1996-2008
Apprentissages aux TIC au collège :
faits historiques et d'actualité

Ignace Rak
 

   Dans le cadre de la consultation nationale déclenchée par la France le 23 janvier 2008 sur le sujet : « ... technologies de l'information et de la communication pour l'Enseignement (TICE) au sein du monde éducatif... »  [1], voici une contribution personnelle à la commission E-educ présidée par J. Mounet. Elle a pour objet de participer à la réflexion sur deux des questions posées par cette consultation :
- « Pensez-vous que les technologies de la communication et de l'information sont utilisables dans toutes les matières ? Dans tous les cas, pourquoi ? »
- « À votre avis, leur apprentissage doit-il être intégré à chaque matière enseignée ou faire l'objet d'un enseignement spécifique ? Pourquoi ? »

   Compte tenu de mes différentes interventions  [2] et  [3] et suite à la publication du communiqué du groupe ITIC de l'ASTI du 11 janvier 2008  [4], voici quelques informations et appréciations complémentaires issues d'une recherche sur les documents cités dans le communiqué (voir la bibliographie-sitographie ci-jointe pour accéder aux références des extraits cités).

Rappel des horaires actuels consacrés au traitement de l'information : des faits inconstestables

   En 1996 le ministère de l'Éducation nationale a décidé de confier la mission d'enseignement des apprentissages fondamentaux au collège à la seule discipline Technologie parmi les autres disciplines. Mais sans renoncer à dire dans les autres disciplines, notamment dans les documents d'accompagnements (donc pas forcément inscrits dans leur programme), qu'elles devaient prolonger ces apprentissages par des applications logicielles spécifiques. Pour y répondre les programmes rédigés par le groupe d'experts composé des deux inspections générales en Sciences et Techniques Industrielles (STI) et d'Économie et Gestion (EG) et de professeurs d'université (Joël Lebeaume et Jean-Louis Martinand) ont décidé de rédiger un programme qui tienne compte de cette orientation fondamentale pour l'accès aux apprentissages fondamentaux.

   Voici, pour rappel, le détail des horaires officiels d'enseignement spécifiquement dédiés au traitement de l'information qui avaient été définis par le Ministère de l'éducation nationale et qui sont toujours en vigueur pour les classes de 5e/4e/3e, (sauf en classe de 6e qui font l'objet de d'une nouvelle répartition horaire depuis le début de la refondation complète des programmes de technologie 2005 au collège que je développerai plus loin dans le texte ci-dessous) :
- 10 h élève sur 45 h annuelles d'enseignement technologie en 6e  [5] ;
- 15 h élève + 15 h sur 90 h annuelles d'enseignement technologie en 5e/4e  [5] ;
- de 15 à 20 h élève sur 60 h annuelles d'enseignement technologie en classe de 3e  [6].

   En résumé selon les textes officiels, presqu'un tiers (30 %) de l'horaire élève d'enseignement de la discipline technologie (60 heures sur 195 heures), est consacré spécifiquement aux apprentissages de base des savoirs et savoir-faire en traitement de l'information, qu'ils soient consacrés et appliqués aux usages communs, ou aux usages du traitement de l'information sur des systèmes informatisés industriels rencontrés dans la vie de tous les jours. De plus, les 2/3 des horaires élèves restants (135 h sur 195 h), c'est-à-dire les notions et compétences ainsi acquises en « technologie de l'information » (titre de cette partie du programme de technologie), sont ensuite mobilisées pour être des « outils » au service des réalisations sur projet technique. Autrement dit, 60 h pour les apprentissages réels et contextualisés et 135 h pour des applications spécifiques au programme de technologie. Vous pouvez retrouver la liste des unités de technologie de l'information et la liste des 66 notions et compétences associées dans mon document rédigé le 15-11-2007  [7].

   Cette répartition des horaires élèves entre « technologie de l'information » et « réalisations sur projet », resteront applicable en 5e/4e jusqu'en principe à la rentrée de septembre 2009 où un nouveau programme de technologie du cycle central complètement refondu, est prévu après une consultation nationale qui démarrera mi-février 2008, dixit le communiqué de janvier 2008 du président du groupe d'expert  [8]. Et le futur programme de 3e devrait remplacer celui actuellement en vigueur en principe à la rentrée de septembre 2010  [8]. Ce calendrier prévisionnel de modifications, m'amène à raisonner sur ce qui peut advenir de cette répartition des horaires élèves consacrés spécifiquement aux apprentissages de base au traitement de l'information depuis 2005.

Sur les horaires, qu'en est-il depuis 2005 en technologie au collège : des faits incontestables

   La refondation complète des programmes de technologie entamée en 2004 sous la direction d'un Inspecteur Général de Sciences Physiques, et avec la participation de quelques professeurs de Technologie, aboutit à supprimer les 10 h d'enseignement du traitement de texte pour faire de l'enseignement de la « technologie de l'information et de la communication » (TIC). Autrement dit le programme de technologie publié en 2005  [9], demande en clair aux professeurs de technologie de ne plus consacrer d'heures d'enseignement au traitement de texte tout en leur enjoignant de dispenser d'enseigner d'autres notions comme « outil » sans aucune contrainte d'heures. Ceci ne peut-il pas conduire les professeurs à mettre au second rang de leur enseignement, celui des « TIC » ?

   Donc, de façon réglementaire, depuis septembre 2005 en classe de 6e, il n'y plus d'obligation horaire (entre 0 heure et X heures au choix des enseignants au lieu de 10 h fléchées de traitement de texte) pour les professeurs de technologie de dispenser des apprentissages, même si le programme de 2005 en 6e énumère des « connaissances » nouvelles très « transversales » (techniques d'acquisition et de restitution des données ; techniques de stockage des données ; mémoire – de masse, de stockage, de travail – ; unité de stockage ; arborescence – répertoire, fichier – ; consultation de documents numériques ; création et transmission de documents électroniques ; recherche d'informations sur la « toile » ; propriété intellectuelle ; informations nominatives) qui ne sont plus rattachées à une fonction précise et une tâche précise (en 1996 c'était le traitement de texte en 6e).

   Donc depuis 2005, deux années d'enseignement en classe de 6e se sont écoulées en technologie sans que des heures d'apprentissages soient attribuées, donc obligatoirement réservées aux connaissances en TIC, ni d'ailleurs dans les programmes des autres disciplines. Cela veut-il dire qu'il ne faille plus au collège engager une formation selon l'approche « fonction » : traitement d'un texte, exécution de calculs et représentation graphique, etc. ? C'est donc, selon moi, une régression et un handicap pour la lisibilité par les collégiens qui doivent passer obligatoirement le B2i dès la session du diplôme national du brevet de 2008, sauf si les professeurs de technologie continue d'appliquer « à titre bénévole » l'ancien programme de 1996. Ceci serait d'ailleurs en contradiction avec le nouveau programme de 2005 et avec un risque de remarques de la part du corps d'inspection lors des visites conseils.

   Autrement dit, suite à l'application du nouveau programme officiel il reste 0 heure de formation aux apprentissages de base en technologie dans la classe de 6e, au lieu des 10 h, au bénéfice d'un programme « outil », c'est-à-dire sans « contrainte horaire », mais seulement de contenus (revoir la liste des connaissances du programme de 6e) et au bon vouloir « horaire » de chaque enseignant de technologie. S'il n'y pas de contrainte « horaire », n'y a-t-il pas le risque fort d'absence de contrainte « contenus » ?

   Pourtant entre 1996 et 2008, la discipline technologie n'a certainement pas failli si l'on relit les différents rapports et études.

Que disent les études et rapports officiels, ainsi que le dernier sondage privé Internet PAGESTEC : des faits incontestables

   L'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale (IGAENR) dans son rapport de juillet 2002 fustige le rôle des professeurs de technologie, en même temps qu'elle fait un compliment « ... Il peut arriver par conséquent que l'enseignement de la « technologie » se résume aux TICE et il peut arriver également, dans d'autres cas, qu'elle se focalise éventuellement sur sa seule dimension tertiaire, décrivant là aussi vers ce que d'autres dénomment la "technologie papier" afin de bien faire comprendre que l'enseignement dispensé ne correspond pas aux attentes de l'institution, et pas davantage d'ailleurs à celle des élèves, enclin dans cette hypothèse à poser la question lancinante mais pertinente que rapportent les inspecteurs : "mais quand est-ce que l'on fabrique ?" »  [10]. Comme quoi la technologie « manuelle » est encore très ancrée dans l'inspection générale de l'administration, tout comme chez les IA, IPR, STI et EG chargés de la technologie ?

   Déjà en 2001 un autre rapport, cette fois de l'inspection générale pédagogique (IGEN) sur la mise en place du brevet informatique et internet (B2i), mentionnait que « ... La validation du B2i niveau 1 est une première étape envisagée par les collèges ...dans 10 % des collèges tous les élèves de sixième auront l'attestation, délivrée sous la responsabilité du professeur de technologie »  [11]. Sur les pratiques pédagogiques « ... Il était demandé dans l'enquête d'évaluer combien d'heures un élève de troisième utilise l'informatique au cours de l'année... la technologie est le plus gros contributeur, avec 20 à 30 heures par an. Elle est parfois la seule (35 % des collèges)... Dans 25 % des collèges seulement on trouve un usage régulier de 1 à 2 heures hebdomadaires dans des disciplines autres que la technologie. On comprend ainsi que l'essentiel de la validation du B2i repose sur cette discipline. »  [12]. Et concernant la validation de l'ensemble : « ... les professeurs de technologie pointent une forte ambiguïté : de nombreux items relèvent de points de leurs programmes, et ils les évaluent déjà, mais sous des formes différentes. Il leur faut donc à la fois articuler leurs pratiques actuelles avec la validation du B2i, et déléguer à d'autres enseignants la validation de certains items. Ils souhaitent, mais aussi redoutent ce partage ; dans le même temps, certains de leurs collègues se satisfont rapidement de leur déléguer la responsabilité entière de la validation. Se posent donc des questions de répartition des responsabilités et de cohérence. Peut-on envisager de répartir a priori, entre professeurs de la classe, les items que chacun se propose de valider ? Comment faire si certains items ne relèvent de personne ? Comment harmoniser les niveaux d'exigence entre enseignants d'une même classe, de classes de même niveau ? Qui va assurer le suivi, le respect des calendriers, des répartitions ? »  [13].

   En 2005 la division de l'évaluation et de la prospective, (DEP) confirme l'implication des professeurs de technologie dans leur engagement dans la validation du B2i, ainsi que donc dans leur engagement dans les apprentissages de base en technologie de l'information sur la fonction de coordination : « ... La fonction de coordination qui doit faciliter la mise en oeuvre du dispositif existe dans 8 collèges sur 10 et s'exerce plutôt au niveau de l'établissement ; elle est surtout confiée aux professeurs de technologie ou aux coordonnateurs TIC (qui sont les mêmes personnes dans un cas sur deux). Et sur la validation : « ... Les validations sont assurées par plusieurs professeurs mais ceux de technologie ont un rôle central pour ces tâches (En gras dans le texte initial NDLR). Il semble qu'ils aient eu dès le démarrage du B2i un rôle spécifique dans le dispositif, à plus d'un titre. En témoigne le nombre de répondants au questionnaire et le nombre de participants au B2i. Quelque cinquante principaux disent leur avoir confié les questionnaires destinés, d'après le plan de sondage, à des enseignants d'autres disciplines, autre preuve de leur rôle dans le B2i. Les professeurs de technologie sont très actifs à tous les niveaux, dans tous les domaines de compétences du B2i et se distinguent particulièrement en ce qui concerne la validation des compétences de base en TIC et de celles relatives à l'attitude citoyenne face aux informations véhiculées par les TIC ; ils montrent ainsi leur souci de sensibiliser les élèves à la nécessaire critique des informations et de leurs sources »  [14]. Concernant la participation des enseignants par discipline, « ... Sans surprise, les professeurs de technologie sont beaucoup plus nombreux (91 %) à le faire. Parmi les spécificités disciplinaires, pour autant qu'on puisse avancer quelques éléments, il semblerait que les enseignants de mathématiques arrivent en seconde position pour valider les compétences B2i (environ 45 %), juste avant les documentalistes (environ 39 %). »  [15].

   Tous ces chiffres sont confirmés fin 2007 et début 2008 par deux autres sources. La première c'est le suivi statistique des validations par le logiciel de suivi des validations du B2i (GiBii) renseigné quotidiennement dans les académies. Par exemple sur Aix-Marseille, à la date du 26 janvier 2008, 8 % ont déjà acquis le B2i collège et 40 % des items sont validés  [16]. 60 % de ces items ont été validés par la discipline technologie, suivi par les professeurs de mathématiques (8 %) et des documentalistes (7 %)  [17]. Dans l'implication disciplinaire des validations, c'est plus du quart (26 %) des professeurs de technologie de l'académie qui viennent en tête et s'investissent dans la validation, suivis des professeurs de mathématiques (16 %)  [17]. La seconde source est un sondage que j'ai personnellement initié auprès des 1 300 adhérents et abonnés de l'association PAGESTEC  [18] à l'occasion de la première année d'intégration obligatoire du B2i dans la validation du diplôme national du brevet de juin 2008  [19]. Ce sondage a eu lieu fin novembre 2007 sur cinq journées et a recueilli l'état des renseignements quantitatifs et qualitatifs concordants. En effet, d'abord, dans les 135 collèges décrits, les apprentissages de base en TIC, ou technologie de l'information, assurés par les professeurs de technologie, 80 % servent à la validation du B2i, et sont aussi assurés à 96 % par les professeurs de technologie. Ceux-ci assurent à près de 80 % la coordination indispensable dans l'organisation de chaque collège pour la répartition et le suivi des validations entre toutes les disciplines. Enfin ce sont les professeurs de technologie qui interviennent majoritairement dans la validation du B2i (78 %).

   Si tout converge depuis 1996 vers le fait incontestable que la technologie au collège est la discipline moteur de la réussite des différentes initiatives, notamment le B2i, quant à la culture ITIC, reste à examiner ce qui se décide-oriente politiquement sur cette éducation technologique dans les dernières semaines 2007-2008.

Qui doit être et sera désigné aujourd'hui et demain comme responsable des apprentissages fondamentaux en ITIC collège avec des heures spécifiques ?

   Le groupe ITIC de l'ASTI a pris position pour qu'au collège une discipline soit désignée comme étant responsable de l'éducation aux ITIC, tout en considérant que cet enseignement « est complémentaire de l'utilisation de l'Informatique et des Technologies de l'Information de la communication dans toutes les autres disciplines »  [20]. Cette position argumentée qui selon moi doit éviter une répétition-dispersion des apprentissages de notions, est à examiner avec attention dans le cadre de la mise en place d'un enseignement cohérent entre toutes les disciplines, dont la documentation qui ne fait pas partie dans les horaires d'enseignement, mais qui est très présente sur le temps hors des horaires officiels au B.O. En effet cette position est à examiner en relation avec les missions attribuées-assignées à la discipline technologie et aux autres disciplines  [21].

   L'examen de ces missions, révèlent depuis 1996, puis depuis 2005 en 6e, qu'elles sont soit « internes », soit « externes » aux disciplines. Concernant la discipline technologie au collège, sa mission est, selon moi, à la fois externe et interne. « Externe » parce qu'il s'agit de former dans la scolarité obligatoire aux notions-compétences sur les usages généraux et transversaux des TIC, mais aussi sur des usages courants du traitement de l'information au travers des systèmes industriels informatisés que l'on trouve dans la vie courante comme les barrières de parking, les ascenseurs, les systèmes de contrôle des billets de transport, etc. « Interne » parce que l'on peut se limiter à des apprentissages sans aucune relation avec le monde « externe » des applications dans la vie courante.

   Il s'agit en fait, dans l'enseignement obligatoire du collège, de se prononcer sur des pratiques techniques et sociales que l'on prend comme référence (origine et mission externe), ou sur des pratiques scolaires totalement détachées de ces pratiques sociales du monde familial quotidiennes (origine et mission interne).

   L'éducation technologique au collège depuis 1985 semblait plutôt s'inscrire dans l'origine et les missions « externes » (apprentissages des techniques et notions de base pour les usages courants comme service dans toutes les autres disciplines), que dans l'origine et les missions « internes » (outil pour les apprentissages techniques en sciences et techniques industrielles et économie et gestion du seul programme de technologie). Or de nouveaux évènements officiels depuis 2005 et ceux annoncés en ce début 2008, semblent revenir vers des missions et références internes au monde scolaire.

Quelles orientations et quels moyens horaires annoncés pour chaque collégien en ITIC ?

   Pour la technologie au collège et la formation en ITIC, d'importants évènements marquent les évolutions ces derniers mois de fin 2007 et de début 2008. Ils sont à questionner.

   Rappelons l'abandon des objectifs de la place des TIC dans l'enseignement de la technologie sont reformulés en 2005 sans l'horaire dédié d'une masse horaire annuelle fléchée de 10 h en ITIC au gré des collèges, des priorités des professeurs et des moyens matériels disponibles : « ... Les apprentissages relatifs aux TIC sont intégrés dans l'enseignement lors de l'analyse et/ou de la réalisation des produits étudiés... » et tout en déclarant que « ... L'ordinateur est un outil d'aide à l'expérimentation, à la représentation (notamment par l'image), à la conception et à la production, au pilotage de robots... »  [22]. Soit un glissement négatif en classe de 6e de 10 h à 0 h (dans le cas le plus défavorable) entraînant ainsi la réduction de la masse horaire au total au collège de 30 % à 25 %.

   Les dernières informations 2007 et 2008 concernent les résultats de la réflexion du groupe d'experts de refondation de la technologie au collège. Le 22 octobre 2007 le président de la commission d'experts sur la refondation de la technologie au collège annonce une réorientation importante « ... L'acquisition des compétences du B2i repose en grande partie sur le professeur de technologie : la place des TICE a aussi été rediscutée afin de mieux définir leur place en Technologie comme outil de communication et de gestion de l'information. Sans lui associer un horaire spécifique, le groupe a décidé de faire apparaître les TICE comme l'une des 6 approches et ceci dès la 6e. L'apport de connaissances sur cette approche, basée sur la réflexion de la cellule TICE pilotée par Guy Menant (NDLR Guy Menant est IGEN SVT), est structuré en six entrées sur les 4 niveaux du collège :
• l'environnement informatique, ses composants, son organisation, ses principes de fonctionnement, dans une perspective destinée à faciliter la compréhension des potentialités et des contraintes des solutions disponibles et de leur évolution ;
• l'exploitation de cet environnement au travers des différents types de « services » qu'il est susceptible d'offrir au niveau individuel comme au niveau collectif ;
• la chaîne de l'information, c'est-à-dire l'analyse du processus de traitement de l'information et de ses caractéristiques ;
• la représentation et la manipulation d'objets, de systèmes, de leur structure et de leur fonctionnement, concepts et pratiques que la technologie peut valoriser par les outils qu'elle mobilise ;
• la réalisation de documents multimédias, supports d'étude, d'illustration mais aussi production permettant de rendre compte des résultats d'un projet... »
  [23]. Deux questions restent à éclaircir. La première concerne les horaires spécifiquement fléchés TIC qui existaient en 1996 et qui semblent ne pas être rétablis suite à leur suppression dans le programme de 6e en 2005, sauf interprétation contraire compte tenu de la rédaction de la phrase « ... sans lui associer un horaire spécifique... ». La seconde question, le rétablissement d'un contenu attaché à la discipline technologie semble être revu. Sauf que lors du compte-rendu suivant du président de la commission de janvier 2008, il est ajouté « ... la communication et la gestion de l'information... La quasi-totalité des notions et compétences à acquérir en TIC, le seront à l'occasion d'un travail sur les 5 autres approches. Les moments où l'enseignant fera de l'informatique pour de l'informatique, doivent rester exceptionnels »  [24]. Cela ne veut-il pas dire que cet enseignement des TIC le sera désormais en quasi-totalité pour servir des besoins « internes » à la discipline, et moins, voire plus du tout, pour les applications et missions « externes » des autres disciplines, y compris pour le B2i ou la compétence du socle commun ?

   Le rétablissement d'un horaire fléché, ou son absence, pour les apprentissages de base en TIC par la discipline technologie, ou une autre, est le premier critère déterminant la volonté d'un enseignement de qualité à égalité pour tous et dans tous les établissements. La publication du nouveau programme de technologie pour consultation à la mi-février 2008 renseignera certainement les collégiens et leurs professeurs sur ce choix par rapport au recul de 2005-2008. Un horaire fléché, avec des contenus dédiés à examiner en fonction des missions, sont des contraintes d'enseignement incontournables si l'on se place dans le cadre d'un enseignement obligatoire qui ne tienne pas compte des acquisitions aléatoires extrascolaires.

   Reste qu'il faut examiner quel type de mission est assigné aux disciplines du collège en matière d'apprentissage aux TIC, et si la technologie garde ou non la responsabilité des apprentissages aux usages courants des TIC, voir ne plus se consacrer qu'aux apprentissages des TIC appliqués aux usages industriels et de services.

La technologie ne deviendrait-elle donc pas plutôt « félicitée » pour ses bons et loyaux services que « remerciée » ?

   Au-delà du jeu de mots, j'ai recherché ces chiffres et ces déclarations qui éclairent l'état des responsabilités des apprentissages TIC depuis 1996. Je n'ai pas trouvé dans les autres disciplines de collège et dans les programmes disciplinaires de collège, de liste de notions en TIC, sauf dans quelques documents d'accompagnement qui ne sont en fait que des « recommandations ». Ce qui pose la question de « qui fait quoi exactement et officiellement » et avec des horaires fléchés pour les apprentissages de base, dont les documentalistes qui ne disposent d'aucun horaire d'enseignement mais qui se placent en troisième position des validations après la technologie et les mathématiques.

   En 1996 la technologie est officiellement désignée avec des horaires imposés pour construire une culture de base TIC « externe » à ses propres objectifs parmi toutes les disciplines du collège afin que ces apprentissages de base soient appliqués et réinvestis dans toutes les autres disciplines en fonction de leurs applications propres. Ce ne sont pas les professeurs de technologie qui ont décidé de leur « propre chef » de dispenser les apprentissages de base. Un vaste plan de formation continue académique a accompagné, et accompagne toujours, la formation des professeurs de technologie pour atteindre cet objectif. Ainsi aujourd'hui les 44 + 22 notions sont la base de l'éducation aux TIC pour 1/3 du temps et pour les 2/3 du temps, sont ensuite réinvesties dans des applications au sein de la démarche de projet technique  [25 ; 26 ; 27]. Qu'ont fait les professeurs de technologie sous l'impulsion de leur inspecteur (IA IPR) au niveau académique, sinon tout simplement leur travail républicain ? Et il ne faut donc pas s'étonner de leur implication. Aucune enquête pédagogique nationale par le ministère sur les résultats qualitatifs n'a été conduite sur ce point auprès des collèges quant aux résultats. Mais ils sont là. Les professeurs de technologie ne doivent-ils donc pas être « félicités » et encouragés au vu des résultats sur ces apprentissages et de leur implication dans la validation du B2i contrairement à certaines déclarations publiques sur des sites publics et privés, que « remerciés » ?

Atteindre les objectifs TIC au collège : quelles sont les décisions à examiner aujourd'hui pour 2008, et lesquelles pour demain ?

   Aujourd'hui, pourquoi et comment retirer les responsabilités humaines et techniques acquises par les 15 000 professeurs de technologie et imposées depuis 1996 sans désavouer leur engagement de formation continue souvent personnelle, de 12 années ? Les deux questions posées dans le cadre de la réflexion de la commission E-educ TICE ne peuvent pas ignorer les compétences acquises par les professeurs de technologie à la demande du ministère : « Pensez-vous que les technologies de la communication et de l'information sont utilisables dans toutes les matières ? Dans tous les cas, pourquoi ? ». « À votre avis, leur apprentissage doit-il être intégré à chaque matière enseignée ou faire l'objet d'un enseignement spécifique ? Pourquoi ? ». Cette dernière question n'est pas complète. En effet il y a une troisième alternative, celle actuellement ayant fait ses preuves : l'apprentissage intégré majoritairement dans une seule discipline, la technologie, et les applications et validations faites par toutes les autres disciplines pour éviter des redondances d'apprentissages souvent dénoncées par les élèves et leurs parents. Les contraintes externes immédiates à court terme, culture générale technologique et numérique, socle commun et validations du B2i, ne pilotent-elles pas le résultat immédiat 2008 ? C'est ce qui s'appelle « apprentissages dans une ou deux disciplines et applications-validations dans toutes les disciplines ». La technologie peut en être dépossédée si l'on en croit l'orientation générale de la refondation de son programme commencée en 2005. Mais pour la France n'est-ce pas prendre le risque de se priver de la compétence de 15 000 professeurs de technologie acquise en TICE à la demande du ministère depuis 1996 ?

   À long terme, on peut effectivement envisager une répartition des apprentissages entre toutes les disciplines, ou la création d'une discipline spécifique « informatique et technologie de l'information et de la communication » dont le titre mérite analyse et débat par rapport à ce qu'en disent les chercheurs en didactique  [28], dont J.-L. Martinand qui précise « ...Technologie de l'information ne veut [...] dire ni informatique, ni apprentissages purement utilitaire de l'ordinateur... »  [29]. Dans ce dernier cas, il faudrait recruter et former des professeurs « d'informatique » et créer une discipline et des horaires. Dans le premier cas, la répartition de l'apprentissage des notions-compétences entre toutes les disciplines, tous les programmes disciplinaires de collèges devraient être immédiatement réécrits pour intégrer les notions-compétences requises quant aux apprentissages et aux validations et faire l'objet de formations continues systématiques  [30]. Fallait-il et faut-il encore mettre la « charrue de la validation » avant « les boeufs de l'apprentissage » ?

   La question des moyens financiers déjà nettement engagées par les rectorats et les conseils généraux dans les collèges pour soutenir les apprentissages à l'éducation technologique du programme de technologie depuis 1996 ne sont pas négligeables  [31]. Faut-il les arrêter pour les redistribuer aux autres disciplines dans ce nouveau mouvement de « tout est dans toutes les disciplines pour les apprentissages sans aucune responsabilité affectée à chacune d'entre-elles » ?

   Il semble bien qu'il faille tenir compte et traiter des trois composantes de cette problématique éducative aux TIC, et non pas de deux, ou d'une seule, c'est-à-dire les apprentissages de base, les applications contextualisées disciplinaires et les validations officielles et certificatives.

   En dehors des enjeux de société au cours de la scolarité obligatoire du collège, et selon J. Lebeaume « ... Au-delà d'une mutation possible de la technologie en une discipline de service, existe le risque d'une perte d'identité pour cette discipline déjà fragilisée par des fréquentes mutations et attaques... »  [32]. À moins que cette discipline, la technologie, soit félicitée, donc reconnue officiellement de manière pérenne comme responsable des principaux apprentissages aux TIC avec à coté des applications-validations dans toutes les autres disciplines.

2 février 2008

Ignace Rak
Inspecteur d'académie,
Inspecteur Pédagogique Régional Honoraire en
Sciences et Techniques Industrielles de l'académie de Paris.
Docteur en sciences de l'éducation des sciences et de la technologie,
ENS de Cachan 2001
http://pagesperso-orange.fr/techno-hadf/bienvenue.htm

Bibliographie sitographie

Note préalable. Pour certains documents les renvois à des numéros de page de la version papier, ne correspondent pas au numéro de page de la version PDF (il y a, en général un décalage de deux ou trois pages). Les deux numéros sont, en principe, signalés.

[1] http://www.education.gouv.fr/cid20835/installation-de-la-mission-e-educ-par-xavier-darcos.html.

[2] 15-11-2007. Apprentissages des TIC et informatique au collège : discipline, dans une discipline ou dans les disciplines ?
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a0712b.htm.

[3] 10-12-2007 (+ complément du 18-12-2007) Sondage sur B2i obligatoire collège en 2007-2008 sur PAGESTEC : résultats.
http://www.epi.asso.fr/revue/docu/d0801b.htm.

[4] 11-01-2008. L'enseignement de l'Informatique et des Technologies de l'Information et de la Communication (ITIC) au collège. Communiqué du groupe ITIC de l'ASTI
http://www.epi.asso.fr/revue/editic/asti-itic-coll_0801.htm et http://asti.ibisc.fr/groupe-itic.

[5] Ministère de l'Éducation nationale (1998). Technologie : programmes de 6e, 5e, 4e et accompagnement). PARIS : CNDP. (ou B.O. hors série n° 1 du 13 février 1997, p. 173-178).

[6] Ministère de l'Éducation nationale (1999). Programmes de 3e en collège livrets 1 et 2. PARIS : CNDP. (ou B.O. hors série n° 10 du 15 octobre 1998, p. 136-140).

[7] Rak, I. http://pagesperso-orange.fr/techno-hadf/edu/13-college_fr_2005-2010-6/HADF_13-1 _TIC_et_informatique_au_college_discipline_dans_une_discipline_ou_dans_les_disciplines.doc.

[8] Chevalier, L. 21-01-2008. Compte rendu des réunions de novembre et décembre 2007 du groupe d'experts « programme de Technologie au collège »
http://www.pagestec.org/web2001/index.php?op=edito.

[9] Ministère de l'Éducation nationale (2005). Programme de l'enseignement de technologie en classe de sixième des collèges. B.O. n° 3 du 20 janvier 2005, p. 109-124.

[10] Ministère de l'Éducation nationale (2002). Les conditions d'enseignement de la technologie dans les collèges. Rapport de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale (page 38).
http://media.education.gouv.fr/file/85/0/6850.pdf (page 40).

[11] Ministère de l'Éducation nationale (2001). La mise en place du brevet informatique dans les collèges et les technologies pour l'éducation. Rapport de l'inspection générale pédagogique de juillet 2001, (page 7).
http://media.education.gouv.fr/file/11/2/6112.pdf (page 9).

[12] Ibid. [11] (page 9) http://media.education.gouv.fr/file/11/2/6112.pdf (page 12)

[13] Ibid. [11] (page 11) http://media.education.gouv.fr/file/11/2/6112.pdf (page 14)

[14] Le fonctionnement du brevet informatique et internet au collège (2005). (Rapport de la direction de l'évaluation et de la prospective DEP) ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/dossiers/dossier165/dossier165.pdf, page 12.

[15] Le fonctionnement du brevet informatique et internet au collège (2005). (Rapport de la direction de l'évaluation et de la prospective DEP) ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/dossiers/dossier165/dossier165.pdf, page 20.

[16] https://pedagogie.ac-aix-marseille.fr/gibii/outils/analyse_acad/ (consulté le 26-01-2008).

[17] https://pedagogie.ac-aix-marseille.fr/gibii/outils/analyse_acad/discip.php (consulté le 26-01-2008).

[18] Association internet des professeurs de technologie au collège PAGESTEC : www.pagestec.org.

[19] Le diplôme national du brevet 2008. http://eduscol.education.fr/D0071/DNB2008.htm.

[20] http://www.epi.asso.fr/revue/editic/asti-itic-coll_0801.htm.

[21] http://eduscol.education.fr/D0082/accueil.htm.

[22] Cf. [9]. Programme de l'enseignement de technologie en classe de sixième des collèges. B.O. n° 3 du 20 janvier 2005, p. 109-124.

[23] Groupe d'experts de rédaction du programme de technologie collège : compte rendu des journées de septembre et d'octobre 2007 du 22-10-2007 par Luc Chevalier, président :
http://www.education-technologique.eu/ rubrique anciens articles (consulté le 22-10-2007).

[24] Groupe d'experts de rédaction du programme de technologie collège : compte rendu des journées de novembre décembre 2007 du 21-01-2008 par Luc Chevalier, président :
http://www.education-technologique.eu/ rubrique anciens articles (consulté le 21-01-2008).

[25] Rak, I. & Mérieux, C. (1997). L'évaluation des élèves en technologie, classe de 6ème. Paris : Delagrave + cédérom du professeur.

[26] Rak, I. & Mérieux, C. (1998). Enseigner et évaluer les élèves en technologie dans le cycle central (5ème et 4ème). Paris : Delagrave + cédérom du professeur.

[27] Rak, I. & Mérieux, C. (1999). Enseigner et évaluer les élèves en technologie dans le cycle d'orientation 3ème. Paris : Delagrave + cédérom du professeur.

[28] Meigne, F., Lebeaume, J. (2004). Technologie de l'information au collège. In B. André ; J.-L. Baron ; É. Bruillard (Directeurs). Traitement de texte et production de documents. Questions didactiques. Paris : INRP et Paris 12 Gédiaps, p. 99-110.

[29] Martinand, J.-L. (1996-1997). Familiarisation technique et connaissance technologique : la technologie au collège. Actes du séminaire de didactique des disciplines technologiques. ENS de Cachan, INRP, IUFM de Créteil, p. 18.

[30] cf. [2]. Apprentissages des TIC et informatique au collège : discipline, dans une discipline ou dans les disciplines ?
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a0712b.htm.

[31] Contribution des nouvelles technologies à l'évolution du système éducatif (mars 2007) http://www.education.gouv.fr/cid4961/ contribution-des-nouvelles-technologies-a-l-evolution-du-systeme-educatif.html (consulté le 1-12-2007).

[32] Lebeaume, J. (1998). Repères pour une histoire de la didactique des enseignements technologiques. Aster, p. 5-16.

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Association EPI
Février 2008