bas de page
 

Une audience au Conseil Supérieur des Programmes (CSP)
 

   Le 7 novembre dernier, Jean-Pierre Archambault, Gérard Berry et Maurice Nivat ont été reçus par Alain Boissinot, président du Conseil Supérieur des Programmes. Ont également participé à l'audience pour le CSP Véronique Fouquat, secrétaire du Conseil, Luc Belot, député, Anne-Laure Monnier et Françoise Doineau. La demande d'audience concernait l'enseignement de l'informatique à l'école primaire, au collège et au lycée  [1].

   Le CSP a pour mission la préparation, et l'éventuelle révision des textes concernant l'enseignement de l'ensemble des disciplines. Héritier de l'ancien Conseil National des Programmes des années 90, il a aussi des missions plus larges, telles que la formation des maîtres en relation avec le ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur. Il comprend des représentants de la Nation, et s'entourera d'experts.

   Les échanges ont été riches et constructifs. Nous tenons à remercier nos interlocuteurs pour la qualité du dialogue qui s'est instauré entre nous, qui a porté à la fois sur les enjeux sociétaux de l'enseignement de la discipline informatique, sa nature scientifique, sa pédagogie et sa didactique. Si elle entretient des relations avec les mathématiques, ce n'est que pour une partie limitée : cet échange ne couvre pas les réseaux et les machines, leurs architectures, la définition et l'utilisation des langages de programmation, etc. L'intuition et les modes de raisonnement de l'informatique lui sont spécifiques. Ils sont faits d'un mélange inextricable de science et de technique. Notons enfin que l'enseignement de l'informatique en tant que discipline scolaire et ses usages pédagogiques dans toutes les disciplines sont deux choses distinctes, mais complémentaires et se renforçant mutuellement. Les influences que l'informatique exerce sur l'essence des autres disciplines, leurs méthodes et leurs objets est un autre sujet important : voir par exemple l'importance croissante de l'algorithmique en biologie, et bien sûr l'impact de l'informatique dans toutes les disciplines techniques et professionnelles.

   Nous avons rappelé que l'enjeu est essentiel pour notre pays, car l'informatique est au coeur des activités numériques. Elle sous-tend le numérique comme la biologie sous-tend le vivant et les sciences physiques les industries de l'énergie et des matériaux. Son impact sociétal et économique explose au XXIe siècle, l'informatisation devenant la forme contemporaine de l'industrialisation. On ne compte plus les débats de société suscités par le numérique et l'informatique : loi Hadopi, neutralité du Net, libertés, etc. L'informatique et le numérique sont de plus en plus présents dans la vie quotidienne de tout un chacun.

   Des avancées éducatives sont intervenues récemment : l'enseignement de spécialité optionnel « Informatique et sciences du numérique » ouvert en terminale S à la rentrée 2012, son extension « à la rentrée 2014 à l'ensemble des terminales des séries du baccalauréat général et technologique », l'introduction d'un enseignement de l'informatique dans les CPGE. Nous avons indiqué que, selon nous, ces avancées doivent tendre vers la création dans le secondaire d'une discipline de science informatique pour tous et pour l'ensemble des niveaux. Son enseignement – comme le préconise le rapport de l'Académie des Sciences « L'enseignement de l'informatique en France - Il est urgent de ne plus attendre » – doit débuter dès le collège au même titre que celui de la physique ou de la biologie, après une sensibilisation à l'école primaire  [2]. Mais il ne doit pas être à caractère optionnel, puisque ce sont bien tous les citoyens qui sont déjà confrontés à des questions qui ne pourront se résoudre que grâce à une véritable compréhension du monde numérique, rendue possible par une initiation à la science informatique. Bien sûr, le cap étant fixé, reste la question du calendrier, une montée en puissance, progressive, réaliste mais déterminée, étant incontournable. Pour cela il faut régler le problème décisif de la formation des enseignants.

   Quels scénarios pour cette montée en charge ? Nous avons suggéré pour l'école primaire une mise en place, sur plusieurs années, d'une initiation qui suppose des certifications dans les ESPE et une formation des maîtres assurée par des enseignants d'informatique. Au collège, un processus peut démarrer avec une présence bien identifiée de la science et technique informatique, dans le cadre du cours de technologie, assurée par des professeurs formés en informatique. Au lycée il faut aller rapidement vers la généralisation en série scientifique et une extension dans les autres filières. Ces scénarios sont esquissés dans le rapport de l'Académie des sciences

   Science et technique majeure du XXIe siècle (30 % de la R&D de par le monde, 18 % seulement en Europe), discipline à part entière, l'informatique doit avoir son Capes et son agrégation. Leur création rapide constituerait un signal fort. Pendant une période transitoire, la formation continue doit aussi, de manière complémentaire, faire office de formation initiale, avec des retombées positives pour la carrière des enseignants. Mais une reconnaissance claire d'un bénéfice pour les enseignants suivant ces formations sera indispensable pour construire leur motivation. Une organisation institutionnelle serait de nature à favoriser la reconversion dans l'enseignement des professionnels de l'informatique qui le désirent.

   Comme nous l'avions fait pour le lycée et la formation des enseignants, nous allons faire des propositions de curricula pour l'école primaire, le collège et les filières ES et L.

   L'intégration de la science et technique informatique dans la culture générale scolaire de tous les élèves est une question de première importance. Elle nécessite une décision politique qui doit selon nous être affirmée au sommet de l'État et confirmée par la Représentation Nationale. Il faut enseigner l'informatique comme une discipline à part entière, à l'égale des autres qui sont enseignées aujourd'hui. Une telle décision a été récemment prise par le parlement britannique. Elle est sans doute nécessaire pour vaincre les résistances corporatistes et sortir du cercle (de plus en plus) vicieux qui veut que comme c'est difficile d'introduire une nouvelle discipline, eh bien on ne le fait pas. Comme le dit le rapport de l'Académie des Sciences, il est urgent de ne plus attendre.

   Nous avons rencontré une écoute attentive de nos interlocuteurs qui, comme nous, sont conscients du rôle social, industriel, économique, indispensable à l'innovation, d'un enseignement généralisé des méthodes et concepts de base de l'informatique. Il s'agit de l'entrée de plain-pied de la France dans le XXIe siècle.

Jean-Pierre Archambault
Gérard Berry
Maurice Nivat

NOTES

[1] Audience demandée par :
- Serge Abiteboul, Professeur au Collège de France (2012), membre de l'Académie des Sciences, membre du Conseil National du Numérique.
- Jean-Pierre Archambault, Président de l'association Enseignement Public et Informatique (EPI).
- Gérard Berry, Professeur au Collège de France, membre de l'Académie des sciences et de l'Académie des technologies.
- Colin de la Higuera, Président de la Société Informatique de France (SIF).
- Gilles Dowek, Directeur de recherche à l'INRIA, Grand Prix de philosophie de l'Académie Française.
- Maurice Nivat, membre de l'Académie des Sciences.
http://www.epi.fr/revue/docu/d1311a.htm

[2] L'enseignement de l'informatique en France - Il est urgent de ne plus attendre.
Rapport de l'Académie des sciences - Mai 2013.
http://www.academie-sciences.fr/activite/rapport/rads_0513.pdf

haut de page
Association EPI
Novembre 2013

Retour à EpiNet 2013