Pour un enseignement de l'informatique et des TIC, sans attendre

Jacques Baudé
 

   Je voudrais tout d'abord saluer cette initiative (qui date de deux ans) du Secrétariat d'État chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique, et tout particulièrement l'ouverture dans le cadre du groupe de travail « Création, Recherche & Développement et Innovation » d'un espace consacré aux enseignements scolaires. Cette démarche rare mérite d'être relevée. Il est intéressant que l'on ne considère pas que les citoyens qui feront l'avenir du pays – notamment dans les technologies de l'information et de la communication innovantes – naissent par génération spontanée à la sortie du Lycée. Comme tous les spécialistes compétents dans quelque domaine que ce soit, ils devraient résulter d'une lente maturation s'enracinant dans les enseignements scolaires.

   Il « devraient ». J'emploie le conditionnel car c'est précisément là que le bât blesse. Depuis de trop nombreuses années, le ministère de l'Éducation nationale a fait le choix (pour de nombreuses raisons jamais clarifiées) de l'informatique « outil ». Choix qui se concrétise dans le B2i où l'on se préoccupe essentiellement de valider des pratiques, des modes d'emploi et autres recettes de survie au détriment des contenus scientifiques.

   Nous sommes de plus en plus nombreux (pas seulement en France) à considérer que cette approche exclusive a largement fait la preuve de son insuffisance. Elle ne répond pas aux attentes de nombreux élèves (je n'ai pas dit tous) ni aux besoins du pays.

   Que le système éducatif fasse ce qu'il sait faire, quoi qu'en disent certains (qui curieusement se recrutent parmi ceux qui à titre personnel n'ont guère à se plaindre du système !). Que l'on crée, pour les élèves et les familles qui le souhaitent, un enseignement de l'informatique et des TIC en tant que tel au Lycée. Enseignement en prolongement de ce qui s'enseigne à l'école élémentaire et au collège dans le cadre de la Technologie.

   Je ne reviens pas ici sur l'argumentation et les nombreuses propositions de programme faites par l'association Enseignement Public et Informatique au fil des années. Les personnes intéressées les trouveront sur le site de l'association :
http://www.epi.asso.fr/revue/editic.htm.

   Pour que les choses soient bien claires, car la pensée de l'EPI est trop souvent déformée plus ou moins innocemment, il ne s'agit pas de nier l'importance de l'utilisation des « outils » informatiques dans les différentes disciplines et activités. Ces pratiques sont importantes et doivent se développer toutes les fois que possible. L'EPI milite pour cela et notamment pour la formation des enseignants, la disponibilité des matériels et l'évolution des programmes, depuis sa création (en 1971). Malheureusement, force est de constater que le développement de ce type d'approche est bien lent dans l'enseignement général de l'avis même d'observateurs impartiaux.
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a0705a.htm

   Dans le cadre de la réforme du lycée proposée par Xavier Darcos, une proposition de module « informatique et société numérique » a été faite pour la classe de seconde. L'EPI et le groupe de travail « Informatique et TIC » de l'ASTI ont proposé un programme pour un enseignement semestriel.
http://asti.ibisc.univ-evry.fr/groupe-itic/Programme-04-03-2008.pdf

   Comme chacun le sait, cette réforme a été reportée.

   Une fois de plus, un enseignement nécessaire se trouve différé. Les élèves les plus motivés et le pays vont en faire les frais.

   Il me semble qu'il serait sage de disjoindre le problème de la réforme du Lycée dans sa globalité de celui d'un enseignement indispensable à l'avenir du pays. On ne peut à la fois parler d'innovation, de création, de société numérique... et vouer nos jeunes à n'être que de simples consommateurs d'internet et... de jeux vidéos.

   La relance ne consiste pas seulement à construire des autoroutes et des TGV, c'est aussi se préoccuper du numérique et de la formation des spécialistes compétents. Cette formation doit plonger ses racines dans les enseignements scolaires.

   Nous devrions dire, comme Barack Obama lors de son récent discours au Congrès, que nous n'acceptons pas « un monde où les emplois et les industries de demain se créent au-delà de nos frontières. »

   Espérons que nous n'attendrons pas 2025...

   Une décision au plus haut niveau est indispensable.

Jacques Baudé

Président d'Honneur de l'EPI

Texte publié le 28 février 2009 sur le site de France2025 :
http://www.france2025.fr/xwiki/bin/view/France2025/ PourunenseignementdelinformatiqueetdesTICsansattendre

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Association EPI
Avril 2009

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