe 5 résulte de l'observation de la révolution apportée par l'entrée de la société toute entière dans l'ère numérique.

   Le principe 6 résulte de la nécessité de ne pas trop différer les choix majeurs d'orientation, de façon à mieux préparer l'entrée dans l'enseignement supérieur, qui concerne une fraction majoritaire, croissante encore à l'avenir, des élèves.

Enseignements scientifiques dans les EG

   Cet enseignement – de Mathématiques et de ce qu'il faut appeler « Sciences de la nature » plutôt que « Sciences expérimentales » – le terme Natural sciences est désormais la désignation internationale ; sciences de la nature est parfaitement adéquat  [2] – doit impérativement s'inspirer des remarques suivantes :

  1. Une grande liberté sera sans doute laissée aux élèves dans le choix des modules ? Ceci permettra de renforcer le choix d'une orientation précoce – sciences, technologies, humanités, sciences humaines et sociales – tout en maintenant des possibilités de réorientation pour les moins décidés des élèves.

  2. Il existera donc bon nombre d'élèves (appelons-les « n-s », comme « non-sciences ») qui ne choisiront pas de modules scientifiques ou technologiques et qui pourraient ne recevoir – en 1re et Terminale – plus aucun enseignement de science, ou un contenu minimal. L'enseignement de science en EG devra en grande partie s'adresser à eux et, donc, leur donner de la science une image à la fois cohérente et attrayante, en sorte de laisser en eux une trace intellectuelle forte et positive pour leur vie future.

  3. Puisque aucun enseignement de Technologie ne figure dans les EG, et que sciences (incluant ici les mathématiques) et technologies sont si étroitement liées, ce lien doit apparaître dans les sciences enseignées pour tous en EG. Sa mise en valeur permettra aussi aux élèves n-s de suivre au mieux, ultérieurement, l'orientation Technologie s'ils la choisissent. Il convient donc d'associer ici le monde de la technologie : celui du lycée technologique, comme celui des entreprises.

  4. Ces enseignements se feront, chaque fois que possible, par demi-classes, notamment lorsqu'un travail expérimental aura lieu.

  5. Leurs contenus se prêteront fréquemment, en laboratoire, à une exploration (laissant aux élèves le temps de la découverte sans qu'un rythme trop rapide soit imposé) et, en classe, à une mise en forme par des énoncés à retenir et à utiliser.

  6. En Mathématiques, le spectre des théories utiles et belles ouvre un champ illimité aux auteurs des programmes. Mais il faut s'en tenir à quelques-unes. Un fil directeur, pour le choix, doit être la cohérence des Mathématiques avec les autres disciplines, et la cohérence interne aux Mathématiques. À titre d'exemples, la trigonométrie, la vision géométrique, ou un premier aperçu des probabilités et statistiques, ... peuvent répondre à ces exigences.

  7. En Sciences expérimentales – résolument expérimentales, descriptives et d'observation – on organisera des séances (sans doute de 3 heures) destinées, chacune, à aborder un problème relatif au programme tout en entraînant une réflexion plus vaste que son contenu immédiat. Chacune de ces séances – traitées pour moitié par le professeur de PC et par moitié par le professeur de SVT, collaborant étroitement – ouvrira à plus que son thème disciplinaire spécifique, marquant chaque fois que possible, les liens avec l'histoire, l'épistémologie, éventuellement l'éthique.

   L'ensemble (M + SExp) des EG devra présenter la démarche scientifique sous différents angles mais avec les mêmes objectifs : apprendre à observer des objets ou des phénomènes, poser des questions à leur sujet, comprendre les explications qualitatives qui s'y rapportent, mener des calculs quantitatifs à partir de lois simples, comparer leurs résultats à ceux des expériences, rédiger des comptes-rendus d'expériences, percevoir le déroulement historique ayant conduit aux concepts d'aujourd'hui.

   Ces deux enseignements (M + SExp) devront donner lieu au maximum de coordination possible. Les cours de Mathématiques d'une part, de Sciences expérimentales d'autre part, feront de nombreuses références les uns aux autres afin de montrer la façon dont la science se construit, en un dialogue constant entre formalisme et observation. Ils seront enseignés dans un ordre temporel permettant au mieux ces rapprochements.

   Cette recommandation suppose bien sûr une concertation forte entre les différents Groupes d'experts chargés d'organiser ces EG.

   Les méthodes expérimentales doivent être enseignées et pratiquées de manière régulière, en conjonction avec une pédagogie directe, riche et structurée, de façon à donner aux élèves le goût des sciences, dans leurs aspects expérimentaux aussi bien qu'hypothético-déductifs.

 

   Ces propositions recueilleront sans doute une adhésion assez générale, mais auront quelque difficulté à être mises en oeuvre par les professeurs de sciences si ceux-ci ne sont pas soutenus, bien au-delà des structures habituelles de l'Éducation nationale et des efforts notoires des Associations et Unions de professeurs. Il est donc utile de rappeler ici les positions de l'Académie sur ce sujet :

  • Les professeurs de sciences doivent maintenir des liens avec la communauté scientifique universitaire et avec le monde de la technologie tout au long de leur vie professionnelle ;

  • De leur côté, les universités et organismes de recherche apparaissent disposés à contribuer à l'accompagnement du corps enseignant, plus encore qu'ils ne le font actuellement ;

  • Ces liens doivent se manifester de façon structurée par l'organisation de formations continuées dans le cadre de l'activité professionnelle des enseignants.

Enseignement scientifique des Modules

   Co-existeront là, pour la classe de Seconde :

  • quatre modules possibles dans la configuration Sciences : mathématiques (M), sciences physiques et chimiques (PC), sciences de la vie et de la Terre (SVT), informatique et monde numérique (Inf) ;

  • six modules possibles dans la configuration Technologies. Les programmes de ces modules résulteront également du travail des groupes d'experts.

   Les programmes (devant s'inspirer de ceux de 2007) restent à établir par le Ministère, ainsi que l'organisation de ces Modules (règles des choix permis ou exclus..). Même si l'objet du savoir est ici plus spécialisé que dans les EG, nombre des remarques ci-dessus demeurent valables pour l'enseignement des modules.

  • La formule des Modules, admissible pour les disciplines expérimentales, renferme un danger pour la cohérence des enseignements de Mathématiques. Pour que celles-ci jouent leur rôle pour unifier et rassembler des notions appartenant à différents domaines, il est nécessaire que les services des enseignants soient organisés de façon qu'un élève ait un seul professeur de mathématiques.

  • En Physique & chimie, et en Sciences de la vie et de la Terre, la nécessité demeure de mettre en valeur le plus possible les liens entre concepts, méthodes et résultats qui existent entre ces différentes disciplines : ici encore, le travail coopératif des professeurs est indispensable. La possibilité de « modules interdisciplinaires » et de « travaux personnels encadrés »  dans les 3 heures dites « modules d'accompagnement », prévue par le projet actuel, va dans ce sens.

  • En Informatique, il s'agira ici d'une première approche des principes de base du monde numérique, distinct de l'usage des ordinateurs. Elle introduira à de nouvelles façons de penser (numérisation, algorithmique) qu'il est nécessaire de présenter aux lycéens quelles que soient leurs orientations professionnelles futures. Un groupe de travail est mis en place à l'Académie des sciences et pourra faire sous peu des propositions plus précises.

http://www.academie-sciences.fr/comites/pdf/enseignement_12_11_08.pdf.

NOTES

[1] Texte de ce rapport : http://www.academie-sciences.fr/comites/comite_enseignement.htm.

[2] On gardera cependant, dans la suite, pour une commodité de lecture et de comparaison avec le projet du 21 octobre, l'appellation actuellement officielle « Sciences expérimentales ».

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Association EPI
Novembre 2008

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